Coup de cœur : les souliers décalés de Pupchen

Si Duha Bukadi a commencé sa carrière en tant qu’architecte, elle a pourtant eu très tôt des envies de mode. « Quand j'étais petite, je passais tout l'été chez mes grands-parents. Je n'ai jamais aimé faire la sieste alors je descendais dans le grenier où il y avait d'énormes pots de paillettes et plein de tissus. Je passais des heures à regarder, toucher et même sentir, puis à imaginer ce que je pourrais en faire. »  Mais c’est un accident qui lui donnera le déclic. Coincée au lit pendant un mois juste avant la pandémie mondiale, tout lui semblait à la fois possible et impossible, jusqu’à réaliser qu’elle devait commencer à faire ce dont elle avait toujours rêvé. Elle s'inspire alors de son environnement : les jouets de sa fille, ses rêves éclatants et la poésie inattendue de la vie quotidienne. Duha veut que ses chaussures soient ludiques, et en même temps le summum du chic, une revanche esthétique sur le monde des adultes résignés, des routines fastidieuses et des personnalités plates.

Imaginées à Paris et fabriquées à la main en Italie, les chaussures Pupchen s’habillent de matériaux qui ont un impact moindre sur l'environnement. « En tant qu'architecte, j’ai toujours été très sensible à l'impact de l'architecture sur la planète et je suis venue au design de chaussures avec cet esprit : réduire l'impact de l'industrie de la mode sur la planète. » Au départ, elle ne voulait faire aucun compromis, avant de se rendre compte que c’était très naïf. « Naviguer dans le secteur déjà compliqué des chaussures de luxe et dire non à toutes les options non végétaliennes et non durables était un projet irréaliste compte tenu de ce qui est disponible sur le marché aujourd'hui. » Réalisant qu’elle ne pourrait pas atteindre de cette manière la qualité, la durabilité et le style qu’elle imaginait, elle choisit d'être honnête, plus que radicale. « Lorsque nous ne choisissons pas l'option durable, nous nous engageons à expliquer les raisons honnêtes de ce choix » poursuit-elle. « Et nous restons ouverts sur la manière dont nous pourrions modifier ces décisions dans un avenir proche. »

Pour la fabrication, la créatrice a construit un lien fort avec Ballin, Massaro, ou encore Goossens, tous membres des Métiers d’Art de Chanel, et a ainsi aidé à donner vie à ses toutes premières chaussures. Elle a également eu la chance de compter Stella McCartney parmi ses proches mentors et conseillères, et avoue être inspirée au quotidien par Gabrielle Chanel, mais surtout par Azzedine Alaia, tunisien comme elle. « La première fois que je suis arrivée à l'usine en Italie, tout le monde m'appelait ‘La Ragazza Francese’ (la fille française), simplement parce que je leur ai été présentée par la maison Chanel, à Paris. Maintenant, ils savent tous que je suis tunisienne et connaissent même des mots en arabe! » Elle regrette qu'il n'y ai pas plus de modèles de réussite qui viennent de la région, bien que le monde arabe soit passionné de mode et compte des clients très importants pour de nombreuses marques de luxe. Mais ce n'est plus qu'une question de temps, grâce à des marques comme Pupchen qui rayonne déjà à l'international.