Courrèges innove et utilise la rue comme miroir d’une élégance urbaine en mouvement
Pour sa pré-collection SS26, Courrèges confie son image à sa communauté et investit le réel parisien.
Cette saison, Courrèges quitte la pureté clinique de sa célèbre boîte blanche pour se glisser dans les nervures palpitantes de la ville. Pour le printemps-été 2026, Nicolas Di Felice opère un déplacement symbolique et sensible : il confie le regard, non plus à l’objectif contrôlé du studio, mais à celui, tremblant et sincère, des muses qui composent sa communauté. La capitale devient toile de fond, la rue un podium intime, et le smartphone, cet instrument du quotidien, se mue en miroir d’une nouvelle ère esthétique.
Inspiré par le phénomène viral des Mirrors of Paris, le shooting s’émancipe des conventions pour épouser la liberté d’un selfie. Dix-huit visages, parmi lesquels les familiers Apolline Rocco Fohrer, Élodie Guipaud, Axel Gay, TOCCORORO ou Paul Barge, mais aussi les regards frais de Jacqui Hooper, Stella Hanan, Nastassia Legrand ou Samuel Élie, offrent leur propre narration. Ils retournent l’objectif sur eux-mêmes, comme pour dire : "voici mon Courrèges, voici mon Paris". Dans leurs clichés spontanés, l’élégance se frotte au bitume, les silhouettes s’inscrivent dans les failles du réel, entre graffitis, parvis oubliés et monuments rêvés au loin. La collection, ainsi saisie, respire un souffle brut, intime, résolument ancré dans l'époque.
Sous la direction de Nicolas Di Felice, le vestiaire Courrèges brouille les catégories et hybridise les langages. Ce qui était formel devient fonctionnel, ce qui était sportif se sophistique. L’icône de la saison ? Une ceinture de trench gainée de tissu, détournée en col structurant, en bretelles presque conceptuelles ou en ligne de taille galbée. Elle tisse un fil entre les pièces et les intentions, rappelant que chez Courrèges, le détail n’est jamais anodin : il est le récit.
La petite manche de 1964 revient en clin d'œil sur une robe polo longue, pendant que le micro-pied-de-poule taille une jupe-culotte modulable. Le maillot de foot oversize, lui, se glisse sur une jupe tailleur, injectant aux codes bourgeois une désinvolture urbaine. Volumes exagérés, sportswear distillé, workwear repensé : les genres se fondent, se répondent, et refusent désormais toute frontière.
Dans ce mouvement fluide, un nouveau protagoniste fait son apparition : le Strip bag. Sa construction souple mais pensée — rabats aimantés, fermeture mousqueton, poche zippée — reflète la dualité chère à la maison : sophistication technique et pragmatisme poétique. Aux pieds, les chaussures refusent l’injonction à la verticalité. Plates, inspirées des années 60, elles rappellent que la liberté, elle aussi, peut avoir du style. Du kitten-heel carré glissé sous un pantalon flare, aux bottes aiguisées d’inspiration 1965, chaque soulier trace sa propre trajectoire dans un Paris en mouvement.
Et dans ce tableau estival, la couleur, elle, chuchote plus qu’elle ne crie. Menthe translucide, rose poudré, beige bon-ton… Une palette feutrée, solaire sans ostentation, qui évoque un été habité, mais non figé. Cette collection parle ainsi d’un Paris multiple, contemporain, libre — celui qui se dévoile dans un miroir de poche ou le reflet d’une vitrine. Et dans ces images captées à la volée, entre imperfection numérique et grâce accidentelle, Courrèges inscrit sa modernité : une mode pensée non pas pour dominer le regard, mais pour dialoguer avec lui.