Christmas reads : 8 livres à déposer sous le sapin
Quand le club de lecture @Reading_is_sexyy croise le Festival CinéRoman, cela donne une sélection de livres qui séduit les lecteurs autant qu'il inspire le cinéma.
Juste à temps pour Noël, voici 8 pépites littéraires à déposer sous le sapin (ou directement dans votre bibliothèque). Elles pourraient bien devenir vos prochains coups de cœur… ou vos futurs films préférés.
- Houris – Kamel Daoud (Editions Gallimard)
Prix Goncourt nécessaire et mérité pour ce merveilleux roman de Kamel Daoud qui nous offre le récit de la mémoire de son pays, d’une guerre barbare qu’il ne faut pas oublier. « Face au monde de dehors, ma langue intérieure demeure une merveille de précision et d’histoires anciennes qui y traînent en attendant de se rejouer. » Kamel Daoud ou le génie de dire en si peu de mots les idées les plus grandes… Houris c’est une histoire de sens : la cécité, le mutisme et la surdité d’un pays face à la guerre, à l’innommable. Comment parler quand personne n’est là pour écouter, quand le monde qui nous entoure souffre d’amnésie ? Raconter pour ne pas oublier, raconter pour transmettre, raconter pour vivre. S’installe ici un monologue intérieur, celui d’Aube, jeune femme puissante, qui affronte le monde comme les premières lueurs du soleil levant. Elle s’adresse au fœtus, dont elle souhaite se séparer, et lui raconte son histoire, sa vie. Cette histoire marquée par un crime terroriste dont elle est victime alors qu’elle a 5 ans, crime qui lui laissera un sourire éternel sous forme de balafre et une voix aussi sourde qu’un souffle. Ce récit universel convoque toutes les filles du monde, celles qui sont privées de liberté, d’avenir et de paroles sous le joug des radicaux mais aussi celles qui ont la chance d’être libres. Ce roman est un hymne à la vie et à la liberté.
- La nuit de David – Abigail Assor (Editions Gallimard)
Plaisir d’offrir le second roman d’Abigail Assor et de redécouvrir son regard si juste sur la vie et les sentiments. Elle nous emmène avec elle dans la beauté et la complexité des liens qui unissent les jumeaux et nous dépeint la construction en miroir brisé, qui ne se fait jamais sans égratigner l’autre, malgré un amour inconditionnel. À travers le regard d’Olivia, la jumelle, l’auteure nous ouvre les portes du monde imaginaire de David. Un monde mêlé d’espoir et de colère, où la langue barbapapa est de rigueur et où on ne transige pas avec ses rêves. Dans cet univers, les failles de sa famille n’ont pas leur place tout comme le manque d’amour maternel ou encore les jugements acides de sa grand-mère. Enfant inadapté, David se heurte au réel et décide de ne pas composer avec celui-ci pour ne pas risquer de se perdre. La prise en charge des enfants différents au cœur de ce roman puissant, met en exergue les limites des parents et plus précisément des mères, qui de guerre lasse font parfois les mauvais choix.
- Vingt-quatre heures de la vie d’une femme – Stefan Zweig (Editions Livre de poche)
Classiques incontournables, les romans de Stefan Zweig possèdent la vertu de nous questionner sur nous-mêmes en nous démontrant que la nature humaine est infiniment complexe et qu’il est impossible de cantonner l’être humain à un rôle ou une place définie. La multitude des paradoxes qui nous constituent, s’ajoute aux aléas de la vie qui est pleine de surprise. C’est ainsi que ce roman intemporel, nous en dit plus sur les femmes que nombre d’articles et de livres sur le sujet. La femme qui transgresse, qui ne renonce pas et qui en dépit de sa situation ou de son âge veut encore et toujours rêver et vibrer. Ce désir qui n’en finit jamais et qui peut sembler déraisonné s’il se heurte à une belle rencontre. Loin des jugements et des critiques, nous voilà invités dans le cœur d’une femme à qui, pendant 24h, tout semble possible. Cet élan vital qui constitue ce si beau tourbillon de la vie, nous invite à reconsidérer l’existant et à constamment le défier.
- Jacaranda – Gael Faye (Editions Grasset)
Prix Renaudot 2024, Gael Faye signe avec Jacaranda un récit touchant dans lequel il renoue avec l’histoire du Rwanda et tente de percer le silence qui accompagne un génocide. Comment survivre à tant d’horreur même sans en avoir été témoin ? L’auteur raconte ce qu’il reste aux survivants d’un génocide : le mutisme, le silence, l’incapacité de parler et de transmettre. Il s’attaque au syndrome du survivant que décortique très bien Nathalie Zadje dans Enfants de Survivants. Cette histoire, ces traumatismes que portent les enfants de rescapés sans jamais en avoir été témoin. Pourtant, au travers des silences, de l’énergie, de l’absence, chaque descendant est le légataire de cet héritage aussi funeste et macabre soit-il. On a beau vouloir taire l’horreur, elle ne demande qu’à hurler. Gael Faye sait transmettre le chagrin, l’horreur, la nuance, la beauté, l’incapacité de parler, la nécessité de comprendre, les secrets qui écrasent et empêchent, l’horreur qui tue.
