La mode africaine s’invite aux Galeries Lafayette Paris Haussmann avec le pop-up CANEX
Jusqu'au 8 juillet, CANEX met en lumière quatre créateurs africains à Paris.
Jusqu'au 8 juillet, les Galeries Lafayette Paris Haussmann accueillent un pop-up inédit en partenariat avec CANEX, une initiative portée par la Banque africaine d'import-export (Afreximbank), visant à propulser la création africaine sur la scène mondiale. Quatre créateurs émergents — BOYEDOE, demi-finaliste du prix LVMH, LATE FOR WORK, WE ARE NBO et WUMAN — y sont mis à l’honneur dans le cadre du programme CANEX Présente l’Afrique. Pour Kanayo Awani, Vice-présidente exécutive d’Afreximbank, "présenter les designers africains aux Galeries Lafayette, c’est bien plus qu’une question de visibilité : il s’agit d’accès — accès aux marchés mondiaux pour les créateurs africains et accès à leurs produits pour les consommateurs internationaux". Dans une industrie de la mode estimée à plus de 1 700 milliards de dollars, où l’Afrique représente moins de 1 % des exportations, ce type d’initiative devient crucial. "Le pop-up aux Galeries Lafayette est une preuve de concept", affirme Mme Awani, démontrant que "des partenariats stratégiques, une finance intelligente et une visibilité ciblée" peuvent transformer des idées créatives en opportunités commerciales concrètes. CANEX ne se contente pas de créer de la vitrine, mais s’engage dans la structuration d’un écosystème pérenne grâce à des outils financiers, un accompagnement politique, et l’accès aux marchés — notamment via un fonds de 2 milliards de dollars destiné à soutenir les industries créatives africaines. Pour les marques sélectionnées, les critères vont au-delà du talent : elles doivent allier originalité, capacité de production, stratégie d’exportation et engagement éthique. "Les marques africaines présentent aujourd’hui des produits de luxe aussi sophistiqués, durables et viables commercialement que n’importe quelle autre marque internationale", insiste Mme Awani. La présence de CANEX aux Galeries Lafayette Paris Haussmann marque ainsi un tournant stratégique : elle ouvre la voie à un repositionnement de la mode africaine comme acteur central d’un nouveau récit économique et culturel global.
L'OFFICIEL : Que représente pour vous cette opportunité de présenter vos créations aux Galeries Lafayette, en plein cœur de Paris ?
Late For Work : C’est un moment fort, non seulement sur le plan personnel, mais aussi symbolique. Être dans un lieu aussi historique et visible, en plein cœur de Paris, signifie que notre travail — ancré dans l'identité nord-africaine et une forme de résistance contemporaine — est vu et reconnu sur la scène mondiale. C’est aussi une occasion de reconquérir de l’espace et de faire entendre notre voix.
LO : Comment le programme CANEX vous a-t-il concrètement aidé dans votre parcours (mentorat, financement, visibilité) ?
CANEX a créé de véritables passerelles. Au-delà de la visibilité, ils ont apporté un soutien structurel : mentorat, accès, et surtout une communauté qui comprend les défis et les ambitions spécifiques des designers africains. Grâce à CANEX, et à notre participation au salon Tranoï, la marque a pu accéder à des marchés et détaillants internationaux. Cette visibilité s’est traduite en opportunités concrètes : Late For Work est désormais disponible chez des distributeurs reconnus au Moyen-Orient, aux États-Unis, et bientôt en Asie. Cela a changé la manière dont nous nous présentons et développons notre travail à l’échelle mondiale.
LO : Quels défis rencontrez-vous au quotidien en tant que créateur africain ?
Il y a une tension constante entre l’ambition créative et le manque d’accès — que ce soit au financement, à des réseaux de production fiables ou à une visibilité durable. L’un des plus grands défis est de devoir sans cesse prouver que la créativité africaine n’est pas une tendance passagère. C’est un mouvement profond, en constante évolution, qui mérite un véritable espace, du soutien, et une reconnaissance sérieuse.
