K-Way, la revanche du zip
Avec le lancement de sa ligne R&D, K-Way revendique une place de choix sur la scène mode, pour la première fois de son histoire. Laurent Goupil, Directeur France de la marque, revient en détail sur une stratégie de repositionnement premium initiée il y a tout juste dix ans.
L’Officiel : K-Way vient de lancer une nouvelle ligne unisexe baptisée R&D, beaucoup plus technique et design que d’ordinaire, pourquoi et comment ?
Laurent Goupil : Cette ligne a été pensée pour défiler en janvier dernier à Milan, puisque la marque K-Way figure désormais au calendrier officiel de la fashion-week. Il fallait des produits plus créatifs, qui soient en phase avec ce que le marché, les clients, la presse, attendent d’une telle exposition. C’était la raison première, mais il y a aussi la volonté au sein du management de la marque d’aller un cran plus loin dans la créativité, en laissant carte blanche à l’équipe design, d’aller chercher des matières premières et un savoir-faire plus complexe, haut de gamme, sans s’auto-limiter au prix du marché. Au vu de cette collection, et de l’accueil qui lui a été réservé, il eut été dommage de ne pas la proposer aux top consumers du monde entier, par une distribution très sélective, uniquement dans nos flagships et quelques multimarques (5 à 10 points de vente seulement en France).
La dernière grosse offensive stratégique de la maison sur le marché français date de 2012. Comment résumer cette décennie K-Way ?
Quand nous avons récupéré la licence K-Way en 2012, le chiffre d’affaires était à zéro ! Pendant 20 ans, de 1992 à 2012, la marque était au point mort même si personne ne s’en souvient vraiment, sa notoriété étant profondément inscrite dans l’inconscient collectif des Français. Nous sommes donc partis d’une page blanche, mais le travail avait déjà été amorcé par l’Italie qui avait localement relancé la marque quelques années auparavant en la repositionnant sur un segment premium. Concernant le marché français, nous avons établi une stratégie en trois axes : la reprise du réseau de distribution, que nous souhaitions plus sélectif, l’établissement d’une stratégie de communication adéquate, plus ciblée, et le développement retail, avec l’ouverture fin 2013 d’une première boutique en nom propre. Ce retour client direct et inédit a été un déclic.
La marque a-t-elle pu tenir sur la longueur ses engagements en terme de développement ?
Absolument. Nous avons même été plus vite que prévu en terme de retail, avec l’ouverture de quatre autres boutiques dans les deux ans qui ont suivi. Les très bons retours nous ont conforté sur le potentiel de développement national, et ont fait office de booster pour le reste du réseau de distribution, je pense aux multimarques, souvent frileux à l’idée de passer au premium.
En quoi cette patience a-t-elle payé, pour vous qui aviez dit à l’époque « j’adore les belles endormies, mais il faut savoir être patient » ?
Honnêtement, je pense que nous sommes arrivés aujourd’hui à un niveau de business auquel on ne s’attendait pas, et ce avec un énorme potentiel. Le pari est plus que réussi et nous sommes ravis du résultat. En matière de développement de marque, tout est toujours une question d’étapes : quand on passe de 0 à 1 million de chiffre d’affaires, on se dit que la route sera longue. Quand on passe de 1 à 10, et que l’on pense avoir atteint le maximum, surgissent de nouvelles opportunités auxquelles on n’avait pas forcément pensé. C’est quelque chose que l’on apprend au jour le jour, en gardant le cap.
Une autre de vos problématiques d’alors était de revenir à une possible fabrication Made in France . Qu’en est-il aujourd’hui ?
C’était, c’est vrai, une initiative de notre part, sortie d’un brainstorming en interne. Nous avions estimé qu’il pouvait être pertinent de ramener la fabrication de la marque en France. Hélas, pour des raisons de production et de savoir-faire, la technicité n’était plus au rendez-vous sur le territoire national et nous avons dû rapidement nous rendre à l’évidence que c’était impossible à mettre en place, faute d’industrie locale pour y répondre. Le sujet, plus que jamais d’actualité, est toujours sur la table, mais si c’est seulement pour cocher la case « Made in France », avec des produits qui ne répondent pas aux normes techniques attendues, ce sera forcément déceptif pour tous.
Le groupe italien Basic Net, propriétaire de K-Way depuis 2004, a une méthodologie très particulière, pouvez-vous la détailler ?
Le business model de Basic Net est assez simple mais très singulier : c’est une plateforme, un service, qui développe des marques et contrôle leur image à l’international. Il crée pour chacune d’entre elle une collection globale, faite par son bureau de style, dans laquelle chaque partenaire indépendant vient sélectionner ce qui fera sa propre collection, en fonction des besoins de son marché local. C’est le premier levier. Le second, c’est la centralisation du marketing, avec validation de toute action d’envergure nationale, afin d’être sûr d’aller dans une même direction. Le troisième concerne la production, c’est le groupe qui choisit les usines, un gage de qualité.
Fendi, Saint Laurent, Comme des Garçons, DSquared2, AMI Paris… les collaborations K-Way sont nombreuses. Sont-elles à l’initiative de la marque pour renforcer son positionnement premium, ou vient-on la chercher pour son expertise technique ?
Un peu des deux, même si nous sommes régulièrement sollicités. Il n’y a pas chez nous de recherche active en la matière, mais plutôt une veille, c’est une question d’opportunités. Et puis il y a toujours deux vitesses dans ce type de collaborations, certaines concernent l’international, alors que d’autres se font à l’échelle nationale, comme ce fut le cas en France avec la marque AMI, même si cette association a aussi été bénéfique à K-Way sur le marché asiatique. Une chose est sûre, il y a toujours dans ces collaborations une dimension affective, avec un effet « Madeleine de Proust ».
En revanche, et contrairement à beaucoup d’autres marques du secteur casual, K-Way n’a jamais fait appel à un designer extérieur. Pourquoi ce choix ?
Le bureau de style italien se débrouille très bien. Et puis pour une marque comme K-Way, qui possède déjà un adn très fort, je pense personnellement que superposer à cela l’empreinte d’un grand nom brouillerait probablement les pistes.
Les archives de la marque ont en grande partie disparu dans l’incendie en 1992 du siège de la marque près de Lens. Comment réussir à en perpétuer son adn, très visionnaire pour l’époque ?
Si la grande majorité des archives ont effectivement été détruites, il y a aujourd’hui une vraie volonté de la part du groupe Basic Net d’en reconstituer les grandes lignes, par l’entremise de collectionneurs, de ventes aux enchères.
K-Way, créé en 1965, c’est 45 millions d’exemplaires du légendaire coupe-vent imperméable vendus dans le monde, et un taux de notoriété proche des 100%. La marque a même fait son entrée dans le dictionnaire en 1995. Comment faire encore mieux ?
Et elle figure même sur les listes de matériel scolaire ! Pour ce qui est du marché français, la marque a encore de belles années devant elle, via le maillage national. Alors qu’il y a encore cinq ans nous nous demandions si l’on était capable d’ouvrir à Bordeaux, nous projetons maintenant d’ouvrir à Laval ou Pau. Biarritz, Arcachon… marchent très bien, alors allons-y pour Pau ! Aujourd’hui K-Way, c’est 42 boutiques rien qu’en France, avec la probabilité d’en avoir entre 80 et 100 dans cinq ans. Et c’est la même chose à l’international, avec un incroyable travail de fond des partenaires en place. La marque est en passe d’établir une dimension tout autre.