Paul Schrader, un cinéaste à (re)découvrir d'urgence
« J’ai été élevé dans un milieu religieux, moralement sévère. Un environnement qui croyait aux actions et à leurs conséquences. Au Bien et au Mal. À la Vie et à la Mort. Aujourd’hui, je suis sorti des limites très strictes de cette éducation. Mais un tel système de pensée ne vous quitte jamais… » Toute l’œuvre de Paul Schrader, aujourd’hui 73 ans, est traversée par ces questionnements sur la culpabilité, la corruption des âmes et leurs tentatives, souvent empruntes d’une violence extrême, de rédemption. Ce natif de Grand Rapids, Michigan, se retrouve à Hollywood, en 1974, dans l’œil du cyclone d’une génération nouvelle et impatiente de cinéastes bien décidée à tout emporter sur son passage. Il y découvre une liberté qu’il consomme avec frénésie confinant à l’auto-destruction. Surfant sur la mode « kung-fu », lui et son frère Leonard pondent un scénario à peu près tout à fait contraire, c’est-à-dire adapté du film noir japonais. Ce sera le Yakuza (1974) de Sidney Pollack, une entrée en fanfare. Victime de ses abus et de choix sentimentaux hasardeux, il se retrouve à dormir pendant six mois dans sa voiture, au gré des rue de Los Angeles : « J’étais en bas de l’échelle, à l’époque. J’avais quitté ma femme et les femmes pour qui je l’avais quittée. J’étais en rupture du monde du cinéma et couvert de dettes. » Naîtra de cette expérience sur le fil de rasoir le scénario de Taxi Driver (« Une thérapie personnelle, pas un projet commercial »), la métamorphose d’un chauffeur new-yorkais solitaire en justicier expiatoire autoproclamé. « Le meilleur scénario que je n’avais jamais lu » louera Martin Scorsese qui affirmera longtemps que ce film était moins le sien que celui de Schrader. A sa sortie, en 1976, Libération taxera ce désormais classique du cinéma US et Palme d’or à Cannes de « mélange de révolte et de fascisme ordinaire, plat, bête, terrifiant. » Schrader, auteur « réactionnaire » ? La charge sera ensuite souvent lancée, stérile, inutile.
Une plume admirée
Paul Schrader enchaîne les écritures de films (Raging Bull, La Dernière Tentation du Christ toujours pour Scorsese, Obsession pour Brian De Palma…) tout en poursuivant une carrière chaotique plus personnelle. Il alterne ainsi petits diamants de réalisation (l’estomaquant Hardcore avec George C. Scott, l’étrange La Féline avec une Nastassja Kinski au sommet de sa sensualité, Affliction, qui vaudra à James Coburn l’unique Oscar de sa carrière, Auto Focus, sur le destin graveleux et tragique de la star de la série Papa Schultz…) et projets « maudits ». Paroxysme d’un parcours soumis à turbulences, Mishima – une vie en quatre chapitres (1985) sera à la fois un des derniers paris parmi les plus osés jamais pris par Hollywood et un hommage aussi méticuleux qu’inspiré au plus sulfureux des auteurs japonais. Invité du Forum des images, qui lui a laissé carte blanche, Paul Schrader donnera une masterclass ce samedi, au Forum des images, sur la construction du scénario pour participer dans la foulée à une séance de question/réponse avec le public. L’occasion unique de rencontrer un des grands noms et une des plumes les plus admirées du cinéma américain.
Le 11/01, à 19h30, au Forum des images, Forum des Halles, 2, rue du Cinéma, Paris 1er.
Renseignements : www.forumdesimages.fr , tél : +33 (0)1 44 76 63 00.