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Teddy Quinlivan: modèle, activiste et reine du jeu vidéo

De retour de Paris, Teddy raconte tout, illustré par des collages artistiques numériques et des looks, le tout avec la bénédiction de Louis Vuitton by Nicolas Ghesquière.
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Photographie et style par Teddy Quinlivan

Le mannequin Teddy Quinlivan est peut-être l'un des membres les plus actifs de la communauté queer de l'industrie de la mode — et ce rôle lui convient parfaitement. Découverte en 2015 par le directeur créatif de Louis Vuitton, Nicolas Ghesquière, Quinlivan prend la décision de devenir transgenre en 2017. C'est un défenseur ardent de la communauté trans, ainsi que d'autres communautés marginalisées confrontées aux préjugés et à la discrimination systémique.

Avec l’arrivée au pouvoir du président Trump, Quinlivan se lance dans l'activisme. Elle utilise sa visibilité de modèle pour briser et combattre les stéréotypes existants sur l’identité trans. À peine âgée de 24 ans, Quinlivan a déjà une longue liste d'accomplissements, et elle ne montre aucun signe de ralentissement. Après s'être récemment installée à Paris, Quinlivan a commencé à réflechir a sa vie post-mannequinat, se tournant vers d'autres modalités d'expression. Dans une interview exclusive pour L'Officiel USA , Quinlivan s'est tournée vers une série de collages numériques autoportraits explorant le monde de la culture du jeu vidéo, tout en parlant de sa carrière, de l'ère sous Trump et du fait d'être appelée «activiste trans».

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JOSEPH AKEL: Qu'est-ce qui a inspiré vos collages ?

TEDDY QUINLIVAN: Les jeux vidéo ont occupé une grande partie de ma jeunesse. J'étais particulièrement attirée par la fonction qui vous permettait de choisir le sexe du personnage. Cela m'a permis de réaliser tranquillement le fantasme de prétendre être la femme que je pensais être, vivant par procuration à travers les personnages du jeu vidéo. Je n'ai jamais vu un jeu vidéo sur lequel figurait un personnage transgenre. Donc je pensais que ce serait vraiment drôle d’appeler ça GayStation au lieu de PlayStation, et perturber les notions d’avatars de joueurs. Les jeux vidéo ont beaucoup changé depuis ma jeunesse. Ils créent des cultures entières autour d'eux, comme les conventions de Cosplay. Je sentais que le genre était vraiment prêt pour une sorte d'exploration entre l'art et la mode. En fin de compte, les pièces créées sont drôles, ludiques, et basé sur les jaquettes kitsch de PlayStation et GameCube. C'est une tentative délibérée de satiriser la qualité des emballages et leur design.

AKEL: En parlant de perturbation, comment réagissez-vous pour être identifiée comme une activiste trans? Quelles formes de pression cela implique-t-il? Est-ce que vous accueillez le titre?

QUINLIVAN: Eh bien, pour moi, ce n'est pas que je ne voulais pas m'afficher pour ne pas parler des trans. Je me suis affichée parce que j'avais l'impression d'avoir une responsabilité envers ma communauté. En fin de compte, je savais que cela faisait partie du jeu. Être trans ne me définit pas. C'est un aspect de ma personnalité qui me rend à la fois unique et différente. En ce qui concerne le fait d'être identifiée en tant qu'activiste ou comme le visage de la communauté, je savais à quoi m'attendre quand j'ai fait mon coming out publiquement. Cette publicité m'a donné une plate-forme. Plus nous nous faisons entendre sur le fait d'être transgenre, le mieux c'est. Plus les personnes transgenres parlent de leurs experiences, plus les gens nous reconnaissent et entendent notre voix.

La seule difficulté que j’éprouve avec mon profil de personnalité publique trans c'est que j’ai parfois peur d’être moi-même. Je veux être un modèle pour la communauté, mais j’aime aussi m'amuser: je suis un peu folle et franche. Je ressens beaucoup la pression de rendre mes frères et sœurs trans - et tous les autres - fiers.

AKEL: Vous êtes très franche à propos de Donald Trump et ne craignez pas de le critiquer.

QUINLIVAN: Trump menace directement tout ce que représente l’industrie de la mode : qu’il s’agisse de supprimer les droits des personnes transgenres ou de la communauté LGBTQIA +, les droits des immigrants, les droits des personnes de couleur... Et l'industrie de la mode est composée d'immigrés, de personnes de couleur, de personnes provenant de la communauté LGBTQIA +, et de femmes.

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AKEL: Comment la mode vous a-t-elle aidée à mieux comprendre qui vous êtes ?

QUINLIVAN: Mon amour de la mode est tellement plus profond que de marcher sur un défilé ou de photographier. Il s'agit de faire partie de l'histoire de la mode. Cela a toujours été ma motivation pour devenir mannequin. C'est ce qui fait que je me lève le matin. Le mannequinat n’est pas une tâche facile, et ce n’est pas ce qui m’excite le plus. On s'attend simplement à ce qu'on se taise. On a pas vraiment votre mot à dire. Cela dit, j'ai eu beaucoup de chance dans mes expériences et je suis très reconnaissante des opportunités qui m'ont été offertes. Suis-je critique de la mode? Oui. Mais je critique l'industrie parce que je l'aime et tiens à ce qu'elle soit en meilleure forme possible. Je connais le pouvoir de la mode et c'est pour cela que je l'aime.

 

AKEL: Qu'est-ce qui vous a inspiré pour votre récent déménagement à Paris?

QUINLIVAN: New York me mettait dans cet état d'esprit très négatif, il y existe une sacré hiérarchie sociale. C'est comme si vous alliez à une fête section VIP à laquelle vous n'êtes pas invité. Au lieu de se présenter correctement, les conversations commencaient par "Qui es-tu? Que fais tu?" J'avais l'impression d'être évaluée pour ma sphère sociale new-yorkaise mais ce n'etait pas ce qui me donnait de la valeur. Et donc pour moi, déménager à Paris était vraiment plus une rébellion contre New York. Comprenez-moi bien, j'adore New York. C'est l'une des villes les plus incroyables au monde et je me suis beaucoup amusée là-bas. Mais je voulais juste de meilleures conditions de vie.

En ce qui concerne ma carrière, je suis dans une période de transition. J'ai fait ce que j'avais à faire en tant que mannequin. J'essaie de me lancer dans quelque chose de plus créatif et gratifiant pour moi. Mais c'est aussi un retour en quelque sorte. Paris, c'est là où j'ai commencé ma carrière de mannequin. C'est là où je suis devenu adulte. Je sens que c'est le bon moment de revenir.

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