Femmes

Elena Cavagnara : "j’aime être très apprêtée et souvent beaucoup trop pour l’occasion"

Elena Cavagnara, codirectrice de l’agence Bomba.love, appartient à cette génération pour qui le talent, le tempérament et l’amitié ne font qu’un. Rencontre avec une fille de style.

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Photographie Pierre-Ange Carlotti

Stylisme Kenzia Bengel de Vaulx

L’OFFICIEL : êtes-vous devenue agent par passion pour la mode ?
Elena Cavagnara : Oui. Ayant grandi dans un petit village corse, ce milieu me semblait inaccessible. J’ai fait des études de langues à l’université d’Aix-en-Provence, une licence LEA anglais et russe, je voulais faire de la traduction, et c’est en venant à Paris rendre visite à mon ami d’enfance, le photographe Pierre-Ange Carlotti, que ma vie a été bouleversée. J’ai rencontré le créateur Simons Jac- quemus qui m’a proposé de me shooter pour sa campagne Les filles en blanc. J’y suis allée, et quelques mois plus tard il m’a demandé de défiler pour son show La maison. De là a suivi une collaboration. J’ai aidé sur les shows et lors des showrooms, et ça a été le début de notre amitié. Je ne suis jamais retournée à Aix pour faire mon mas- ter. Je n’étais pas trop sûre de ce qui m’attendait mais j’ai compris que je devais foncer tête baissée. J’ai rencontré des gens fascinants. J’ai été mannequin cabine pour Acne Studios, pour leur showroom entre Paris et Tokyo, j’ai assisté la styliste Lotta Volkova pendant trois ans, et j’ai enchaîné pleins de jobs différents, du casting à la production. J’ai continué à aider Pierre-Ange sur ses expositions, et quand celui-ci est entré à l’agence de talents Total Management, il m’a proposé de rencontrer le fondateur, Justinian Kfoury, et lui m’a invitée à rejoindre l’agence.

L’O : Que faisiez-vous chez Total Management ?
EC : Je suis arrivée en renfort pour la production et le casting, puis je suis devenue agent assez rapidement. J’ai commencé avec les coif- feurs et maquilleurs, puis les stylistes, et enfin les photographes. J’y suis restée trois ans. Jusqu’au jour où on m’a proposé de monter ma propre agence avec une liberté quasi totale. Avec mon associée, Flore-Adèle Gau, on a donc lancé Bomba.love en mars 2021. Nous sommes absolument complémentaires. Flora gère la partie visuelle. Elle est l’œil de l’agence. Évidemment on fait tout de concert, mais c’est elle qui a développé l’image, le site, les réseaux sociaux, l’iden- tité visuelle, et veille à ce que tout cela reste cohérent.

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L’O : Quel est le concept de votre agence ?

EC : Flora et moi avions toutes les deux travaillé dans des agences et on avait envie construire celle-ci à notre image. Le nom Bomba. love fait sourire, c’est notre petit clin d’œil au fait que nous sommes des filles du Sud.

L’O : Vous représentez des photographes, des stylistes, des directeurs créatifs...
EC : Nous représentons quatre photographes : Inès Manai, Marc Asekhame, Melissa de Araujo et Fausto Elizalde. Une styliste : Morgane Nicolas. Une maquilleuse : Hélène Vasnier. Une directrice artistique : Alice Gavin. Un set designer : Christian Feltham. Le design floral est aussi de la partie avec Beaude Studio.

L’O : Et vous avez décidé de les représenter sur quels critères ?
EC : Flora passe beaucoup de temps à repérer des talents, c’est une chercheuse d’or dans l’âme. Plusieurs d’entre eux n’avaient pas d’agence avant d’arriver chez nous. Le premier critère est l’image, il faut que le travail de l’artiste nous touche, pour que l’on puisse réussir à avoir une vision commune. Le second critère relève davantage du relationnel. Est-ce que l’on arrive à établir une relation de confiance, et partage-t-on les mêmes valeurs ? Tous sont différents. Nous ne voulons surtout pas de talents interchangeables.

