Pop Culture

Que lire en attendant la rentrée littéraire?

Tour d'horizon de nos 3 coups de cœur littéraires de l'été, pour patienter jusqu'à Septembre
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Immersion dans le tout-Paris des 80's

«Écrire sur Gravier quand on a trente ans, quelle drôle d'idée! Il vous aurait filé deux baffes»

Cette phrase, qu'on découvre dans le «making of» final de Parlez moi encore de lui, premier livre très réussi de Lisa Vignoli, retranscrit bien notre sentiment de départ.

Qu'est ce qui pousse une jeune journaliste à se pencher sur le destin d'un personnage inconnu du grand public? On en saura plus dès l'avant-propos, où l'auteur raconte comment le présentateur Bruce Toussaint avec qui elle partage un plateau télé lui fit l’éloge de ce mentor disparu. Comme nombre d'entre nous, Lisa Vignoli était enfant durant les années 80, le Palace, l'âge d'or des Bains Douches et du cinéma français; surtout, elle n'a pas connu Jean-Michel Gravier dont elle convoque le souvenir dans «Parlez moi de lui». Jeune Grenoblois devenu chroniqueur mondain, fan assumé des nombreuses célébrités qu'il fréquentait, Jean-Michel Gravier faisait et défaisait les carrières dans le milieu très fermé du 7ème art, avant de disparaître au cours de ce qu'on appela de façon funeste les années sida.

A mi-chemin entre le récit et la biographie, Parlez moi encore de lui réunit ceux qui ont cotoyé Jean-Michel Gravier de près comme de loin: s'y croisent Isabelle Adjani, le réalisateur Jean-Jacques Beineix, la crème des producteurs de cinéma de l'époque et la chanteuse Barbara. Avec une tendresse paradoxale pour cet homme qu'elle n'a connu qu'à travers la voix de ceux qui l'ont aimé, Lisa Vignoli ressuscite Jean-Michel Gravier. Loin de le cantonner à un simple wannabe tel qu'on pourrait aisément le qualifier aujourd'hui, elle donne à voir un homme de l'ombre talentueux et complexe, débordant d'amour pour ses idoles et confident des plus grands.

 

Parlez moi encore de lui, par Lisa Vignoli aux Editions Stock 19,50 euros

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Cinquante ans et des poussières

C'est avec un brin de nostalgie désabusée que les aficionados de Jay Mc Inerney retrouvent pour la troisième fois Corrine et Russell Calloway, aux cotés desquels ils ont traversé les décennies.

Nous sommes cette fois ci au cœur des années Obama, et le couple de fringuants trentenaires de la Belle Vie est désormais quinqua. Russell a monté sa propre maison d'édition, et Corrine, s'est engagée dans l'humanitaire après le séisme émotionnel du 11 Septembre. Toujours mondains, les Calloway continuent de passer leurs vacances estivales dans les Hamptons et courent les vernissages. A l'étroit dans leur petit loft de Tribeca – ils sont désormais parents de deux jumeaux- ils envient avec une pointe d'amertume les jeunes loups de Wall Street. Ces financiers aux immenses appartements de Park Avenue, qui chassent hors de Manhattan à coup de millions l'élite culturelle à laquelle ils s'enorgueillisaient jadis d'appartenir. Ont-ils eu raison de ne pas sacrifier leurs idéaux, et de choisir le camp « Amour et Art » plutôt que celui de la Raison, des dollars et du pouvoir ?

C'est alors que ressurgit Luke Mc Gavock, richissime et séduisant homme d'affaires pour lequel Corinne avait failli tout plaquer il y a de ca quelques années, alors qu'elle s'etait engagée comme bénévole à Ground Zero. Tout au long de cet ultime opus dédié aux Calloway plane le fantôme de Jeff, meilleur ami de Russel décédé prématurément. Véritable fil conducteur du récit, cet homme talentueux, toxicomane et autodestructeur continue de hanter le couple des années après sa disparition . 

Partira, partira pas ? Jay McInerney continue de sonder avec subtilité les rapports conjugaux sans rien perdre de l'acuité et du talent qu'on lui connait. Au delà de la satire romantico-sociale, ses Jours Enfuis sont une chronique mordante et désanchantée de la gueule de bois qui frappe New York au lendemain de la crise financière.

 

Les Jours Enfuis par Jay McInerney aux Editions de l'Olivier, 22,50 euros

Equipée initiatique dans l'Europe beatnik des 60's

Aymon, « fils de vieux » de son propre aveu, n'a qu'une idée en tête : partir, loin de sa mère étouffante et de son père nonagénaire à l'agonie. Nous sommes en 1965, à l'apogée du mouvement beatnik qui précedera le déferlement hippie.

L'été de ses 18 ans,le jeune garçon sage et trop couvé part à la découverte du monde. A Athènes, il se lie d'amitié avec une bande de jeunes glandeurs haute en couleurs composée d'une junkie british famélique ayant survécu à des overdoses multiples, d'un guitariste surdoué promis à un talent de folk star, d'un dealer séducteur, et de bien d'autres.

Dans ce qui sera le voyage d'une vie, Aymon découvre la liberté, la sexualité, les drogues et l'ivresse, mais surtout l'amitié à la vie à la mort comme seule la post-adolescence sait les faire. D'Athènes à Tanger en passant par les premières heures décadentes du Swinging London, le groupe bigarré «taille la route» d'auberges de jeunesses en villas cossues squattées, entre bad trips et fiestas mémorables, au jour le jour. Un roman émouvant où le cocasse côtoie souvent les drames, et où Georges-Olivier Châteaureynaud explore avec justesse et humour l'utopie communautaire de la beat generation.

 

Aucun été n'est éternel par Georges-Olivier Châteaureynaud aux Editions Grasset, 20 euros

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