L'Officiel Art

Pourquoi il faut (re)découvrir Bernar Venet

On l’attendait depuis de nombreuses années, cette exposition d’ampleur qui permettrait de replacer Bernar Venet dans l’histoire de l’art des années 1960 à nos jours. Tant le Français, établi de longue date aux Etats-Unis – ami de la première heure des conceptuels américains, hôte généreux de nombreux jeunes artistes de passage à New York, initiateur d’expositions de qualité dans sa Fondation du Muy –, y a inscrit un chapitre inédit. Or souvent la France ne pardonne pas à ceux qui ont quitté son sol pour tenter – avec succès – de s’exprimer sous d’autres cieux. L’“oubli” est réparé, avec deux expositions, tenues au MacLyon et au Mamac de Nice, qui explorent l’œuvre foisonnante de l’artiste. Rencontre avec Alexandre Devals, directeur de la Venet Foundation.
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L’OFFICIEL ART : Deux importantes expositions rendent compte de l'étendue du travail de Bernar Venet, relativement méconnu en France : à quels facteurs attribuez-vous cette amnésie de l'histoire de l'art ?

ALEXANDRE DEVALS : C’est une question que je me suis longtemps posée et à laquelle je crois avoir trouvé un élément de réponse lié à la chronologie. Tout d’abord, pour être oublié, il faut avoir été reconnu. Et il est indéniable que les œuvres produites à partir de 1966 ont trouvé un écho important dans la naissance de l’art conceptuel, particulièrement aux Etats-Unis et en Allemagne. A partir de 1968, Venet participe aux expositions “Prospect 68”, “Art by telephone”, “Conception - Konzeption”, “Information”, “Art in the mind”, “Recorded activities”, et dès 1970 il bénéficie d’une grande exposition personnelle au musée de Krefeld, dont le directeur – le Dr Paul Wember – était extrêmement prescripteur. L’année suivante, il a été le premier artiste conceptuel à présenter une rétrospective à New York (au New York Cultural Center). Or, dès 1967, il avait décidé d’interrompre son activité en 1970. A cette date, il a déjà produit plus de 300 œuvres quand Lawrence Weiner n’avait pas encore peint de statements sur les murs ! Si les années 1966 à 1970 sont des années séminales, la grande décennie conceptuelle est la suivante. Celle durant laquelle Venet ne produit plus. Il est donc moins présent au moment de l’apothéose de l’art conceptuel. Et un peu laissé pour compte. Si son retour est très bien accueilli en 1976, il est le seul Français à participer à la Documenta de 1977, ses lignes indéterminées (à partir de 1979) laissent perplexes les amateurs des géométries mathématiques. Il persévère et gagne à la fois une reconnaissance publique et une forme de dédain institutionnel. 

 

Quels aspects de la carrière de Venet chacune des expositions déploie-t-elle ?

Les deux expositions sont profondément différentes. Celle de Lyon est une rétrospective reprenant des tableaux de jeunesse jusqu’à des œuvres de 2018 et même 2019 puisqu’une œuvre sera réalisée la dernière semaine de l’exposition, début janvier. On peut y voir ses sculptures, ses peintures, ses photographies, sa salle de miroirs noirs, certains de ses films... C’est l’exposition la plus complète, Thierry Raspail y a veillé ! Celle de Nice est une étude des années conceptuelles, des cinq années d’avant-garde durant lesquelles il produit et des cinq années suivantes durant lesquelles il théorise. Elle est passionnante car cette période reste mal connue, sa richesse et sa diversité (enregistrements, conférences de scientifiques, télégrammes, abonnements à des journaux, présentations de livres...) sont souvent éludées au profit d’images fortes comme le diagramme du Centre Pompidou.

 

Quelle vision la Venet Foundation que vous dirigez développe-t-elle depuis son inauguration en 2014 ?

