Pop Culture

Pourquoi Chicago est le berceau du blues et de la soul

Le travail du photo-reporter Michael Abramson fait revivre la scène underground du Chicago des 70s. Un monde de la nuit entre blues et soul, très mode, très brut, entre joie du clubbing et afters difficiles.
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En 1975, la fête bat son plein dans les quartiers sud de Chicago. Un jeune homme de bonne famille s’aventure dans les clubs de blues légendaires du South Side, où résonnent de la soul, puis du funk et du disco, pour prendre avec son petit Leica des photos au flash de la foule qui s’amuse, danse et chante jusqu’à l’aube. C’est un des rares Blancs à oser entrer dans ces boîtes underground mythiques de blues et, contre toute attente, il est vite adopté par les fêtards, qui posent avec plaisir. Michael Abramson a 20  ans et quelques, et s’ennuie ferme dans ses études de commerce, jusqu’à ce qu’il découvre la photographie et soit accepté dans cette discipline à l’Institut du design de Chicago. Il explique dans son livre Light: On The South Side : “Je découvrais alors le travail de Brassaï et de Weegee à New York, les gens qui flânaient la nuit, photographiés dans les cabarets ou autres. Au Pepper’s Hideout, vous aviez le blues, les concours de danse fesse-à-fesse, les talent shows et les défilés de travestis.” Il ajoute – et on le croit sur parole : “Je me suis éclaté.” Johnny Pepper, un impresario de la ville, a possédé trois clubs mythiques en trente ans : Pepper’s Lounge, Pepper’s et Pepper’s Hideout, où se sont produits entre autres B. B. King, Muddy Waters, Ike & Tina Turner. Pervis Staples des Staple Singers a, lui, fondé le Perv’s House, où Abramson a aussi usé ses flashs : “C’était la Cadillac des clubs que je fréquentais, le Playboy Club du South Side.” À raison de six rouleaux chaque nuit, il immortalise la scène de Chicago, photographie le public au bar, sur la piste de danse, dans les lounges, sans savoir que cette fête-là ne connaîtra pas sa pareille dans les décennies qui suivront.

Les codes vestimentaires sortent de l’ordinaire. La journée, on travaille dans les aciéries et les abattoirs mais, la nuit, il faut se mettre sur son trenteet-un. C’est l’occasion d’arborer des coiffures sophistiquées, de mettre des habits de lumière, du lamé à gogo, des combis en polyester, des bijoux, des lunettes de soleil, des chapeaux, des talons à plates-formes, des costumes cintrés pour ressembler à Pam Grier dans Foxy Brown. Il capte les cocktails entamés, la drague, les couples, les danses, l’énergie volatile d’après minuit et ce maximum d’attitude qui est de mise : le spectacle est autant dans la salle que sur scène. Abramson va faire sa thèse (récompensée par un prix) sur cette vie nocturne enfiévrée, puis va mener une carrière de photoreporter pour les plus grands titres américains, parmi lesquels Time, le New York Times, Newsweek ou le Wall Street Journal, jusqu’à sa mort en 2011. Mais c’est ce travail sur les nuits de South Chicago qui a fait l’objet de deux beaux livres et d’expositions à travers le monde entier, comme ce mois-ci à Londres, à la MMX Gallery. Abramson disait : “Même si on pouvait entendre la musique, on n’échappait pas à l’alcool et à la fumée de cigarette ; les gens étaient vraiment heureux, mais peut-être n’était-ce qu’un vernis, une apparence.” Un vernis dont la brillance et le feu continuent à faire tourner la tête aujourd’hui.

© Michael Abramson, Courtesy of MMX Gallery. 0165.jpeg
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Photographies argentiques réalisées et tirées par Michael Abramson dans les années 1970 à Chicago.

Cet article est actuellement visible dans le numero de mai 2018 du magazine Jalouse 

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