Pop Culture

A la découverte de la meilleure boutique de disques au monde

Parmi les innombrables plaisirs qu’offre Londres, il y a ses disquaires. Au premier rang desquels, Sounds of the Universe, dont la richesse de l’offre est sans égal. Adossée au merveilleux label Soul Jazz, qui publie des classiques immédiats, avec des compilations de reggae, de soul, de rock-steady, ou de musiques méconnues (à l’image du récent et génial Cuba: Music and Revolution - Compiled by Gilles Peterson and Stuart Baker), cette antre dédiée au plaisir des oreilles et de l’esprit vient de fêter ses 30 ans d’existence. Rencontre avec son fondateur Stuart Baker.
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Quelles étaient vos intentions en ouvrant Sounds of the Universe ?

Avec mon associé d’alors, on aspirait à voyager aux Etats-Unis et écouter autant de disques que possible alors que nous n’avions pas les moyens de nous les payer. Nous sommes donc partis aux Etats-Unis, pour y acheter des disques, et les vendre dans notre boutique. A nos débuts, nous proposions surtout du jazz, des musiques latines, du funk, de la soul, avant de proposer tous les styles.


Comment vous voyez-vous ? En patron de maison de disques ou en propriétaire de boutique ?

Comme quelqu’un qui dirige un label et a également un magasin…Je consacre le plus clair de mon temps à gérer Soul Jazz, puisque je fais confiance à mes employé⸱es pour s’occuper au quotidien de la boutique. Ceci posé, je suis impliqué dans ces deux aspects – les bureaux du label sont au-dessus de la boutique, et j’habite au-dessus des bureaux !

Qu’espérez-vous lorsque vous entrez chez un disquaire ?

Je peux vous dire ce que j’aime y trouver…J’aime qu’il soit un autre monde, où je peux avoir accès à une culture que je ne découvrirais pas ailleurs – j’ai le même rapport avec les librairies. Pour vous donner deux exemples : chez Second Hand Tunes (qui n’existe plus), à Chicago, dans le South Side, j’ai pu trouver des disques que j’ai jamais revus ailleurs. La boutique était parfaitement insérée dans un quartier où la communauté afro-américaine était implantée. L’autre, Ancient Black (également fermé), à Kings Cross, à Londres, proposait des 45 tours de reggae très particuliers, un genre de disco lovers rock, que j’ai jamais vus ailleurs, où que ce soit.  J’aime lorsque l’atmosphère est amicale, et que l’on y perçoit une certaine excitation suscitée par le sentiment que quelque chose de culturellement vivace se passe. Difficile à expliquer, mais évident lorqu’on le vit.

Qu’est-ce que la crise sanitaire a changé pour vous ?

En ce qui me concerne, c’était, et demeure, une expérience intéressante. Lors du premier confinement, je ne savais pas du tout si les gens allaient continuer à acheter des disques. Tout le monde était en congés forcés, à part ma petite amie, ma fille et moi, puisque nous vivons dans le bâtiment, et donc autorisé⸱es à travailler. Pendant deux mois, j’ai mis en suspens mes activités pour le label et je me suis occupé d’emballer les commandes puis de leur expédition. Il est devenu rapidement clair que les gens ne s’arrêteraient pas d'acheter des disques. Devant cette constatation, j’ai décidé de sortir de nouveaux disques sur Soul Jazz – qui ont continué à se vendre normalement au fil des confinements successifs. En travaillant activement dans la boutique, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps, j’ai réalisé à quel point j’aimais ça !

Depuis la publication du livre High Fidelity de Nick Hornby, et la série qui en est tirée avec Zoé Kravitz, le public fantasme sur les boutiques de disques, ont-ils raison ?

Eh bien…j’y travaille depuis 30 ans, donc mon plaisir n’est évidemment pas le même que pour ceux qui n’ont pas cette expérience…Au début, je faisais tout moi-même : acheter les disques, m’occuper de chaque client, je les connaissais tous – tout le monde était soit DJ, soit artiste, soit se lançait dans le business de la musique. La musique était toute ma vie. Je ne m’étais jamais autant amusé. Aujourd’hui, je n’ai plus le même rapport au travail, mais, si j’y réfléchis bien, je m’amuse encore plus. Je ne peux que recommander cette voie !

https://soundsoftheuniverse.com/

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Le DJ Gilles Peterson (à droite) avec Stuart Baker, le patron de Soul Jazz et de Sounds of the Universe

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