Le meilleur restaurant de Suède ? C’est Petri !
A Stockholm, l’on a retrouvé cet été l’immense chef Petter Nilsson. Avec bonheur et émotions.
« Un cuisinier : c’est un homme capable d’inventer ce que l’on n’a pas mangé chez les autres. » jugeait Alexandre Grimod de la Reynière, avocat, journaliste, restaurateur et essayiste. On a beau chercher, difficile de trouver formule plus juste pour désigner ce que l’on attend d’une table, aux aspirations respectablement modestes ou visant à accrocher quelques étoiles à sa porte. A La Gazzetta, dans le 12ème arrondissement, Petter Nilsson animait une des tables parisiennes les plus vibrantes - aux assiettes sensuelles, finement dessinées, imaginées avec cœur et vista, anticipant des enjeux contemporains (saisonnalité, locavorisme, etc.) qui aujourd’hui sont la norme (en tout cas dans les discours…) de Paris à Copenhague en passant par Londres ou Venise - à ses côtés, Simone Tondo fera bientôt la joie du Passage des Panoramas, avec son Racines. Après dix ans à ses pianos parisiens, Nilsson prit le large pour regagner son pays natal. Peu avant le premier confinement, après avoir assuré la restauration au sein du musée Spritmuseum, il ouvre Petri, en 2020. Comment raconter un repas ? En décrivant les plats, les ingrédients, le cadre, la vie de la salle ? Sa lumière ? Les arts de la table ? Inséparables, ces éléments composent ensemble la partition du repas, comme autant d’instruments, sous la direction moins d’une brigade que d’un chef d’orchestre, dirigeant les mouvements du repas, ses silences, ses notes déliées, ses envolées. Le menu n’étant pas figé, assurons juste que l’on y retrouvera ce qui nous a ébloui : le sens des contrastes, jamais agressifs, mais éclairant l’assiette (courgettes brûlées et crevettes crues, par exemple), le génie de la sauce - celle enlaçant un poisson d’une étreinte forestière, ardente, soyeuse -, l’humilité de la simplicité - des pâtes aux fèves, poutargue et pain brûlé -, un brillant « tartare bidon », de pastèque grillée, marinée au miso, noisettes torréfiées et tagète et un final ne faisant pas de détour pour foncer au cœur du plaisir, avec un baba cardamome démoniaque…De la gourmandise sans ellipse, expressive, à la profondeur de champ enivrante, en couleurs et en reliefs, brillamment composée, au plus près des produits, mais leur faisant l’honneur de les cuisiner, les cuisiner vraiment, ce geste essentiel pour les faire parler, chanter, danser, au lieu de laisser échoués, démunis, dans une assiette inhospitalière. Toute cette beauté n’est certes pas donnée, à la note proche des additions de tables étoilées parisiennes, pourvu qu’on laisse le cœur vagabonder dans un livre de cave époustouflant - à quoi s’ajoutent des tarifications très scandinaves du vin -, mais c’est sans (trop) de scrupules que l’on quitte, plus léger de quelques centaines de couronnes (la devise, les dents se portant admirablement), un lieu à l’infinie délicatesse.
Kommendörsgatan 16 Stockholm.
Informations et réservations : https://petrirestaurant.com/