Architecture : pourquoi Maxime Bousquet est-il le nom à retenir dès maintenant ?
À 35 ans, l’architecte Maxime Bousquet, qui a fait ses classes chez Joseph Dirand puis au Studio KO, est le nouveau nom que l’on s’échange dans la capitale.
C’est le jour de l’inauguration du PAD au Jardin des Tuileries à Paris, la grand-messe du design et de la décoration d’intérieur où les noms les plus prestigieux de la profession se donnent rendez vous. L’architecte Maxime Bousquet vient de s’y rendre. On le retrouve juste après pour parler de son travail dans un hôtel non loin de son bureau, à deux pas de la porte Saint-Martin. Son nom est depuis quelques mois dans notre répertoire des jeunes talents à rencontrer. Ce dernier a le vent en poupe, même aux États-Unis puisqu’il vient d’être publié dans le T Magazine du New York Times, qui recense ce qu’il y a de plus excitant dans le monde de la création actuelle. Fraîchement diplômé de l’École nationale supérieure d’architecture de Versailles, il débute par un premier job chez Kenzo. Carol Lim et Umberto Leon (fondateurs du concept-store Opening Ceremony, entre New York et Tokyo) viennent d’être nommés directeurs artistiques de la marque. “Dès leur arrivée, ils créent un pôle image et architecture afin de repenser l’identité visuelle de la marque et son concept retail. J’ai rejoint l’équipe et j’y suis resté un peu plus de trois ans. C’est une période ultra-créative, j’y apprends une autre échelle, le sens du détail, l’éphémère.” Avec la mode, il découvre la scénographie, le mouvement, la lumière, la narration… les défilés forment son oeil et lui apprennent à raconter des histoires. Il parle d’éducation.
“J’adore les cartes blanches évidemment, que l’on vienne me chercher pour un lieu complètement fou avec des demandes pas possibles.”
Scénario de vie
À la façon d’une métaphore, il décrit un habitat comme un vêtement. “Le vêtement parfait ne prend vraiment sens qu’une fois porté. Les designers ont souvent des femmes en tête, d’ailleurs. Un intérieur, c’est la même chose. Tu auras beau imaginer le plus bel intérieur qui soit, s’il n’est pas incarné, ça ne marchera jamais totalement. Mes clientes deviennent des muses pour lesquelles j’imagine et suggère des références, des attitudes, des sentiments. Je travaille sur leur scénario de vie dans l’espace pour que les projets soient des écrins véritablement habités.” Cette histoire de scénario dont nous parle Maxime Bousquet est propre au cinéma, l’une de ses sources d’inspiration. Il cite Almodovar, madeleine de Proust liée à sa mère espagnole, Luca Guadanino dont Il trouve les décors toujours justes, sans oublier Dune de David Lynch dont il reprend la police de caractères pour l’identité de son studio, comme un clin d’oeil. Après cette expérience dans la mode, il s’envole chez Joseph Dirand, architecte, avant d’intégrer l’équipe du Studio KO. “Là, j’apprends l’excellence, la précision des volumes, la richesse des matières et de l’artisanat d’art… c’est l’ultraluxe.” Deux approches très différentes mais qu’il trouve complémentaire. Il se forme. Un jardin sur le toit À 30 ans, Maxime Bousquet décide de monter son agence. Il se lance l’année suivante, c’est le moment. “Mon premier projet est un duplex sous les toits à Saint-Germain-des-Prés, avec une très belle terrasse, un luxe dans le quartier.” Il n’a pas encore signé de projets d’hospitalité même si le sujet l’attire. Il nous confie que ses réalisations sont souvent des pied-à-terre à la façon de suites hôtelières, c’est une façon pour lui de s’immerger dans cet univers. “Tout doit être précisément pensé, parfait, à disposition. C’est comme si tu étais à l’hôtel sauf que tu es chez toi.” Quand on lui parle d’ADN, il nous réoriente : “Je ne me reconnais pas forcément dans l’idée du langage identitaire, trop marqué ou répétitif. Mais il y a un fil conducteur bien entendu, plus sensible, une façon de faire et d’aborder les projets et de composer une atmosphère. J’adore les cartes blanches évidemment, que l’on vienne me chercher pour un lieu complètement fou avec des demandes pas possibles. Chacun de mes projets commence par une narration qui s’appuie sur une grande recherche iconographique, à la façon d’un livre qui détaille chaque ambiance, point de vue, matières, envies, attitudes. Cet ouvrage est le premier support de l’histoire du projet, puis on commence à dessiner. On y revient souvent tout au long du parcours.” Ses réalisations lui sont inspirées parfois par le lieu parfois par le client. “Il n’y a pas de règles. Il y a des clients qui effacent le lieu par leur personnalité donc peu importe ce qu’il est, et parfois le lieu est déjà à tomber donc on puise dans son histoire, on la réinvente. Je pense que l’un des points communs de mes clients, ce sont leurs fortes personnalités. Ils sont pleins d’envies, ils veulent oser et être challengés, bousculés parfois.” Et en parlant de challenge, l’un des projets sur lequel il travaille actuellement est certainement l’un des plus fous qu’on lui ai confiés. “Ce sont des clients très ambitieux qui, par chance, rêvent très grand avec moi. Ils ont acheté les deux derniers étages d’un bel immeuble parisien, et assez vite est née pour ce projet l’obsession d’une maison sur les toits et donc d’un jardin… Alors on a décaissé la toiture de l’immeuble pour le créer, ce jardin sur le toit, avec une vue sur tout Paris à tomber, c’est incroyable !”
"Je m’intéresse à beaucoup de choses et j’essaie de rester éveillé. En ce moment, je suis dans une grande phase de peinture contemporaine.”
Collections et curations
Pour Maxime Bousquet, il est souvent question d’obsessions. “J’ai mes périodes, des phases de passions, je collectionne plein de choses depuis pas mal de temps que je n’abandonne pas, le cercle s’élargit, et je garde tout avec moi. Ça dépend de ce que je vois, de ce que je vis, des projets sur lesquels je travaille. Je m’intéresse à beaucoup de choses et j’essaie de rester éveillé. En ce moment je suis dans une grande phase de peinture contemporaine. Je trouve, par exemple, le travail de Tim Breuer à tomber, celui d’Issy Wood ou de Sequoia Scavullo renversant. Je suis aussi très sensible au travail de Max Lamb et Sigve Knutson, j’aime leur approche du design et de la matière.” Maxime Bousquet aime qu’on lui confie également l’achat d’oeuvres d’art. “Soit les clients ont déjà une collection très large dans laquelle je puise ce qui conviendra à l’intérieur que je dessine pour eux en y ajoutant de nouvelles signatures, soit les collections ne font que commencer et donc les clients font d’autant plus appel à mon oeil, à mon goût. Dans tous les cas, une collection est faite pour vivre, les oeuvres bougent, changent…” Ses coups de coeur, il les découvre notamment dans la galerie parisienne Sans-Titre. “Leur programmation est fabuleuse. Ils ont un vrai oeil, une vision ultra-cohérente dans les choix de leurs artistes.” Maxime Bousquet est un architecte passionnant. Il manie la narration avec brio, autant celle de son histoire que celle des projets sur lesquels il travaille. Fervent amoureux de peinture, de littérature et de cinéma, ce collectionneur dans l’âme est un esthète de la décoration d’intérieur, un curateur hors pair de la nouvelle génération. Et son talent ne fait qu’éclore…