L'Officiel Art

Pourquoi il faut aller à Art Brussels

A l’occasion de la 37e édition d’Art Brussels (25-28 avril), Anne Vierstraete, directrice de la Foire, évoque les différents paramètres qui ont permis de replacer cet événement au cœur du calendrier artistique international.
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L'OFFICIEL ART : Quelle est la physionomie de cette 37e édition d’Art Brussels, comment la Foire a-t-elle évolué ces cinq dernières années en termes de ligne directrice, d’innovations, de fréquentation (galeries, visiteurs) ?

ANNE VIERSTRAETE : Via son installation en 2016 à Tour et Taxis – bâtiment emblématique du centre de Bruxelles –, Art Brussels a affiné sa qualité et précisé son identité en opérant une réduction du nombre de galeries, passé de près de 200 à 150. En outre, la foire a redéfini son profil en répartissant les galeries en trois sections distinctes : “Discovery”, “Prime”, “Rediscovery”, et une sous-division, “Solo”. Art Brussels a su, au fil du temps, se démarquer de la scène artistique globale “surpeuplée”, en restant fidèle à son caractère distinctif de foire de découverte – réservant une place prépondérante aux talents les plus émergents –, mais également à sa réputation de place de marché pertinente, où l'art est montré pour sa qualité intrinsèque. Art Brussels démontre une approche passionnée et singulière de l'art contemporain, qui attire les amateurs et les collectionneurs lassés des tendances commerciales du moment présentes dans d'autres grandes foires.Dans ce cercle vertueux, les galeries sont à leur tour intéressées par ce public averti et curieux, apte à prendre des risques en acquérant tôt des œuvres d’artistes dont la renommée est encore à établir au plan international.

Chaque nouvelle édition d’Art Brussels est ainsi l’occasion de s’interroger sur le bien-fondé du profil de la foire au regard des dernières tendances observées sur le marché de l’art contemporain, notre volonté étant d’être pertinents et à l’écoute. C’est ainsi que cette année, une nouvelle section, “Invited”, accueille des galeries et espaces d’art qui ne franchiraient pas l’étape de notre processus de sélection dont les critères sont encore calqués sur le modèle traditionnel de la galerie d’art contemporain. A savoir qui possède une adresse fixe de galerie où sont exposés les artistes.

En outre, l’installation d’Art Brussels à Tour & Taxis a permis de diversifier l’expérience pour le visiteur en développant des projets comme l’exposition de sculptures monumentales sur l’esplanade, des projets artistiques au sein de la foire (expositions thématiques, programme vidéos, etc.) et, d’une manière générale, de majorer la qualité de la visite, et ce jusqu’au soin accordé à la restauration, aujourd’hui de rang gastronomique, grâce à notre collaboration avec JML, fournisseur de la Cour de Belgique.
Le public d’Art Brussels – outre l’importante base des collectionneurs belges très courtisés par les galeries internationales –, se compose d’amateurs d’art et de professionnels du secteur, tant belges qu’étrangers.Nous observons un renouvellement de notre public ces dernières éditions par la venue d’amateurs d’art de moins de 40 ans. Le nombre de visiteurs se situe autour de 24.000 par an.
En ce qui concernes lesgaleries, la foire rend bien sûr hommage à la richesse, la diversité et la haute qualité de la scène des galeries belges, qui en 2019 représentent 27% des participants, soit 40 galeries belges. Nous montrons ainsi le meilleur des galeries belges, des jeunes profils les plus audacieux aux galeries plus établies et anciennes, certaines de renommée internationale et opérant sur le marché mondial de l’art contemporain, telles que Zeno X, Xavier Hufkens, Tim Van Laere, Greta Meert, dépendance, etc. Art Brussels reste en outre résolument internationale avec 32 nationalités représentées parmi les 148 galeries sélectionnées. Ensemble, elles présentent à Art Brussels les œuvres de près de 800 artistes, qui sont pour 93% des artistes vivants, dont un tiers ont moins de 40 ans.
Enfin, au travers des différentes sections qui constituent la foire, l’éventail de prix est très large, offrant la possibilité d’acquérir une œuvre à un prix très abordable par exemple dans la zone “Discovery”, comme de procéder à un investissement dans une œuvre maîtresse dans la section “Prime”.

