En 2017, suer, c'est chic
“Du point de vue sexuel, l’odorat est le sens le plus important après le toucher”, peut-on lire dans la revue pour adultes Union en juillet 1979, sous une illustration montrant un sportif après l’effort, une donzelle en pâmoison à ses côtés. Quelques décennies plus tard, internet s’est affolé pour savoir si Halle Berry était encore sexy, une fois ses aisselles auréolées révélées sur les tapis rouges. Sûrement oui, pour les hygrophiles – du grec hugros (humide) et philos (ami) –, les amateurs de sécrétions corporelles, dont la préférence est classifiée comme une paraphilie et citée dans Les Cent Vingt Journées de Sodome, du marquis de Sade. Le fétichiste éprouvant un délice particulier lié à un élément très spécifique, rien d’étonnant à ce que ce déclic se produise à l’échelle moléculaire. Mais si le sel qui attire le salophile est un composé aiguisant les papilles de nombre d’espèces, ce sont sans doute les phéromones qui rendent la sueur si attrayante pour l’olfactophile. Produite par les glandes sudoripares associées à chaque poil du corps, la sueur est plus qu’une carte d’identité, c’est un état des lieux : compatibilité pour la reproduction (grâce à l’androstadiénone, dérivée de la testostérone), santé mais également état mental. Sueurs froides ou impossibilité de sentir l’autre, au propre comme au guré, déclenchent l’alerte. Dans Le Parfum, de Patrick Süskind, Jean-Baptiste Grenouille est tout aussi monstrueux par son inexistence olfactive que par ses actes. Expression de notre animalité, la sueur est mal vue car elle raconte un état précivilisé auquel nous tentons d’échapper. Rappelant à même la peau que le processus
de séparation restera longtemps inachevé (tant que nous habiterons un corps), elle dérange autant qu’elle attire.
Auteure Lily Templeton
Photographe Ecoute Chérie
Styliste Jérôme André
