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Barbara Coignet : "Le luxe a un rôle d’exemple, de leader dans le développement durable"

Il y a douze ans, Barbara Coignet, à la tête du bureau de presse BMCS, a eu une sacrée intuition. À l’écoute des indices que l’époque lui envoyait, elle a fait un pas de côté et s’est lancée en solo dans la création de 1.618, une agence qui fédère un réseau de marques et d’acteurs eco-responsables et qui réunit aujourd’hui les plus grands noms lors de sa Biennale. Rencontre.
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Bouger les lignes, revoir les mentalités, telle est devenue un jour l’urgence pour cette fille diplômée de l’EFAP, qui avait toujours eu pour objectif de travailler dans le “merveilleux”, le “beau”, “l’exceptionnel”, “l’éphémère”. Pour pouvoir continuer à “créer des moments d’exception, sublimer le travail de créatifs, défendre les artisans et les artistes”, ceux qu’elle qualifie comme “en dehors des cases”, elle a revu sa structure, et s’est lancée en solitaire. Avec 1.618 elle intègre le luxe, la beauté et l’écologie à son nouvel axe de réflexion. Les débuts sont difficiles, les clients sont réticents. Elle fonce, ne lâche rien. Celle pour qui la nature est capitale s’impose comme une des actrices phares de la nouvelle scène du “luxe sustainable”. Son agence fédère un réseau international de marques, d’entrepreneurs, de visionnaires et de créatifs qui proposent donc un luxe plus éthique, en phase avec le temps, tous allant dans le même sens : trouver des solutions et interagir pour construire un monde harmonieux, innovant et responsable. Au travers d’évènements uniques 1.618 met en lumière toutes ces entreprises pionnières. En juin prochain, en clôture de la semaine européenne du développement durable, aura lieu au Carreau du Temple à Paris, la sixième édition de la Biennale 1.618, évènement phare de l’agence, véritable plate-forme d’influence et d’inspirations. L’occasion de rencontrer Barbara Coignet, cette fille chic pour qui nature, beauté et art forment une trilogie vitale.

L’Officiel. Quand est née cette idée de lier le luxe et le développement durable? 

Barbara Coignet : En 2007. J’ai eu envie de concilier le luxe et la protection de l’environnement. Je me suis dis “Et si notre monde pouvait se développer en préservant sa beauté initiale, et non en puisant sans cesse dans ses ressources...” J’avais l’intuition forte que quelque chose se passait autour du luxe. Sa définition est une chose, sa perception au XXIe siècle en est une autre. Il fallait trouver la bonne idée pour convaincre un écosystème de créatifs exigeants et réfractaires au sujet de consommer autrement. Pour cela je devais identifier des entreprises et des produits à la hauteur de leurs exigences et de leur critères de “désirabilité”. Le challenge : trouver des alternatives créatives, innovantes, belles, tendance, qualitatives et responsables. 1.618 est née. 1.618, ça veut dire quoi? 1.618 définit la proportion divine, la clé de la beauté et de l’harmonie universelle. Elle est omniprésente dans le monde animal, végétal et minéral. Une définition en symbiose avec ce que nous souhaitons accomplir.

Vous parlez sans cesse du Beau, quel sens a-t-il dans votre réflexion?
À titre personnel, je travaille, me questionne et réfléchis constamment à cette question depuis des années et je ne sais toujours pas très bien y répondre. En revanche, dans notre projet 1.618, il s’agit du point d’émotions positives suscitées par des lignes, un style, une harmonie, une histoire, des hommes. Et que veut dire “luxe”?  L’exceptionnel, les valeurs telles que l’appréciation de la rareté, le respect, l’émotion, la notion de temps, de patrimoine, de qualité. Le respect des richesses naturelles et des droits de l’homme. La préservation des savoir-faire, la recherche et du luxe responsable

Comment ont réagi les marques à ce moment-là?
Les “native brands” étaient extrêmement excitées, les marques historiques du luxe, moins. Elles ne se sentaient pas très concernées même si certains groupes avaient déjà entamé une démarche en interne.

C’était il y a douze ans, le monde ne réfléchissait pas encore dans cette optique?

Nous avons été surpris de constater que la réflexion était déjà engagée dans certains secteurs (spiritueux, cosmétiques, hôtellerie) mais pas ou très peu dans d’autres (mode, accessoires, joaillerie). Et peu étaient prêts à se présenter au public et aux médias en tant que marque responsable.

Est-ce que cela a été facile de convaincre vos clients? 