La foire présente trois grandes sections (Discovery, Prime, Rediscovery) : quelles sont les caractéristiques de chacune d'elles ?
“Discovery” est une sectionphare d’Art Brussels. Depuis l’installation à Tour & Taxis, cette section consacrée aux artistes émergents a quasi triplé de volume : passant de 14 galeries en 2015 à 38 en 2019. Un comité de sélection distinct, composé de curateurs et de galeristes internationaux, décide des participants. Un prix de 5.000€ est décerné à la galerie proposant le stand le plus pertinent, grâce au soutien de Moleskine. Les galeries de la section “Prime”, au nombre de 99 cette année, se concentrent sur des artistes en milieu de carrière et de renommée internationale, du moderne au contemporain. La sélection vise à montrer des œuvres peu vues à l’occasion d’autres grandes foires.Démarrée en 2016, “Rediscovery” (11 galeries en 2019) se connecte au profil de “Découverte”, mais en un sens plus historique,proposant ainsi des œuvres d'artistes importants du 20e siècle, vivants ou décédés, dont l’œuvre est restée sous-estimée ou indûment oubliée.Au sein de “Prime” et de “Rediscovery”, notre sous-section “Solo”, qui compte cette année 23 projets, est un must où les galeries et leurs artistes rivalisent pour proposer des stands qui sortent du lot, au travers par exemple d’un caractère performatif ou d’une installation spécialement conçue pour Art Brussels : une excellente occasion pour découvrir un artiste ou approfondir la connaissance de son œuvre. Chaque année, un prix “Solo” d’un montant de 10.000€ pour l’artiste (seuls, bien entendu, les artistes vivants sont éligibles) est décerné par la foire, grâce au soutien de Van Den Weghe ; le choix du gagnant relève d’un jury mixte indépendant composé de collectionneurs et de curateurs internationaux.

Une nouvelle section, “Invited”, enrichit l’approche de la Foire d’un point de vue sur le marché de l'art : qu'est-ce qui vous a incité à cette initiative, quel est le modèle des galeries qui y sont présentes ?
Afin d’être en phase avec les dernières évolutions observées sur le marché de l’art contemporain, nous avons créé cette section avec pour objectif d’encourager une nouvelle génération de jeunes galeries à l’ambition internationale, n’ayant jamais participé à Art Brussels auparavant, et de s’ouvrir à des espaces d’art qui se détachent du modèle traditionnel. Tous les participants (9 cette année) sont invités par la foire et n’ont, de ce fait, pas été soumis au processus de sélection en vigueur. Outre les toutes jeunes galeries belges et internationales de la section, se trouve un espace d’art sur un modèle collaboratif issu de l’association de quatre galeries géographiquement disséminées à travers les continents (La Maison de Rendez-Vous qui a ouvert ses portes à Bruxelles le 18 janvier dernier), un espace nomade Ballon Rouge organisant des expositions d’artistes dans diverses villes et qui ouvrira prochainement une base permanente à Bruxelles, une galerie pop-up selon un concept où l’identité de l’espace d’exposition temporaire s’adapte chaque fois à la vision de l’artiste ; ici il s’intitule “Paid by the artist”.

 

“A l’instar de l’engouement mondialisé pour l’art actuel, la scène bruxelloise et belge s'est développée au cours des cinquante dernières années et a continué à s'inspirer d'une tradition de ‘collection’ qui distingue la Belgique comme pays comptant le plus grand nombre de collectionneurs par habitant au monde.” AV

 

Comment situez-vous la foire, et plus largement Bruxelles, dans le paysage du marché de l'art contemporain et de son écosystème ?
Dès sa création en 1968, Art Brussels – ex-Foire d'Art actuel –, s’est voulue une plateforme montrant à un public élargi, les nouvelles tendances de l'art. Depuis son origine, Art Brussels a joué un rôle central dans la dynamique qui distingue la scène artistique contemporaine en Belgique. C'est l'événement d'art contemporain phare du Benelux et son ADN est étroitement lié à cette scène locale peu institutionnalisée à laquelle participent également les nombreux artistes résidant en Belgique, et particulièrement présents à Bruxelles, les collectionneurs et amateurs d’art. A l’instar de l’engouement mondialisé pour l’art actuel, la scène bruxelloise et belge s'est développée au cours des cinquante dernières années et a continué à s'inspirer d'une tradition de “collection” qui distingue la Belgique comme pays comptant le plus grand nombre de collectionneurs par habitant au monde.Ce qui rend Bruxelles si particulière au plan de son écosystème artistique, c’est tout d’abord le fait qu’il s’agit d’une ville géographiquement très centrale, au cœur de l’Europe, très cosmopolite et multiculturelle. La taille de Bruxelles et son nombre d’habitants lui confèrent une dimension humaine et permettent une grande interaction entre différentes strates de la ville, tant au plan géographique que des échanges interhumains. Bruxelles a beau être la capitale de l’Europe, elle a l’avantage de proposer encore de nombreux espaces pour de potentiels ateliers d’artistes dans des quartiers centraux mais à des prix infiniment compétitifsau regard des normes dans les grandes capitales comme Paris, Londres et New York. Le caractère peu institutionnalisé et peu hiérarchisé fait que les interactions entre différents réseaux et groupes d’intervenants de la scène contemporaine sont particulièrement aisées. Les contacts se font très spontanément, des initiatives se discutent librement et l’on observe l’émergence de projets nouveaux, des collaborations entre artistes, commissaires d’exposition, collectionneurs, galeristes, etc. Ce n’est donc pas un hasard si de nombreux artistes émergents désirent s’installer à Bruxelles après y avoir été invités dans le cadre d’une résidence. Cette présence des artistes attire vers Bruxelles de nombreux professionnels de la scène artistique internationale et favorise l’éclosion de nouveaux espaces souvent gérés par des artistes et/ou de jeunes commissaires d’expositions. En outre, Bruxelles voit régulièrement émerger de nouvelles galeries ainsi que des espaces d’art opérant sous un nouveau modèle – collaboratif ou nomade –, qui choisissent Bruxelles lorsqu’ils décident de s’implanter avec un espace permanent. Bruxelles et la Belgique comptent également des institutions de plus grande envergure qui ont largement contribué au plan international à la promotion de l’art contemporain, tels Bozar, le centre d’art contemporain Wiels à Bruxelles et le S.M.A.K. à Gand, seul musée d’art contemporain de Belgique à l’époque de sa création en 1975, où Jan Hoet officia comme directeur jusqu’en 2003 pour rapidement le faire connaître internationalement via son programme avant-gardiste. Enfin, récemment le Centre Pompidou a confirmé l’intérêt que représente Bruxelles en s’associant au projet Kanal – Centre Pompidou situé dans un bâtiment à l’architecture exceptionnelle.
L’ouverture à l’art contemporain, le désir de défricher de nouveaux possibles et une forte inclination pour l’audace semblent inscrits dans le terreau naturel historique belge qui sous-tend l’écosystème artistique bruxellois en permanente mutation.

