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Orlando Bloom : "Je ne pense pas au box office"

L’acteur nous parle de son rôle dans la comédie Deep Cover, de son statut d’idole des années 2000, et de son retrait délibéré du devant de la scène.

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Photographie THE MORELLI BROTHERS

Stylisme MONTY JACKSON

Pour Orlando Bloom, le timing est essentiel. Il est devenu une idole planétaire pratiquement du jour au lendemain en incarnant Legolas, l’elfe archer aux longs cheveux blonds de la Terre du milieu, dans la trilogie du Seigneur des anneaux de Peter Jackson, un rôle décroché deux jours avant de terminer ses études à la Guildhall School of Music and Drama, en 1999. “Je n’arrivais pas à y croire”, se souvient Bloom. Il ne cessait d’appeler son agent pour s’en persuader. Et comme si son visage ne pouvait pas s’afficher davantage en une des magazines près des caisses de supermarché, le phénomène Bloom s’est amplifié quand l’acteur a campé Will Turner, un armurier devenu pirate, dans la trilogie Pirates des Caraïbes, entamée en 2003 avec La Malédiction du Black Pearl. En 2004, il asseoit son statut de it-boy en jouant Pâris, le prince troyen célèbre pour sa beauté, dans Troie, au côté de Brad Pitt. En 2005, il tourne avec Kirsten Dunst dans le drame Rencontre à Elizabethtown, de Cameron Crowe, donnant naissance à d’innombrables rumeurs d’histoire d’amour. Mais il ne s’agissait que d’une parfaite alchimie sur grand écran. Depuis, Bloom a ajouté de nombreux films à son CV, a fait des apparitions sur scène à Broadway et dans le West End, et sur petit écran dans la série fantastique Carnival Row en compagnie de Cara Delevingne. Durant la décennie et quelque écoulée, Bloom a ralenti ce rythme implacable. Dès 2011, il met sa carrière en pause pour se concentrer sur sa famille. Cette année-là voit la naissance de son fils avec son ex-femme Miranda Kerr. Kerr et lui divorcent en 2013 après trois ans de mariage. En 2020, lui et sa fiancée Katy Perry accueillent une petite fille. Ils sont ensemble depuis 2016 et ont annoncé leurs fiançailles en 2019. C’est une petite semaine après les onze minutes de Perry dans l’espace que Bloom fait un Zoom avec L’OFFICIEL.

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Pardessus, chemise et pantalon, CALVIN KLEIN. Boots, SCAROSSO.

Après être apparu durant sa vingtaine dans plusieurs des plus gros cartons du box-office, Bloom, 48 ans aujourd’hui, a une approche plus délibérée. Il choisit ses rôles avec soin, ce qui l’a mené au cinéma indépendant. Cet été, il joue dans Deep Cover, une comédie de Tom Kingsley sur des acteurs d’improvisation qui mettent leurs talents à contribution pour infiltrer un gang criminel de Londres. Le film arrive sur Prime le 12 juin. Bloom y incarne Marlon, un acteur sans emploi mais dévoué à son art et qui se prend plus au sérieux encore que Daniel Day-Lewis. “C’est Colin Trevorrow [co-scénariste du film] qui m’a proposé ce projet, dit Bloom. Je n’ai jamais vraiment joué dans une comédie, mais il m’a fait confiance. J’ai trouvé le concept et le personnage très marrants.” Lorsque je mentionne que son rôle dans Pirates des Caraïbes comprend nombre d’éléments comiques (parmi lesquels un duel à l’épée avec Jack Sparrow dans La Malédiction du Black Pearl et un autre à trois adversaires dans Le Secret du coffre maudit), Bloom m’ignore. Alors qu’il a côtoyé ou travaillé avec bon nombre d’acteurs dramatiques sérieux, son inspiration pour Marlon – et son personnage d’infiltré, Roach – provient d’une source inattendue : Oasis. Plus jeune, il écoutait le groupe (qui se reforme pour une tournée cet été), et c’est l’un des premiers concerts auxquels il ait assisté. “Mon personnage est de Manchester, raconte-t-il. J’ai puisé dans l’énergie physique d’Oasis, surtout celle de Liam [Gallagher]. Ça m’a beaucoup amusé.” Le chanteur est connu pour sa personnalité cash et bagarreuse, qui a entraîné des controverses fameuses, telles que des bastons publiques, remarques désobligeantes et un conflit avec son frère Noel, également membre du groupe.

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Complet et mocassins, DIOR HOMMES. Montre, PORSCHE DESIGN. Débardeur, perso.