LO : Quelle est l’histoire ou le message derrière votre collection présentée dans ce pop-up ?
Cette sélection mêle des pièces issues de notre collection permanente, nos best-sellers, ainsi que quelques éléments de notre collection printemps-été 2025. Ensemble, elles incarnent l’essence esthétique de Late For Work : un tailoring déstructuré, des silhouettes fluides, et une tension constante entre structure et relâchement. Nous nous inspirons des codes du workwear, que nous réinterprétons de manière plus douce et expressive, en mêlant souvent les énergies masculines et féminines.
LO : Quel rôle jouent les savoir-faire artisanaux et les traditions locales dans vos créations ?
Un rôle fondamental. Nos pièces sont principalement confectionnées par des tailleurs artisans au Maroc, qui pratiquent leur métier depuis des décennies. De la construction à la déconstruction, nous nous appuyons toujours sur des techniques de couture traditionnelles. Même lorsque les designs sont plus abstraits, ils reposent sur un profond respect du savoir-faire, de la précision et de l’artisanat.
LO : Comment percevez-vous la réception du public européen face à la mode africaine contemporaine ?
Il y a plus de curiosité aujourd’hui, et c’est une bonne chose, mais il faut encore dépasser l’exotisme. La mode africaine contemporaine n’est pas une nouveauté : c’est un espace en constante évolution, réfléchi et diversifié. Chez Late For Work, nous proposons une lecture moderne du workwear : des lignes épurées, des silhouettes superposées et une déconstruction subtile, qui s’adresse à un public plus large, au-delà des attentes géographiques ou culturelles. L’image de la mode africaine reste souvent réduite à la couleur et aux imprimés ; nous sommes là pour élargir ce récit. Et je pense que le public est prêt à aller plus loin dans cette exploration — c’est ce que nous offrons : de la profondeur, pas seulement une surface.
LO : Quels sont vos objectifs après cette vitrine parisienne ?
Après cette présentation, notre objectif est d’implanter Late For Work dans de nouveaux territoires. Nous restons engagés dans une démarche de durabilité et d’inclusivité, tout en célébrant les contradictions qui font notre singularité. Il s’agit de grandir selon nos propres termes — de manière authentique, audacieuse et sans peur.
L'OFFICIEL : Que représente pour vous cette opportunité de présenter vos créations aux Galeries Lafayette, en plein cœur de Paris ?
Boyedoe : C’est un immense honneur et une opportunité que nous ne prenons pas à la légère. C’est le témoignage du travail acharné de l’équipe Boyedoe, de la foi en notre vision de tous ceux qui nous ont soutenus jusqu’à présent, et surtout, c’est une étape majeure dans le parcours de Boyedoe. Présenter nos créations aux Galeries Lafayette va non seulement accroître la visibilité de notre marque, mais aussi nous mettre en contact avec des clients exigeants, sensibles à une mode éco-responsable, infusée d’une touche de poussière d’étoile afro. C’est réellement un rêve devenu réalité.
L'OFFICIEL : Que représente pour vous cette opportunité de présenter vos créations aux Galeries Lafayette, en plein cœur de Paris ?
Wuman : Je pense que c’est une opportunité vraiment géniale et enthousiasmante. J’aime Paris car je ressens une étincelle créative particulière quand je suis dans cette ville, et pouvoir présenter mon travail en son cœur est pour moi une avancée dans la bonne direction.
Comment le programme CANEX vous a-t-il concrètement aidé dans votre parcours (mentorat, financement, visibilité) ?
Le programme CANEX est une plateforme incroyable qui a eu un véritable impact sur moi et sur ma marque. C’est un programme très différent de ceux auxquels j’ai pu participer auparavant. Il est bien pensé, clair dans sa volonté de soutenir les designers africains comme moi et de nous placer sur la scène mondiale pour nous permettre d’exceller. C’est aussi un programme construit avec une vraie compréhension des besoins des créateurs africains. Grâce à cette initiative, j’ai beaucoup appris sur l’industrie de la mode, le volet commercial du métier, et j’ai mieux compris ce que signifie construire une marque à portée mondiale. Le mentorat, le financement et la visibilité que m’a offerts cette plateforme m’ont permis d’acquérir des outils essentiels pour ma trajectoire de croissance, et je suis profondément reconnaissant envers CANEX ainsi qu’envers l’équipe tenace qui rend tout cela possible.