Non, vraiment pas. L’intérêt et la curiosité étaient extrêmement vifs mais la crainte et la nouveauté d’un tel engagement, sans aucune base concrète, étaient beaucoup plus puissantes. Nous avons en revanche facilement trouvé des soutiens auprès de différents partenaires comme les médias, les grandes écoles, certaines ONG, des sociétés de services...

Et pourquoi cette Biennale 1.618?

Pour montrer que ce monde de la création responsable est réel, possible et que ce n’est pas une tendance ou un projet. Pour sublimer et mettre en lumière les créatifs et entrepreneurs responsables. Pour les mettre en relation des entreprises engagées, créer des synergies qui accélèrent le progrès. Pour offrir des alternatives concrètes, responsables et désirables aux consommateurs en quête de sens et de valeurs. Pour démontrer que le nouveau luxe est durable ou n’est pas.

Quels ont été les grands moments des Biennales 1.618 passées?
Il y a eu tellement de grands moments ! Je pense, par exemple, à la soirée de vernissage de la première édition en 2009 au Palais de Tokyo. Après de longs mois sans sommeil, lorsque tout était en place, dans une scénographie sublime de Yo Luxury Events, toutes les incertitudes étaient là. Vont-ils venir? Va-t-il y avoir les personnes que l’on souhaite pour nos exposants ? Un doute énorme. Le temps de m’éclipser pour mettre ma robe de bal, et là, de retour au Palais de Tokyo, je découvre une file d’attente gigantesque... Je comprends que tout le monde, mes équipes, la sécurité me cherchent. Il y avait trop de monde. Déjà 1200 personnes à l’intérieur, nous avions atteint le quota de sécurité. C’était divin! Au-delà de toutes nos espérances. J’ai aussi en tête les visites non organisées de François-Henri Pinault, Philippe Starck et Vincent Cassel lors de l’événement 2012 à la Cité de la Mode et du Design. Et, moins drôle, l’annulation de notre événement deux mois avant sa tenue suite aux attentats de 2015 et les conséquences économiques difficiles qui ont suivi... J’ai mille histoires mais ça serait bien trop long.

Pourquoi le luxe doit-il réfléchir autrement? Et surtout le peut-il?
Le luxe réfléchit déjà autrement et pour certains acteurs depuis longtemps. Seulement, s’engager dans un développement durable est très complexe et les solutions ne sont pas toujours disponibles ou parfois elles sont extrêmement coûteuses.Cela prend un temps fou. Les choses s’accélèrent dernièrement parce que la pression des consommateurs est prégnante. Tout pousse à croire que la nouvelle génération ne consommera plus de marques qui ne sont pas respectueuses de l‘homme et de l’environnement. Le luxe a plus que n’importe quelle autre industrie la possibilité et le devoir de participer à la transition. Premièrement, parce qu’il a les marges nécessaires qui lui permette de choisir de nouvelles alternatives, et deuxièmement parce que sa visibilité est si grande et si désirable qu’il se doit, pour continuer de susciter le désir, de se montrer à la pointe des sujets qui animent aujourd’hui le monde et les consommateurs. Le luxe a un rôle d’exemple, de leader.

Comment susciter le désir dans notre monde en mutation? À quoi ressemble l’entreprise moderne?

Au XXIe siècle, le rêve est ailleurs. Dans la notion d’universalité, d’éthique, de responsabilité, d’émotion. L’absence de culpabilité et la sensibilisation par le beau sont les leviers de notre approche différente du développement durable. Et c’est ce que nous conseillons aux marques. Pour susciter le désir dans un monde en mutation, animé par une société en quête de sens, les entreprises modernes ont besoin d’exprimer leurs engagements en faveur du développement durable, de communiquer les émotions, l’empathie et la compréhension, en toute transparence afin d’engager le consommateur. L’entreprise éthique devient une entreprise à succès.

À quoi va ressembler l’édition 2020 de la Biennale 1.618?
La transparence sera le fil rouge d’une scénographie hybride. Nous circulerons dans cinq espaces d’exception intitulés : Le Beau Marché, l’espace Sourcing et Solutions, l’Exposition d’Art Contemporain, l’espace On my Way et l’auditorium de 250 places avec tables rondes, débats et interventions.

Quels seront les invités?

JEM Jewelry Ethically Minded, NOMA, WaterRower, Caralarga, Dr Hauschka, Valentine Gauthier, Parsua, Ride Cake, Authentic Material, Forweavers, Future Fabrics, Spiber, Sericyne, Maison Ruinart, Volvo, Osklen...

 

Ajout : la biennale a été reporte du 4 au 6 décembre 

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