L'HISTOIRE : quand McQueen s'inspirait des échecs et de Harry Potter au printemps-été 2005
Ce défilé légendaire a même inspiré Lady Gaga pour sa performance à Coachella 2025.
La rubrique L’HISTOIRE revisite les moments marquants de la mode, qu’il s’agisse de looks mythiques sur les tapis rouges ou de créations révolutionnaires aperçues sur les podiums. Ces instants, parfois méconnus ou légendaires, ont façonné la culture de la mode contemporaine, portés par des visionnaires ou des créateurs audacieux.
Alors que les discussions autour des "indicateurs de récession" font rage, Lady Gaga — sans doute la reine de la pop en temps de crise — a rendu hommage à l’un des créateurs les plus visionnaires de son époque, Lee Alexander McQueen, lors de son concert à Coachella 2025. Dans une performance devenue virale de "Poker Face", la star a mis en scène une partie d’échecs face à son double version "Bad Romance", un clin d'œil direct au défilé printemps-été 2005 de McQueen, It's Only a Game, qui présentait lui aussi un échiquier grandeur nature. L’ironie est parfaite : c’est justement lors du défilé printemps-été 2010 de McQueen que Gaga avait dévoilé pour la première fois Bad Romance, tissant ainsi un réseau de références aussi puissant qu’émouvant.
Comme Gagachella, le défilé SS05 de McQueen fonctionnait comme une rétrospective condensée de ses codes esthétiques. On y retrouvait des vestes à queue-de-pie et des blazers aux coupes nettes, assortis de chemises à col haut et de jupons vaporeux, évoquant une silhouette édouardienne traversée par l’esprit du tailoring masculin. La suite du défilé déployait un florilège de motifs floraux, de jupes ballon couleur chair et de chemisiers en dentelle blanche. La seconde moitié, plus anguleuse et futuriste, introduisait des plastrons métalliques, des épaulettes graphiques et des casques à pointes — à la fois guerriers et ludiques. L’influence de l’art japonais se lisait dans les kimonos, ceintures obi et illustrations imprimées. Tandis que les mannequins, le visage nu et les cheveux décoiffés, formaient une grille vivante sur la scène, l’univers de McQueen s’incarnait pleinement dans ce théâtre de mode orchestré comme une partie d’échecs.
Et puis, le grand final. Les lumières s’éteignent, l’échiquier géant se révèle, et la partie emblématique commence. Inspirée de la scène culte de la partie d’échecs dans Harry Potter à l’école des sorciers, la mise en scène voit 36 mannequins défiler comme des pièces vivantes, guidées par une voix robotique. Parmi elles, Gemma Ward et Hana Soukupová incarnent deux reines rivales, prêtes à s’affronter. Ce tableau théâtral et visionnaire est précisément ce qui a inspiré le décor de Gaga à Coachella, plus de vingt ans plus tard.
It's Only a Game illustre à merveille le goût de McQueen pour les récits visuels puissants, enracinés dans l’histoire, la littérature et l’émotion brute. Son imaginaire débordait largement du cadre de la mode. Dans un entretien culte avec David Bowie publié dans Dazed, il citait même le Marquis de Sade parmi ses influences intellectuelles. Plus de quinze ans après sa disparition, l'œuvre de McQueen continue de résonner dans le monde artistique, trouvant un écho profond chez les créateurs d’aujourd’hui — de Lady Gaga aux jeunes designers qui rêvent encore devant son héritage.