Pourquoi la London Fashion Week restera toujours une (énorme) fête
Première étape du fashion month masculin, la semaine de la mode londonienne n'en est pas moins la plus haute en couleur. Héritière d'une longue tradition punk, mais aussi d'un patrimoine tailormade hors du commun, la mode britannique peut se targuer de faire valoir sa suprématie de la plus petite boutique vintage de Camden au plus éminent tailleur de Savile Row. Vivienne Westwood, Paul Smith, Alexander McQueen ou Alfred Dunhill y ont forgé le mythe d'un homme à l'armure aussi hybride que visuellement forte, engrenant ainsi une nouvelle génération qui, suivant les codes de la vague alpha selon leurs propres règles, réinventent peu à peu le paysage textile masculin outre-Manche. Leur point commun ? Le sens du spectacle, de la fête, cette joie de vivre qui transparaît dans le set-up du défilé jusqu'à la plus petite broderie que l'on remarquerait à peine lorsque le vêtement est en mouvement. Pour l'automne-hiver 2018/19, c'est l'anticonventionnel qui domine le jeu, et innonde la Toile de ses joyeux artifices. Retour sur les 3 shows qui prouvent que Londres est et restera une fête éternelle.
Sans conteste le défilé le plus barré des trois jours de festivités, le podium de Charles Jeffrey Loverboy (qui n'est autre que le DJ le plus connu de la scène nocturne gay de la capitale) perpétue la tradition de l'humour à la British avec une certaine dose de burlesque trashy. Après une dizaine de minutes consacrées à une véritable performance artistique digne de la Nuit des Morts Vivants de George A. Romero, c'est un line-up de pièces au dynamisme sans précédent qui s'enchaîne, brouillant ainsi les pistes entre masculin, féminin, tailoring, sportswear, costume, déguisement, drag-queen et banquier de la City. Une mise en scène qui n'est pas sans rappeler les spectacles déjantés du club ultra-privé The Box, et les meilleures séquences des Monty Python.
Incubateur de talents fondé par Topman (et donc le protecteur de la mode britannique, Sir Philipp Green), MAN présente chaque saison les collections de trois designers à suivre de très près. Cette saison, Rottingdean Bazaar, le duo excentrique formé par James Theseus Buke et Luke Brooks offrait un aperçu ludique et absolument décalé du vêtement fonctionnel, intégrant aux silhouettes des accessoires du quotidien jamais encore aperçus sur un podium. Du post-it à la cible pour jeu de fléchettes, des miroirs à la planche de fromages, rien n'échappe au regard acéré et acerbe de l'un des tandems les plus cools de la saison. Autre figure notable du show, le collectif Art School, qui fait défiler un casting entier composé de transsexuels vêtus de bodies, t-shirts en résille à strass, logos tapageurs et une bonne dose de make-up. Ce qui n'est pas sans rappeler les grandes années du Blitz Club, et opère surtout un appel à l'acceptation des différences.
Plus discret mais tout aussi rave-friendly que ses exhubérents condisciples, Kiko Kostadinov orchestre chaque saison un show au flegme minimal maîtrisé, truffé de références aux party-boys des années 90. L'automne-hiver 18-19 ne déroge pas à la règle puisque c'est une ode aux fluokids et autres personnages fêtards addicts au gros boom-boom techno que le créateur insuffle. Le nylon clame son autorité suprême tandis que les justaucorps bleu incandescent donnent la réplique aux perruques blondes à la Elvis s'il avait été habitué au bar du Dalston Superstar. Plus normcore mais tout aussi inspirée, la caution hype de la marque éponyme du directeur artistique de Mackintosh n'est plus à prouver.