Quels défis rencontrez-vous au quotidien en tant que créateur africain ?
Je pense qu’il y a des défis communs, comme l’accès au financement, mais aussi des insuffisances structurelles : le marketing, les lacunes en matière d’infrastructures, etc. J’aimerais souligner des défis plus spécifiques, comme la difficulté des échanges commerciaux, notamment les coûts élevés d’expédition, surtout dans le contexte des affaires en Afrique. À une échelle plus globale, certains défis sont psychologiques, notamment la perception des marques africaines sur la scène internationale, en particulier dans le cadre du commerce mondial.
Quelle est l’histoire ou le message derrière votre collection présentée dans ce pop-up ?
Ma marque et mes compositions — que je préfère appeler ainsi plutôt que « collections » — sont très symboliques et sémantiques dans leur nature et leur portée. Mon travail est une juxtaposition d’art, de vêtements et de littérature. Ces vêtements racontent différentes histoires ou thématiques : des éléments issus de ma culture, ma vision du monde, mes réflexions sur les relations entre les vêtements et l’architecture, la cosmologie de mon héritage, et l’histoire de mon continent. Ces pièces sont conçues pour ne pas seulement être portées, mais pour être observées, pensées, habitées — comme les refuges sacrés que je les conçois être. Elles vont au-delà de la superficialité de la consommation de produits : ce sont des œuvres d’art qui établissent une connexion plus profonde, spirituelle et significative.
Quel rôle jouent les savoir-faire artisanaux et les traditions locales dans vos créations ?
Ma marque reflète la culture artisanale à travers un prisme africain. C’est un élément central de notre ADN créatif. Mon travail repose fortement sur la collaboration, fruit de mains ambitieuses qui donnent vie à mes idées. Je travaille avec des artisans africains, en bâtissant une équipe qui fonctionne comme une famille, dans le respect de ce que nous avons, et en exprimant une véritable intention. Ma philosophie de création puise dans la richesse des traditions, me permettant de développer ou d’adapter des techniques profondément ancrées dans l’artisanat.
Comment percevez-vous la réception du public européen face à la mode africaine contemporaine ?
D’après mon expérience ces dernières années, je pense que cette réception est encore influencée par certaines perceptions que j’essaie de comprendre. Pour répondre à cette question en profondeur, il faudrait d’abord analyser la vision que le public européen porte sur l’Afrique et sur sa créativité en général, car cela constitue la base de toute perception. Je trouve aussi que la question est un peu asymétrique, car elle présume que l’Europe est homogène, alors qu’en réalité elle est vaste et composée de nombreuses cultures qui peuvent avoir des réceptions très différentes. Par exemple, beaucoup de mes clients à Lagos sont français, mais cela ne signifie pas pour autant que je puisse savoir comment un Grec ou un Norvégien accueillerait ma marque. Ma participation à ce pop-up pourra sans doute m’éclairer davantage à ce sujet. Personnellement, je ne suis pas attaché à cette perception à ce stade, car elle pourrait brouiller ma clarté en tant que designer et artiste qui cherche à créer de manière authentique. En tant qu’artiste, je ne m’inquiète pas trop de cette réception, mais d’un point de vue commercial, je reste attentif à certains indicateurs clés qui reflètent la réalité de ma marque africaine dans ce contexte. J’espère pouvoir partager une analyse plus précise à l’avenir, lorsque j’aurai acquis une connaissance plus concrète du sujet.
Quels sont vos objectifs après cette vitrine parisienne ?
Mes prochains objectifs sont de continuer à créer de l’art, à apprendre, et à faire grandir ma marque.