Faut-il voir sur Canal + la série American Rust ?
Classique, ce polar doit tout à son atmosphère et à ses interprètes.
C’est une ville au milieu d’à peu près nulle part, de ces villes américaines qui devaient leur naissance à des industries depuis longtemps obsolètes. Les usines ont fermé, le travail y est rare, et ses habitant-e-s semblent écrasé-e-s par le fatum des tragédies classiques, ce destin implacable les condamnant au malheur. On y boit pas mal quand on ne se défonce pas aux opiacés, on s’y bat comme on peut contre la fatalité, on regarde laisser filer les journées semblables aux précédentes, il n'y fait pas bon sortir du rang et de se révolter d’une façon ou d'une autre. American Rust capte magnifiquement cette Amérique crépusculaire, évoquant un peu le récent Mare of Eastdown, sa lumière grisâtre, ces corps bougeant lentement, comme englués dans la poisse. Son sens des détails minuscules - ces effets de réel dont parlait Roland Barthes -, sa façon d’avancer à pas lents et lourds, ses personnages secondaires mais jamais méprisés, lui donnent une puissance hypnotique. Son récit s’articule autour de l’arrestation de Billy (Alex Neustaedter, formidable de puissance désarmée par le mauvais sort), jeune adulte passé - par amour ou saisi par l’effroi de se soustraire au fatum qui frappe son entourage - à côté d’une carrière sportive, de sa mère Grace (Maura Tierney), couturière dans une manufacture peu soucieuse du droit du travail, et de Del Harris, le shérif, épuisé par le souvenir de la Guerre du Golf (première du nom), amoureux maladroit de Grace, qui ferait tout pour la séduire, y compris s’arranger avec la réalité. Ainsi, lorsque Billy est accusé d’avoir assassiné un de ses anciens collègues, viré en raison de sa toxicomanie, il met en œuvre pour le protéger un stratagème contestable…A dire vrai, c’est moins pour son suspens que la série touche juste, un peu claudicantes, ses péripéties captivent moins que ses interprètes, particulièrement les extraordinaires Maura Tierney et Jeff Daniels (oui, le même qui jouait au côté de Jim Carrey dans Dumb & Dumber…), délivrant une leçon de jeu tout en nuances, variations subtiles, déclinant la gamme chromatique des sentiments et des intentions. Et parfois, cela suffit à rendre attachante une création autrement banale.
Une mini-série de 9 épisodes. Créé par Dan Futterman. Avec Jeff Daniels, Maura Tierney, Alex Neustaedter et Bill Camp. Diffusion en exclusivité sur Canal + à partir du 25 novembre. Les jeudis à 21h, trois épisodes par soirée. En intégralité dès le 25 novembre sur myCanal.