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Quand Paris s'engage

À deux pas de la Gare du Nord, la plus ancienne caserne de pompiers de Paris devient le plus grand incubateur et accélérateur de transition écologique et sociale dans le monde du luxe et de la mode, en plus d'être le nouveau lieu pour échanger, dîner et s'amuser. Rencontre avec Maeva Bessis, sa directrice générale, dont la mission est de faire évoluer la mode, réinventer un quartier et offrir un nouveau territoire de rencontres et de jeux aux Parisiens.

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C’est après deux ans de travaux que La Caserne voit le jour. Sa philosophie? “Apprendre, partager, militer, inclure, collaborer, innover, agir. Car le futur n’est pas un endroit où l’on va, mais un endroit que l’on crée”, explique sa directrice générale Maeva Bessis. Ce lieu, qui se veut le plus grand accélérateur de la mode durable, a donc invité quarante marques en résidence pendant trois ans en leur donnant accès une fois par semaine à une masterclass avec des experts pour apprendre sur les sujets liés à l’écologie, comme l’impact de l’utilisation de matières premières, la traçabilité ou le volume de production. La Caserne met également à leur disposition un showroom de matières premières, un studio photo, un workshop partagé 24H/24 et 7J/7, un concept-store pour designers engagés intitulé L’Exception, et s’engage à les mettre en relation avec les meilleurs professionnels de la mode. En plus d’offrir les meilleures conditions pour que la durabilité devienne une réalité pour tous, le lieu s’ouvre aussi aux gens de l’extérieur avec une cantine végétarienne qui devient le soir le restaurant le plus festif de la capitale, une salle de concert, un bar en rooftop, une salle de bal de 600 m2 et un lieu d’exposition et de remise de prix (Woolmark Prize). Rares sont les lieux avec une telle ouverture...

L’OFFICIEL : Comment est née l’aventure de la Caserne?
MAEVA BESSIS : La Caserne est née de la volonté de la ville de Paris de réhabiliter cette ancienne caserne de pompiers pour y accueillir une plateforme d’innovation dédiée à la mode. C’était le brief lors de l’appel à candidature lancé en novembre 2019.

L’O : Qui se cache derrière cette idée géniale ?
MB: Beaucoup de monde! La Caserne est un projet en constante évolution depuis ses débuts et nous restons à l’écoute des idées et envies des différentes parties prenantes. Lorsque Jacques Veyrat m’a confié le projet, la première phase a été de partir à la rencontre des créateurs pour les questionner sur les outils et les services qui pourraient les aider à développer leur marque de façon responsable. Une fois le concept validé, c’est auprès des acteurs du 10e arrondissement que je me suis tournée afin de comprendre quel rapport ils entretenaient avec cette caserne inactive depuis quinze ans.

L’O : Quelles sont les caractéristiques physiques de La Caserne ?
MB : Sur les 4000 m2 de La Caserne, 1600 m2 sont dédiés à l’accueil du public avec la volonté de faire de cet espace un lieu de vie ouvert à tous. Le reste est consacré à l’accélérateur pour la mode responsable avec des ateliers pour les résidents, un showroom de matières premières, un studio photo, un lab opéré par l’Institut francais du textile et de l’habillement qui propose un espace “test de durabilité produit”, ou encore un espace de prototypage 3D.

L’O : Quels sont vos objectifs à court, moyen et long termes ?
MB : À court terme, stabiliser mon équipe et m’assurer que chacun est aligné avec son rôle. À moyen terme, développer le chiffre d’affaires afin d’atteindre le seuil de rentabilité et prouver qu’un projet à impact peut aussi être rentable. Et à long terme, ouvrir d’autres casernes en France ou à l’étranger.

L’O : Comment avez-vous sélectionné vos 40 résidents ?
MB : Le processus de sélection s’est fait en trois phases. D’abord un appel à candidature avec un dossier à déposer sur notre site internet. Ensuite, une sélection de la moitié des marques opérée par un comité de sélection que vous pouvez retrouver sur le site. Dernière phase, un vote citoyen sur Instagram permettant au grand public de sélectionner à son tour les marques qu’il souhaite soutenir.

L’O : Quels sont leurs profils et leurs points communs ?
MB : Les profils sont très différents, nous avons des marques de taille et de positionnement très différents. Nous avons aussi bien des marques qui présentent leurs collections pendant la fashion week, que d’autres plus orientées prêt-à-porter. Leur point commun est leur volonté de s’inscrire dans cette nouvelle génération ayant envie de produire de façon responsable, choisir des matières issues de stocks dormants, mesurer leur impact, assurer une traçabilité tout au long de la chaîne de production.

L’O : Le lieu est-il ouvert à tous ou seulement aux créatifs français ?

MB : La Caserne est ouverte à toutes les marques ayant la volonté de créer depuis Paris.

L’O : Doit-on sortir d’une école ou peut-on être autodidacte ?
MB : Beaucoup font le choix de faire une école, il faut dire qu’à Paris, nous avons avec l’IFM l’une des meilleures écoles de mode au monde. Cependant, je pense que l’on peut tout à fait être autodidacte, avec de la passion et beaucoup de pratique.

L’O : Allez-vous organiser votre propre concours de mode comme l’ANDAM ou le festival d’Hyères ?
MB : Ce n’est pas l’ambition. Mais pourquoi pas devenir partenaire de ces prestigieux concours qui sont de véritables tremplins pour les marques qui les remportent. Cet écosystème, dédié au développement des jeunes marques, est extrêmement important et se doit d’être en permanente ébullition pour que Paris reste la capitale de la mode.

L’O : Vous ouvrez un restaurant, un lieu de nuit, une boutique... Qui s’en occupe ? Qu’est-ce que ces lieux ont de différent par rapport aux autres ?
MB : La recherche d’un partenaire pour le restaurant et le club fut longue et tumultueuse. Beaucoup de critères étaient importants pour moi, de la stabilité financière à l’alignement des visions. J’ai finalement décidé de travailler avec Entourage Paris, une société créée par Thomas de la Villejegu et Jules Naquet et spécialisée dans l’événementiel et l’exploitation de lieux atypiques. Avec un an de recul, je pense avoir fait le bon choix, j’ai à mes côtés de vrais entrepreneurs au contact desquels j’apprends beaucoup. Le restaurant est un restaurant végétarien festif. Une table où les assiettes ont disparu pour laisser place au partage des mets. C’est un show culinaire à tester entre amis. La boutique L’Exception, elle, propose du prêt-à-porter homme et femme, mais aussi quelques éléments pour la maison. Les produits vendus en boutique répondent à la grille de critères lancée par les Galeries Lafayette Go For Good, soit trois axes : social, environnemental et local. Quant au club, il vient tout juste d’ouvrir ses portes sous la direction artistique de Haiku, du jeudi au samedi soir.

L’O : Vous dites que La Caserne est un lieu pour militer et inclure, de quelles façons ?
MB : Un lieu pour militer en participant aux nombreux événements que nous organisons. Que ce soit autour des sujets de la protection de la biodiversité, de l’économie circulaire ou même de l’équité, nous avons une programmation riche et engagée qui peut nourrir de savoirs et de rencontres votre flamme militante. Et inclure, parce que nos événements s’adressent à tous et que nous organisons souvent des moments privilégiés pour des publics particuliers. Nous avons par exemple lancé un programme en partenariat avec Les Déterminés pour accompagner six entrepreneurs venus de banlieue souhaitant se développer dans la mode.

La Caserne : 12, rue Philippe-de-Girard, Paris 10e. Lacaserneparis.com

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