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“Enfant, j’ai eu la chance d’avoir un père qui me traînait de musée en musée, de théâtre en théâtre. J’allais aussi bien à la Scala de Milan que dans des clubs de jazz, au Metropolitan de New York. J’ai même assisté à une représentation du Moulin Rouge. Il est mort en 1987, le jour où ont été publiées mes premières images. J’étais particulièrement sensible aux peintures de Degas, Toulouse- Lautrec, Schiele, Klimt, ou les sculptures de Rodin. J’ai toujours été captivé par les corps, le mouvement, la discipline que la danse exige pour accomplir des gestes extraordinaires. J’ai commencé à photographier la danse en 1988, quand j’ai rencontré Jorge Donn : il a dansé, pendant des heures, improvisant sur le Boléro de Ravel, dans le studio de mon agent. Le plus extraordinaire, c’est lorsqu’il m’a dit au revoir, il a remarqué une plaque sur le mur de l’immeuble qui indiquait que Maurice Ravel y avait habité. J’ai du mal à commenter les images reproduites ici séparément : pour moi, elles forment une famille, décrivant la vie d’une compagnie que j’ai appris à aimer profondément. Je préfère reproduire l’épilogue du livre que je lui ai consacré. “Je m’habillais tous les Jours en noir” À l’hiver 2012, j’ai bénéficié d’un accès unique au New York City Ballet, offert par le directeur du ballet, Peter Martins*. Avec le même Leica que j’avais utilisé pour photographier la compagnie de Maurice Béjart, je me promenais en coulisses ou dans les studios de répétition, capturant des moments impossiblement sublimes ou magnifiquement banals. Souvent, je saisissais les danseurs dans leurs moments les plus solitaires, quand ils sont les plus démunis. Le plus important est de réussir à faire partie de leur environnement, de s’y fondre. Il ne s’agit pas de fraterniser, mais de leur permettre de vous oublier, pour qu’ils se sentent à l’aise devant l’objectif. S’ils vous bousculent par inattention, c’est gagné, c’est qu’ils vous ont oublié, et que vous êtes en mesure de capturer des moments authentiques. J’ai travaillé avec des Leica à trois lentilles, sans flash, sans assistant. Je m’habillais tous les jours en noir, des pieds à la tête, dans l’idée de me rendre invisible. Les mains cassant méticuleusement les pointes, un danseur se reposant sur le sol, le bref instant d’immobilité avant le lever de rideau – à mes yeux, toutes ces images parlent avec éloquence de la beauté que je voyais dans chaque danseur de la compagnie. Elles sont une ode à ces hommes et à ces femmes du New York City Ballet, pour les remercier de nous inviter dans des lieux que nous avons oubliés, et pour nous extraire sans effort de notre enveloppe quotidienne. Plus que la danse, le ballet est l’expression des émotions humaines dans toutes leurs formes – l’amour, le désespoir, la passion, l’espoir, et, le plus important, la joie. Je dois rendre hommage à mon éditeur Gerhard Steidl, qui a accepté de reprendre la fabrication du livre au dernier moment pour que je puisse y intégrer 80 dernières images réalisées alors que le livre devait être achevé. J’aurais adoré photographier Nijinski et Noureev. Un des moments les plus chers à mon cœur restera d’avoir pu capter la dernière apparition de Sylvie Guillem, ses tout derniers pas sur scène, à minuit pile, à Tokyo, le 31 décembre 2015. Bouleversant, superbe, et bouclant la boucle ouverte lors de cette première séance avec Jorge Donn presque trente ans plus tôt : elle dansa ce soir-là sur l’air du Boléro de Ravel...
Albert Einstein disait que les danseurs étaient les athlètes de Dieu. Je suis d’accord avec lui.”
* Contraint en janvier 2018 à la démission par des accusations d’harcèlements sexuels. À l’heure de l’impression, aucun élément tangible n’a été rendu public.
Henry Leutwyler, Ballet, éditions Steidl (réed. 2015), 408 p., 65 €.
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Comme bon nombre des créateurs surdoués de ces cinquante dernières années, Jacobs a un esprit à la fois créatif et intellectuel. De longues années de thérapie ont affûté sa pensée et son discours. Il se connaît, sans nécessairement s’adorer, mais possède désormais les outils pour gérer les hauts et les bas de la vie et se montre exigeant dans le choix de ses fréquentations. “Il y a des gens que vous rencontrez avec lesquels vous avez une connexion. J’aime la compagnie de personnes créatives telles que Phoebe Philo, Hedi Slimane et Raf Simons ; je n’ai pas de temps à consacrer aux imposteurs de la mode. Mon temps est précieux et j’aime être aux côtés d’individus intègres et intéressants.” À quel point le temps a-t-il un impact sur lui ? “Je vis au présent, répond-il. C’est le lieu le plus en sécurité qu’il soit pour moi. Cela fait trente ans que je vois le même psychiatre et il me répète souvent : ‘Vous ne parlez jamais de votre famille.’ Mais j’ai toujours eu d’autres sujets de discussion, des choses actuelles. Le problème avec le passé, c’est sa capacité à interférer avec votre présent. Avant, je critiquais ma mère sans arrêt, à tel point que cela se mettait entre mon travail et moi toutes ces choses du passé que je ruminais. Mais c’est comme revenir sur des histoires révolues, comme la neige de la veille.”