Serge Ruffieux : "Je navigue entre les contraires"
Vous êtes un personnage discret, mais aimé, vous donnez l’impression d’être une personne concentrée, sérieuse, méticuleuse, impliquée… Je fais fausse route ?
Serge Ruffieux : Ma nomination est récente, on me connaît dans le milieu, mais jusqu’à présent j’étais surtout en backstage. J’appuyais la vision des autres. Maintenant, c’est à moi d’affirmer ma vision pour la maison. Vous êtes l’une des premières à me découvrir, je suis content. Être sous les feux de la rampe, comme on dit, c’est nouveau pour moi. Je fais mon travail, c’est une discipline, une rigueur que je m’impose avec la création. Je ne suis pas là pour fanfaronner.
Vous êtes plutôt angoissé ou plutôt cool ? Quelle énergie pourrait vous définir ?
Sous mes côtés un peu suisse coincé, je pense avoir pas mal d’humour et surtout d’ironie. Mon visage grave ne m’aide pas vraiment. J’aime rire, j’aime l’humour mais au dixième degré, je suis dans l’autodérision. Dans mon travail, je joue sur ce décalage. C’est instinctif.
Et la mode alors ?
Au départ, c’est donc le cirque, ses couleurs, les roulottes. Les cirques suisses sont sublimes, il y a encore cette rigueur du design dont nous parlions. Puis Paris est apparue. Peut-être à travers des revues. J’ai moi-même créé un magazine, il s’appelait Cocktails. Je me servais d’une imprimante, je découpais des articles, j’avais des rubriques : gastronomie, mode… À 12 ans environ, j’ai commencé à dessiner. Puis j’ai préféré la couture aux travaux manuels. J’aimais toucher les textiles. C’était une vocation. J’étais voué à cela.
Ce métier vous rend-il heureux ?
Oui. J’ai pu me libérer de plein de choses. J’ai arrêté mes études très tôt. Je n’aimais pas l’école, je m’entendais mieux avec les adultes. J’étais toujours dans l’observation. J’ai passé un diplôme, suivi une formation de couturier pendant trois ans dans un atelier suisse de haute couture. Puis j’ai entamé les arts déco de Genève. J’ai grandi. J’ai pris conscience de qui j’étais.
Je ne voulais pas rester dans la seule observation, être coincé, figé. Avec la mode, je me suis échappé, j’ai découvert le milieu qui me convenait. Je me dis parfois que j’ai vraiment une bonne étoile.
Découvrez l'intégralité de l'interview de Serge Ruffieux dans L'Officiel n°1022.
Photographie : Erick Faulkner