Il réussit le pari de transmettre une histoire nécessaire au travers des témoignages de ses protagonistes, de rendre un hommage vibrant et puissant à un peuple en reconstruction, à un pays en réparation.
- Bel ami – Emma Beckett
À travers Le Mal Joli, Emma Becker décrit de sa plume brute et incisive les complexités de l’amour, du désir et de la maternité. Elle raconte sans détour sa relation avec son amant et aborde l ‘éternel sujet de l’amour interdit et dévorant. L’auteure y distille ses réflexions sur le couple et la fidélité à travers ses propres contradictions où le bonheur et la douleur sont indissociables. Le Mal Joli nous transporte au cœur même de la vie d’une femme du XXIème siècle , bien ancrée dans son époque, tiraillée entre le bonheur conjugal où s’épanouit sa vie de mère et sa soif de liberté et de plaisirs charnels où s’épanouit sa vie de femme. Emma Becker écrit sans fard avec une sincérité certes provocante, parfois maladroite mais toujours touchante.
- Le club des enfants perdus – Rebecca Lighieri (Editions POL)
En tant que grandes adaptes des romans de Rebecca Lighieri, nous ne pouvions pas passer à côté de son dernier roman ! Et c’est un nouveau style de littérature qu’elle explore ici, navigant entre réel et fantastique. Si cela peut surprendre de prime abord, on se laisse porter par ce milieu de comédiens narcissiques si bien décrit par l’auteure, et plus largement par ces parents qui transmettent autant d’amour que de failles à leur progéniture. Derrière le récit fantastique, se dissimule une métaphore de cette jeunesse désenchantée qui ne trouve plus son salut dans un monde d’apparences et d’image. Le mal de vivre de toute une génération, qui sous la plume de l’auteure, prend la forme de pouvoirs surnaturels et d’hallucinations anxiogènes. La dépression juvénile vue par Rebecca Lighieri, est un voyage dans un monde imaginaire surprenant mais aussi catalyseur des maux de notre société. Dans ce roman se jouent les ingrédients du bonheur, la découverte et l’amour de soi mais aussi la puissance du regard extérieur. Jongler avec les injonctions paradoxales pour s’ancrer dans le réel et parvenir à une paix intérieure grâce à un socle solide loin des renoncements et des faux-semblants.
- La confession – Romane Lafore (Editions Flammarion)
Ce roman qui se lit d’une traite, nous immerge dans le milieu catholique conservateur et plus précisément dans celui des jeunes filles issues de la légion d’honneur. Éduquées entre devises militaires et préceptes religieux, le doute est peu permis et le pas de côté n’est pas une option. Au-delà du milieu décrit, le livre dénonce plus largement la pression sourde exercée par la société sur les femmes et leurs corps. L’avortement, la contraception, l’infertilité, la grossesse ou le nombre d’enfants qu’il est convenu d’avoir, restent des sujets dont s’emparent facilement tout un chacun. Ce roman nous parle de ce que veulent réellement ces femmes à qui le monde se substitue pour avoir une opinion de ce qui est bien et mal. Avec énormément de finesse et d’adresse, l’auteure amène son personnage principal à trouver son salut dans la déroute. Et c’est au cœur de cette impasse que naît la question existentielle des choix, ceux que l’on fait et ceux que l’on croit faire. Ces choix qui ne devraient finalement n’appartenir qu’à nous même.
- Celle que vous croyez – Camille Laurens (Editions Livre de Poche)
A l’approche de la sortie du nouveau roman de Camille Laurens, revenons sur ce magnifique roman structurant de son travail d’écrivain. Car l’auteure n’a pas son pareil pour nous éclairer sur les femmes, leurs envies, leurs peurs et le carcan qui les emprisonne. A chacun de ses livres, elle nous apporte sa vision de la féminité : une féminité dense et intense mais trop souvent contrariée. Et c’est ainsi que ce roman nous embarque, tant par la qualité de l’écriture que par la résonance de chaque phrase, chaque mot, subtilement choisi pour nous emmener sur le sujet encore si peu exploré du désir féminin. Ce désir, qui ne fait que grandir avec l’âge tout en bousculant voire effrayant encore certains hommes. Dans ce roman tout se mélange et se fond dans une douce harmonie, la femme de cinquante ans apparaît plus conquérante que jamais et à la fois encore si vulnérable. Le personnage principal s’invente, se perd et finit par se retrouver pour mieux affronter sa blessure narcissique si tenace malgré le temps qui passe. Finalement cet élan vital se heurte aux préjugés des hommes et de la société, enfermant une fois de plus la femme dans les frontières originelles qui lui ont été dessinées.