En cinq ans, nous avons tenté de développer un spectre assez large : du minimalisme (l’accrochage d’ouverture ou Fred Sandback), à la couleur (James Turrell, Yves Klein), ou encore l’objet (les grandes machines de Tinguely). Pour le moment, ce qui fait notre spécificité est de montrer les grands gestes des artistes des années 1960 dans toute la diversité que cela suppose. La collection se concentre sur les artistes minimalistes, conceptuels, du land art, mais notre spectre s’élargit avec les expositions et nous sommes assez favorables aux projets qui nous semblent pertinents. Une fois n’est pas coutume, nous montrerons de la peinture l’été prochain. Je suis très heureux de travailler avec Claude Viallat, il est l’un des plus grands coloristes actuels et un peintre surprenant.

 

À VOIR
 

•“Bernar Venet. Rétrospective 2019-1959”, du 21 septembre 2018 au 6 janvier 2019, Musée d’Art contemporain de Lyon, Cité internationale, 81, quai Charles de Gaulle, 69006 Lyon. T. +33 (0)4 72 69 17 17, www.mac-lyon.com/

•“Bernar Venet. Les années conceptuelles 1966-1976”, du 12 octobre 2018 au 13 janvier 2019, Musée d’Art moderne et d’Art contemporain de Nice, Place Yves Klein, 06364 Nice. T. +33 (0)4 97 13 42 01, www.mamac-nice.org/

Venet Foundation, 53, chemin du Moulin des Serres, 83490 Le Muy. venetfoundation.org

•Poetic? Poétique ? Bernar Venet”, éditions Jean Boîte, 2017, www.jean-boite.fr/

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Bernar Venet Exposition
Bernar Venet, Pearl Oval Diptych with «Bew», 2013 Acrylique sur toile, 243 × 438 cm Crédit photo
Bernar Venet, Tas de charbon, 1963 et Goudrons, 1963 Sculpture sans dimensions spécifiques.
Bernar Venet, Bugatti Painting, 2012 Acrylique sur toile, diamètre
Bernar Venet, Représentation graphique de la fonction y = -x2/4, 1966 Acrylique sur toile 146 x 121 cm Collection : Musée National d’Art Contemporain, Centre Georges Pompidou, Paris Courtesy Archives Bernar Venet, New York.
Bernar Venet, Calcul de la hauteur d'un triangle isocèle, 1966 Acrylique sur toile 242 x 209 cm Courtesy Archives Bernar Venet, New York.
Bernar Venet, Weather Reports Throughout the Nations and Abroad, 1969 (Weather Report March 14, 1968 and Weather Report November 15, 1968) Agrandissements photographiques Courtesy Archives Bernar Venet, New York.
Bernar Venet dans son atelier à Nice en 1966 Courtesy Archives Bernar Venet New York.
Bernar Venet La Mesure de toute chose, juillet 1967, Nice Courtesy Archives Bernar Venet New York.
Pigment pur, Yves Klein Vue d’installation à la Venet Foundation, 2018 © Succession Yves Klein c/o ADAGP Paris, 2018 Photo © Venet Foundation.
Venet Foundation.
Venet Foundation.
Venet Foundation.
Robert Morris Labyrinth, 2012 Grillage 213 x 1371 x 427 cm © Xinyi Hu, Paris Courtesy Venet Foundation, New York.
Vue du parc de sculptures de la Venet Foundation avec Sol LeWitt, Horizontal Progression, 1991 Larry Bell, Something Green, 2017 © Xinyi Hu, Paris Courtesy Venet Foundation, New York.
Bernar Venet Vue de la cascade et le Pont-arc © Serge Demailly, La Cadière-d’Azur Courtesy Archives Bernar Venet, New York.
Venet Foundation.
James Turrell Elliptic Ecliptic, 1999 Installation dans le parc de sculptures de la Venet Foundation © Frédéric Chavaroche Courtesy Archives Bernar Venet, New York.
Vue du parc de sculptures de la Venet Foundation avec James Turrell Elliptic Ecliptic, 1999 © Xinyi Hu, Paris Courtesy Venet Foundation, New York.
Bernar Venet.

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