Glenn Martens ressuscite l’âme gothique de Margiela
Pour ses débuts chez Margiela, Glenn Martens signe une collection spectrale, baroque et inoubliable.
Dans les entrailles feutrées d’un sous-sol aux murs écorchés, Glenn Martens a invoqué, pour son baptême chez Maison Margiela, une procession spectrale à la beauté farouche. Des silhouettes masquées, surgies comme des fantômes d’un retable gothique, ondoyaient entre les couches de papier décomposé et les échos d’un passé flamand somptueusement décrépit. Il fallait une audace singulière pour oser marcher sur les traces de Galliano et Margiela, et plus encore pour s’attaquer à l’Artisanal, cet écrin sacré du savoir-faire extrême. Glenn Martens s’y est glissé non pas en disciple timide, mais en architecte de la dissonance poétique, faisant parler les murs, les velours métallisés, les papiers peints en lambeaux et les bijoux de pacotille comme s’ils détenaient les secrets d’une mémoire commune. Bruges, sa ville natale aux eaux noires et aux façades figées dans l’austérité, infuse cette vision d’une beauté abîmée, où chaque corset déformé, chaque tulle flottant, chaque masque battu d’étain devient une relique d’avenir. Ce n’était pas une simple collection, mais un rite de passage — un souffle lugubre et lumineux tout à la fois, où l’histoire du vêtement se tordait pour renaître. Et dans ce théâtre de la métamorphose, Maison Margiela semble avoir retrouvé plus qu’un successeur : un alchimiste du présent, capable de transformer le rebut en grâce.