Comment Converse est passé du rock au street
Rien n’est trop beau pour une tennis. Rien, pas même un immeuble en briques rouges de cinq niveaux, booké pour soixante-douze heures, et avec lui une belle poignée d’influenceurs et de fleurons de la scène rap, hip-hop et R’n’B, dont Princess Nokia, IAMDDB, Yung Lean… Leo Mandella aka Gully Guy Leo, 599k de followers au compteur, est la preuve vivante que le pouvoir (en mode) va désormais aux moins de 16 ans. Suivi par Virgil Abloh et Tyler, the Creator notamment, ce natif du Warwickshire, pape du streetstyle consacré avant même sa majorité, a pris ses quartiers du jour dans la Cotton Candy Room, soit 30 mètres carrés de néons rose Barbie, de miroirs et de barbe à papa. Mandella n’étrenne pas une énième paire de sneakers bioniques signée d’équipementiers dont on taira les noms, mais une paire flambant neuve de One Star en daim rose bonbon, semellées de blasons Orange mécanique. Un détail ? Bien sûr que non. Jadis rock’n’roll, punk, parfois grunge, la première et grande rivale de la Chuck Taylor a su aller où va le vent… sans pour autant se renier : “Le streetwear puise ses racines dans la street culture et par extension dans les contre-cultures”, explique ainsi le DJ londonien Acyde, lors d’un débat dans les sous-sols avec Mimi Wade, géniale ancienne de la Central Saint Martins, et Grace Ladoja, photographe et réalisatrice.
Loin de cliver, le street fait donc graviter les genres, les styles et les époques. Rappeurs, DJs, créateurs de mode, cinéastes : leur crédit dans la sphère (pop) culturelle et leur toute-puissance auprès des millennials comme de la génération Z s’expliquent par leur aptitude au syncrétisme. Pilier de la team Supreme et cofondatrice du collectif MadeMe, la New-Yorkaise Erin Magee l’a bien compris. Un petit enfant dans les bras (issu de son mariage avec la DJ Nicole Albino), Magee rejoue Le Mystère de la chambre jaune en carré court blond platine et salopette Supreme. Au mur : une accumulation-compression à la Rauschenberg de Barbie, Bratz et poupons Corolle, un poster de smileys sur fond noir, un téléviseur cerclé de fausse fourrure poussin… sans oublier la paire de One Star en velours côtelé jaune et semelle blanche XXL cosignée par la jeune femme et sa bande. Le modèle se veut ultra vintage, comme tout droit sorti d’une décennie où skaters et chefs de file du Riot grrrl se la disputaient. Autre invité du One Star Hotel, le rappeur américain A$AP Nast y va aussi de sa sneaker, un cas d’école non moins hipster inspiré des années 50, mise en vente
il y a quelques mois, écoulée en quelques secondes et rééditée pour l’occasion. Loin, très loin de la simple chaussure de sport.