Joaquin Phoenix est-il vraiment fou ?
Sur grand écran, pas de doute. On se souvient du Commode sadique et mégalo de "Gladiator", du Johnny Cash génial et torturé de "Walk the Line", et puis on découvre aujourd'hui l'anti-héros brutal de "You Were Never Really Here", ex-Marine qui tente de démanteler un réseau de prostitution. Doublement primé à Cannes, le film de Lynne Ramsay confirme la nécessaire versatilité de Joaquin Phoenix au cinéma, comme si l'acteur de 42 ans ne pouvait qu'être double. Lui, c'est un peu le "ça, moi et surmoi" freudien du septième art, l'homme providentiel pour les cinéastes en quête d'imprévisiblité. Mais comment vit-on, à toujours jouer sur la corde sensible ? Les monstres sacrés du grand écran s'avouent parfois "sauvages, cruels", pour les besoins de leur art : "Les très grands acteurs sont tout ce qu'on veut sauf des gens bienveillants. Je ne crois même pas à la soi-disant sensibilité de l'acteur.", écrivait Gérard Depardieu dans "Innocent", en 2015. Et puis comment garder les pieds sur terre, quand on vit la moitié de sa vie dans la peau d'un autre ? En 2008 d'ailleurs, Phoenix mêle réalité et fiction en faisant croire à sa reconversion dans le rap, et en tournant avec Casey Affleck un pastiche de sa propre vie, le film "I'm Still Here". Chevelu et barbu, l'ex-malade alcolique se moque de lui-même, de l'acteur déchu qu'il aurait pu être mais qu'il ne sera jamais... À Cannes, dimanche, il a récupéré sa palme en Converse. Toujours à contre-courant, Joaquin Phoenix n'est pas fou, il est acteur.