Jouer la comédie, “c’est avant tout une question de timing, dit Bloom. On doit savoir quand réagir.” Mais il attribue à ses “géniaux” partenaires, Bryce Dallas Howard et Nick Mohammed, le mérite  de lui avoir facilité les choses. “J’adore Ted Lasso, dit-il, et Nick est tellement drôle. J’ai souvent eu du mal à ne pas éclater de rire.” Une même étincelle brille dans ses yeux quand il évoque le tournage de Deep Cover que quand il raconte avoir quitté Los Angeles pour Santa Barbara (“ça fait du bien d’échapper à tout ça”, dit-il). En plus de routiers de la comédie comme Mohammed, certains des plus grands acteurs de Grande-Bretagne, parmi lesquels Ian McShane, Paddy Considine et Sean Bean, font partie du casting. Bean, on le sait, jouait Boromir dans Le Seigneur des anneaux – La communauté de l’anneau. “Un moment, j’ai eu l’impression d’être redevenu Legolas”, dit l’acteur. “Je suis toujours très Méthode”, dit Bloom, prenant une longue pause pour méditer sur ses paroles. Il se gratte la barbe et il embrasse son bureau du regard. “Mais un film, c’est une collaboration.” Il veut sans doute éviter les critiques qu’on porte sur les adeptes de l’Actors Studio tel Marlon, qui reste dans son personnage même lorsque les caméras s’arrêtent de tourner. Pour Bloom, le jeu Méthode est un état d’esprit dont il peut s’affranchir, jusqu’à un certain point. Il ne jouait pas les elfes hors caméra en Nouvelle-Zélande dans les décors du Seigneur des anneaux, mais il a gardé l’accent de Marlon dans Deep Cover tout le long du tournage l’année dernière. “J’ai passé un excellent moment. Bryce est géniale, et les scénaristes connaissent très bien ce milieu”, raconte-t-il. Bien qu’on puisse supposer que le sujet se prête à l’improvisation, Bloom dit qu’il n’y en a pas eu, ou très peu, sur le plateau de Deep Cover.

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Veste écossaise, chemise et pantalon, AMI PARIS. Montre, PORSCHE DESIGN. Chapeau de cow-boy, perso.

Durant cette dernière décénie, la pop culture Y2K était frénétique… une foire d’empoigne caractérisée par des paparazzis implacables, des tabloïds vicieux et un mépris général du respect de la vie privée, de l’espace vital et de la loi. Les tabloïds publient alors des photos peu flatteuses et des rumeurs infondées. Les cancans autour de Bloom concernent ses amours, notamment sa relation avec Kate Bosworth ou Miranda Kerr, son ex-femme aujourd’hui. À croire que les médias n’ont pour but que la destruction de la vie et de la réputation des célébrités, à n’importe quel prix. Connu sur la planète entière, Bloom est pourchassé partout, de restaurants en aéroports et jusque dans les rues… si célèbre que même les plus déconnectés connaissent son nom. “C’étaient des temps difficiles, admet-il. Rien ne peut vous préparer à ça. J’avais un tas de casquettes de baseball que je portais en permanence pour ne pas être reconnu… Tellement de casquettes, dit-il en riant. J’ai appris à faire de la moto pour pouvoir quitter la maison sans qu’on me reconnaisse. L’époque était différente.” Le timing est aussi à l’origine de son choix d’incarner Will Turner dans Pirates des Caraïbes – La malédiction du Black Pearl. Alors qu’il considérait le rôle, il tournait Ned Kelly en Australie avec Geoffrey Rush, qui joue le pirate Hector Barbossa dans la franchise. Aujourd’hui, personne ne tiquerait à l’idée d’un film inspiré d’une attraction d’un parc Disney. Mais au début des années 2000, le concept paraît ridicule, et Bloom hésite. “Geoffrey Rush dit que je lui dois 10 %, raconte-t-il. Mon agent m’a dit Disney veut faire un film inspiré d’une de ses attractions, et je me disais C’est dingue ?” Sur le plateau, Geoffrey Rush conseille à Bloom d’accepter le projet, flairant quelque chose de spécial.

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Chemise, pantalon et foulard mis en cravatte, BOTTEGA VENETA. Montre, PORSCHE DESIGN. Mocassins, CHURCH’S

Étant donné ses anciens collègues – parmi lesquels l’excentrique Johnny Depp, avec qui il a joué dans les Pirates des Caraïbes, Ian McKellen, le Gandalf du Seigneur des anneaux, et Ridley Scott, qui l’a dirigé dans La Chute du Faucon noir et Kingdom of Heaven –, il n’est pas surprenant que Bloom se soit adapté à des genres différents, des styles de jeu, et à une industrie en évolution constante. Il cite son travail avec Depp comme une étape cruciale de son apprentissage. La façon dont celui-ci incarnait Jack Sparrow sur le plateau de Pirates lui a permis de s’immerger plus profondémentt dans le personnage de Will Turner. “Au fond, Will et le capitaine Jack sont similaires, dit-il. Will a des moments héroïques, et Jack aussi.”

