Comment la Red Star a transformé son image
“Ici c’est pas Paris, c’est Paname !”, clament en chœur Patrice Haddad et David Bellion, détournant le slogan du voisin. Paris est cette capitale qui, à la fâcheuse différence de toutes les autres métropoles du monde, ne compte qu’un seul “grand” club. Mais elle recèle plusieurs histoires du football. Le PSG a le palmarès et le prestige. Reste que la plus belle histoire est celle du Red Star F.C. Un club évoluant en National (la troisième division), mais qui est bien plus que du ballon rond. C’est un blason, un cri, et une utopie : celle d’un autre football à Paris. Le Red Star est le seul club en France qui, malgré un palmarès plutôt restreint (cinq Coupes de France... entre 1921 et 1942), génère autant de respect. Pourquoi ? Parce que son histoire recoupe celle de la Résistance : durant la Seconde Guerre mondiale, le Red Star fut l’équipe de Rino Della Negra, qui s’engagea dans les FTP-MOI et finit fusillé au Mont Valérien le 12 novembre 1943. Fondé en 1897 dans le VIIe arrondissement de Paris, le club a élu domicile à Saint-Ouen en 1909.
Ici, c’est aussi Montmartre, les puces, et l’ex- ceinture rouge. C’est le plus-que-Paris : c’est Paname. “Le PSG est un blockbuster, et nous un film d’auteur...”, ajoute David Bellion, le nouveau brand manager du club. Oui, vous avez bien lu : ce club de National, redevenu professionnel en 2015 à la faveur d’une remontée passagère en Ligue 2, s’est adjoint les services d’un brand manager, chargé du développement de la marque Red Star.
Et cet homme est un ancien attaquant des années 2000-2010, parti jouer en Angleterre à l’âge de 19 ans (Sunderland, Manchester United) avant de revenir en France (champion de France 2009 avec les Girondins de Bordeaux et vainqueur de la Coupe de la Ligue la même année) puis d’achever sa carrière de joueur en 2015. Au Red Star. C’est dans les locaux des éditions Jalou et de L’Officiel (publication sœur de L’Officiel Hommes), au cours d’une fashion week, que Bellion a rencontré Patrice Haddad, président du club depuis 2008 et PDG de Première Heure, société de production audiovisuelle. Passionné de longue date par l’art, la musique, la mode et la presse, le joueur s’est reconverti comme “ambassadeur bénévole”. “Je suis un homme de terrain, s’amuse-t-il, je m’adapte dans tous les milieux, et je regarde. Un jour la musique, un autre la gastronomie, un autre encore le social. Et je vois comment adapter ça au grand livre de l’histoire du club.” Concrètement, Bellion communique sur le club de façon alternative, en le menant en des lieux “auxquels on n’avait pas accès auparavant” (dixit le président). Tel le concept-store Colette (qui a fermé ses portes le 20 décembre dernier), où les maillots du club étaient en vente lors de la fashion week 2017. Ou encore au Broken Arm, autre concept-store de la capitale, dans le Haut Marais. C’est aussi une collaboration avec la marque de streetwear Racket pour les 120 ans du club. “Le côté social du Red Star ne doit pas être synonyme de misérabilisme ou de glauque, renchérit Haddad. Il faut le glamouriser. Lui donner une visibilité qui donne accès à une autre population que celle visée au départ.”
Le changement, c’est aussi à la maison : lors des matchs à domicile, la programmation musicale d’avant-match est assurée par la webradio Hotel Radio Paris, qui crée une playlist spéciale. Quand on leur parle d’une “hipsterisation”, les deux hommes répondent qu’il faut “casser la bulle” et “élargir la base”. Pour Haddad, l’ADN de base demeure : associatif, sportif, culturel et éducatif. “Élargir, ça veut dire avoir des médias qui nous portent et qui nous diffusent avec la tonalité qu’on doit respecter, plaide-t-il. Notre démarche conserve et respecte la culture du club, tout en la transmettant à la jeune génération.”
Pour eux, il s’agit de conférer à ce sport une dimension “pop culture de masse sociale” – toute britannique et si peu française. C’est dans cet élan qu’un partenariat s’est initié avec Vice, média tentaculaire dans l’air du temps, devenu cette saison le sponsor de l’équipe (pour un montant que le label canadien refuse de communiquer). Résultat : pastilles vidéo, snaps, interviews sur les plates- formes Vice, ainsi qu’une nouvelle image du club et de toutes ses sections, comme les Red Star Lab, ces ateliers pédagogiques alliant sport et culture à destination des jeunes. “Une relation commune nous a mis en contact, racontent le brand manager et son président. Ils nous avaient identi és comme étant un véhicule possible de leur redéploiement sur la France.” Le club de Paname devient donc cet OVNI, atypique dans le foot français, qui fait du branding sans pour le moment perdre son âme. Le Red Star est bien plus qu’une histoire de ballon.