 

ART BRUSSELS, 25-28 avril,
Tour et Taxis,
Avenue du Port 86c,1000 Bruxelles, Belgique.

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Carlos Aires, “Reflections in a Golden Eye”, 2018, 190 x 150 x 7 cm, UVI print on inox metal gold finishing, varnish, paint, black polycarbonate hanging pieces, magnets, screws, courtesy of the artist and ADN Galeria.
Imre Bak, “Triangle-Cross”, 1979, 150 x 150 cm, acrylic on chipboard, © The artist and acb Gallery.
Alex Gardner, “Peptalk on PCH”, 2016, 163 x 122 cm, acrylic on linen.
Robert Mapplethorpe, “Cedric”, New York City, 1977, 35,5 x 35,5 cm, gelatin silver print, © Estate of Robert Mapplethorpe / SAGE Paris.
Sam Moyer, “Payne”, 2018, 15x (61 x 48.3 cm), oil on bristol, © the Artist/ courtesy Galerie Rodolphe Janssen, Brussels.
Michelangelo Pistoletto, “Venere con la pipa”, 1973, 125 x 150 cm, silkscreen on polished stainless steel mirror, © Repetto Gallery, London.
Yannick Ganseman, “Dinner”, 2014, 23,5 x 33 x 23 cm, painted clay and wood, © Paid by the artist.
Laure Prouvost, “This Means Tableau”, 2018, 290 x 425 cm, Tapestry, thread - provenance: Flanders Tapestries, Wielsbeke, Belgium, courtesy of the artist and Galerie Nathalie Obadia, Paris / Brussels.
Sophie Whettnall, Untitled, 2018, 74 x 103 x 4,5 cm, torn and perforated paper, collage, wooden frame, © Vincent Everarts.
Lieven De Boeck, “American Bond / A Yard 2”, 2018, 130 x 92,3 cm, 100 One dollar notes, brass, © Courtesy of the artist and Meessen De Clercq, Brussels.
Jean Dubuffet, “Petite Chaise I”, 1968, 84 x 37 x 31 cm, epoxy paint on polyurethane, © ADAGP et Fondation Dubuffet, courtesy Galerie Lelong & Co.
Nathalie Du Pasquier, “Un plan”, 2018, 150 x 150 cm, oil on canvas, © the artist and Galerie Greta Meert.
Claudia Comte, “Curves and Zigzags (colorful gradient)”, 2019, variable sizes, acrylic wall painting, courtesy of the artist and Gladstone Gallery Brussels and New York.
Linder, “Transference”, 2017, 22.7 x 17 cm, photomontage, © the artist and dépendance, Brussels.
Margarita Maximova, “Range Of Clues”, 2019, video, © the artist and Damien & The Love Guru.
Roland Quetsch, IF503833, 2017, 46 x 28 x 30 cm, wood, fabric, epoxy resins, © Studio Villaggi, courtesy Ceysson & Bénétière.
Guy Vandenbranden, “Composition”, 1967, 73 x 61 cm, celluloid on panel, © Callewaert Vanlangendonck Gallery.
Vik Muniz, “Metachrome (Broadway Boogie Woogie, after Piet Mondrian)”, 2016, 160 × 167 cm, Archival pigment print, © Vik Muniz.
Jan-Ole Schiemann, “Phase Transition (RGB)”, 2018, 230 x 200 cm, ink and acrylic on canvas, courtesy of the Artist and Almine Rech © photo by Melissa Castro Duarte.

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