Bloom se rappelle avec émotion avoir demandé conseil à McKellen. “Au théâtre, on essaie de se renouveler chaque soir. Il faut garder l’attention du public, rendre le spectacle intéressant tous les jours.” Il raconte que, lors de Roméo et Juliette, en 2013, son premier rôle à Broadway, il descendait de sa loge avant chaque représentation en annonçant son intention à la troupe. “Je me souviens qu’un soir avant le lever de rideau, j’ai clamé Ce soir, la performance porte sur la joie ! dit Bloom en riant. J’étais jeune et naïf, et je me souviens de tous ces acteurs aguerris qui me regardaient de travers.” Bloom, en grand fan des classiques, notamment de Shakespeare, est impatient de retourner sur les planches, mais là encore il s’agit de trouver le bon rôle, le bon moment, le bon endroit.

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Débardeur et pantalon, DOLCE & GABBANA. Montre, PORSCHE DESIGN. Ceinture, perso.

L’acteur pratique le bouddhisme depuis ses 16 ans. Il pense que sa résilience dans son métier lui vient de sa capacité à rester calme, patient et optimiste. La patience donne du temps, et ce temps lui permet de construire ses personnages. Dernièrement, il a apprécié d’incarner des rôles plus physiques. Pour jouer un boxeur dans The Cut, dont la première a eu lieu au Festival du film de Toronto en 2024, il a dû perdre 23 kilos. “J’ai toujours admiré les efforts que fait Christian Bale pour modifier son corps pour jouer différents rôles, dit-il. Quand j’ai fini par le faire, ça m’a mis dans la peau du personnage. En étant dans son corps, je ressens ses émotions.” On associe généralement Bloom aux franchises massives qui ont façonné le début de sa carrière. Mais il a une certaine tendresse pour deux de ses films. Retaliation, sorti en 2017, est très important pour lui. Il y joue Malcolm, victime d’abus sexuels de la part de l’Église catholique et qui, devenu adulte, se confronte aux horreurs vécues dans son enfance. Bloom est fier que des experts aient dit que le film est une représentation fidèle qui peut aider de véritables victimes. Il mentionne aussi Kingdom of Heaven de Ridley Scott, qui retrace les événements ayant mené à la Troisième croisade, comme un projet qui n’a pas bénéficié d’une grande reconnaissance. “Ridley était fier de ce film. Il y a certaines choses sur lesquelles, en tant qu’acteur, je ne peux pas influer…” dit Bloom, réticent à froisser quiconque. Scott, qui n’a pas fait mystère de son mécontentement face à la première version de son film, a sorti un director’s cut qui représente sa vraie vision et est jugé favorablement par les cinéphiles, les fans, et Bloom lui-même.

L’acteur est optimiste quant à l’avenir de Hollywood, et voit son enthousiasme pour le cinéma indépendant conforté par le fait que des projets comme Anora – réalisé pour 6 millions de dollars et qui a raflé cinq oscars en mars, dont celui du meilleur film – ou The Brutalist, pour lequel Adrien Brody a remporté l’oscar du meilleur acteur, soient reconnus par l’Académie. Bloom a travaillé avec les plus grands. Cependant, il rêve encore de tourner avec certains cinéastes parmi lesquels Martin Scorsese, Christopher Nolan et Ryan Coogler. Mais n’accepterait pas n’importe quel rôle. Il veut que celui-ci ait du sens historiquement. “Des personnages dont l’expérience parle au public, dit-il. Je ne pense pas au box office. Je veux pouvoir considérer ma carrière et être fier des personnages que j’ai joués, même si le film n’est pas parfait. On dit qu’un acteur ne devient intéressant qu’après trente ans de métier, et j’y suis presque.”

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Pantalon en denim, LEVI’S. Chapeau de cow-boy, veste, T-shirt, ceinture et bottes, perso.

GROOMER Lori Guidroz @ ROUGE ARTISTS

PRODUCTION CreativeP Studio

PRODUCTEUR EXECUTIF Rafael Farias.

PRODUCTEUR Angie Suleimanyan

DIGITAL TECH Drew Schwartz

DESIGN LUMIÈRE Andrew Harless

ASSISTANTS PHOTO Justin Brooks et Emma Mortimer

ASSISTANTS PRODUCTION Brigitte Gamil, Igor Sokolov et Mike Kazarayan

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