Hommage à Agnès Varda
"C’est un faux problème. C’est difficile pour un homme ou pour une femme de faire un film. Mais une fois qu’on a un contrat de metteur en scène, je ne pense pas qu’être une femme pose la moindre difficulté." En 1962, sept ans après un premier long-métrage, La Pointe courte, Agnès Varda s’imposait dans le cinéma français avec ce qui reste probablement un des plus beaux films de la "Nouvelle Vague", Cléo de 5 à 7 ; errance d’une femme angoissée dans un Paris aux multiples couleurs et personnalités. Formidables prémices d’un parcours qui jusqu’à la fin allait conjuguer poésie, précision et inventivité. Aussi habile dans la fiction (L’Une chante, l’autre pas, Documenteur, Jacquot de Nantes…) que le documentaire (Ulysse, Black Panthers, Les Glaneurs et les glaneuses…), Agnès Varda aura cultivé cette volonté, à la frontière du naturalisme, de dépeindre le portrait d’hommes et de femmes dans les vérités et les contradictions de leurs époques. Sa formation de photographe aux Beaux-Arts lui offre une acuité, mêlée autant de candeur que de mélancolie, rare dans le métier (revoir Les Dites Cariatides, poignante promenade sur les façades de Paris). Épouse de feu Jacques Demy, amie proche de Jim Morrisson, complice de Jane Birkin (elles signent, dans les années 1980, deux longs-métrages ensemble : Jane B. par Agnès V. et Kung Fu Master, autre grande révélatrice, avec Pialat, des talents de Sandrine Bonnaire (Sans toit ni loi, Lion d’or à la Mostra de Venise en 1985), cette artiste globe-trotteuse, également plasticienne de renom, s’est endormie hier, rue Daguerre, à jamais. Dans ce 14e arrondissement de Paris où il était commun de la croiser, affable, loquace, accessible. Une grande dame dans le sens le plus humain du terme. Et une femme cinéaste, féministe dans ce qu’il peut avoir de plus noble.
