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Pourquoi il faut aller voir le film "Girl"

À garçon manqué, triomphe annoncé : dans la peau de Lara, héroïne du film Girl, encombrée par son corps de jeune homme, Victor Polster fait des débuts fracassants et porte avec élégance la thématique du transsexualisme. 
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Les parents de Victor Polster étaient plus inquiets que lui, mais ils ont compris l’opportunité unique qu’offrait Girl, le premier long-métrage de Lukas Dhont, et ils ne s’y sont donc pas opposés. Avant de le trouver, le cinéaste flamand de 26 ans avait auditionné pour le rôle principal du film, celui de la ballerine Lara, près de cinq cents jeunes filles et garçons transgenres. Sans grand résultat, car la plupart ont une aversion pour leur corps et ne veulent en aucun cas garder une trace – qui plus est filmée – de leur transition. Tel n’est pas le cas du cisgenre Victor Polster, Bruxellois de 16 ans. Danseur (ça tombe bien) depuis l’âge de 9 ans et élève du ballet royal d’Anvers, ce lycéen blond aux yeux bleus, beau comme un astre, est satisfait de son corps : c’est son instrument de travail, et il n’envisage pas de ne pas danser au quotidien. Pour lui, cette pratique n’est pas une obligation mais un besoin et une façon de s’exprimer. Pour incarner Lara, un ado décidé coûte que coûte à devenir une fille et une ballerine au top niveau, Victor, sans expérience dramatique et dont c’est le premier film, a donc surtout travaillé sa voix avec une orthophoniste, de manière à la rendre plus féminine. Les extensions capillaires et le maquillage assurent le reste du job. 

Ce sont aussi le visage parfois impénétrable que Victor offre à la caméra et son regard radieux, qui s’assombrit peu à peu au fil de sa quête, qui révèlent parfaitement le grand conflit de Lara. Celui-ci est avant tout intérieur : tout le monde dans son entourage – sa famille, ses profs et ses camarades de classe, bien que parfois cruels comme c’est la norme à cet âge – considèrent déjà Lara comme une fille. Elle, par contre, ne peut pas le voir, ne veut pas attendre que la transition s’opère et que les hormones fassent leur effet. L’adolescent(e) veut tout, tout de suite. Se transformer, c’est se dépasser, y compris dans son groupe de ballerines. Peu de films auront mieux retranscrit cette impatience, ce trouble et cette tension que Girl, derrière le visage angélique de Victor Polster. Après tout, il est difficile d’être une ballerine et il est difficile d’être trans : imaginez les deux en même temps. Mais pour Victor, le risque résidait surtout dans la contrainte de s’initier pour le film en quelques semaines à danser sur la pointe des pieds, comme une vraie ballerine. Se blesser aurait été catastrophique pour sa propre carrière de danseur étoile. Quant à son prix d’interprétation décroché à Cannes (section Un certain regard), il augure d’un futur inouï, mais peut-être un peu plus facile à gérer. Car, ce futur-là, c’est encore sa maman qui s’en occupe.

Girl, de Lukas Dhont, avec Victor Polster, Arieh Worthalter et Oliver Bodart. Sortie le 10 octobre. 

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