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L’O : Quelle est votre stratégie en matière de talents ?
EC : Notre seule stratégie est d’aider chacun de nos artistes à développer son esthétique. Tous ont déjà une identité visuelle propre et nous les aidons à la développer. On essaie également de les accompagner dans la réalisation de leurs projets personnels, que ce soit un livre, une exposition ou une collaboration avec d’autres artistes. Cela compte beaucoup pour nous d’être impliquées dans cette par- tie de leur travail, au-delà de la partie commerciale. Travailler avec des talents, c’est une histoire de cas par cas. Certains arrivent avec une liste de marques et de magazines avec lesquels ils ont envie de travailler. D’autres veulent qu’on soit à leur écoute sur leurs travaux personnels et ont besoin d’échanger avec nous pour se projeter.

L’O : Existe-t-il certains traits de caractère chez un artiste que vous jugez importants pour qu’il puisse construire une véritable carrière?
EC : Il n’y a pas de traits de caractère en particulier, c’est plus une histoire de passion, de détermination, et surtout de courage à se lancer, avec parfois même la naïveté de croire en ses rêves. Sans un peu d’insouciance et d’audace, il est toujours difficile d’avancer.

L’O : Certains pensent que la mode est le reflet de la société. Comment la percevez-vous actuellement?
EC : Je ne pense pas que l’on puisse vraiment dire que la mode est le reflet de la société. Ça reste un milieu qui peut être assez cloisonné sous certains aspects. Même s’il est vrai qu’il est impacté par les phénomènes de société, et que c’est une plate-forme extraordinaire pour prendre la parole. Pour ma part, la prise de parole se fait dans la représentation des femmes photographes, souvent sous-repré- sentées dans le milieu. De manière générale, j’aimerais essayer de donner la parole aux femmes à travers leur travail.

L’O : Comment le digital a changé la façon de travailler des artistes ?
EC : On est dans une ère du digital où la production et la consomma- tion d’images est hyper rapide. La demande de contenu est conti- nue tout au long de l’année. Ça a aussi facilité l’accès aux images des talents, qui peuvent être mises en vitrine grâce à Instagram. Bien sûr, il y a une grande différence entre un bon instagramer et un bon photographe. Notre travail consiste à approfondir la recherche.

L’O : Fun et sexy, à l’image de votre agence, parlez-nous de votre style, vous qui portez la minijupe comme personne...
EC : Disons que j’aime être très apprêtée et souvent beaucoup trop pour l’occasion. Je trouve l’idée de dénoter plutôt séduisante. J’adore aller au bureau en talons aiguilles, en full look blanc ou rose, perchée sur mon vélo blanc qui brille. Un poil “too much” mais c’est ma signature. Et oui, je suis souvent en jupe très courte et un peu trop moulante, overdressed, un peu cagole sur les bords.

L’O : Ce nom, Bomba.love, qui fait un peu Minitel rose, c’est vous qui l’avez choisi?
EC : On est vraiment très fières de cette trouvaille ! Ça a commencé comme une blague, et c’est devenu une évidence ! Le côté Minitel rose nous a évidemment beaucou plu.

L’O : On vous croise aussi bien au bras de Simon Jacquemus que de Nicolas di Felice, les créateurs sont vos amis, formez-vous une team ? Et qui en fait partie ?
EC : Le milieu de la mode à Paris est un petit milieu, et j’ai été amenée au fil des années à me rapprocher de certains créateurs dont j’admire le travail. Simon a été l’une des premières personnes que j’ai rencontrées à Paris, il y a dix ans. Son parcours m’a beaucoup inspirée. J’aime être inspirée par les gens que j’aime, comme mon amie Emma Reynaud, la créatrice de la marque Marcia, avec laquelle je collabore. Je me sens en parfaite adéquation avec son esthétique et les valeurs portées par cette marque ultra féminine et éthique. J’ai aussi été particulièrement heureuse de l’arrivée de Nicolas di Felice chez Courrèges, ma marque de référence, qu’il a su ramener à la vie avec brio. De manière générale, je me sens infiniment chanceuse de pouvoir partager mon quotidien et travailler avec des gens aussi merveilleux et talentueux. Nous sommes assez solidaires. On s’inspire mutuellement et cela fait du bien de se sentir épaulé.

L’O : Vous êtes un oiseau de nuit, pourquoi la nuit vous attire tant ?

EC : J’aime danser !!!

L’O : Quelle est la musique qui vous fait partir au quart de tour ?
EC : Un bon vieux Gala avec Freed from Desire, ça fait toujours le job.

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