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Dans l'univers de l'artiste espagnole Lorena Infantes Prada, alias Lorena Prain

Avec ses peintures qui flirtent avec le surréalisme, l’artiste espagnole Lorena Infantes Prada, alias Lorena Prain, prouve que l’époque est propice à dégommer les a priori du milieu de l’art, souvent trop enclin à mettre ses artistes dans des cases.
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De Madrid à Montréal en passant par Londres et Paris, Lorena Infantes Prada, née en 1990, a déjà accompli un bon bout de chemin. Patronyme oblige, on est vite tenté d’associer cette peintre madrilène au milieu de la mode, et si l’on ne se ait qu’à son compte instagram (et au fait qu’elle a récemment défilé pour Vetements), on lui collerait bien vite l’étiquette “artiste underground” sur la peau. Mais ce serait trop réducteur : les apparences sont trompeuses. C’est justement ce qui intéresse Lorena Prain (son nom d’artiste), actuellement basée à Mexico, où elle prépare sa prochaine exposition. “Je suis attirée par ce que l’on ignore, ce qui ne se voit pas“, explique-t-elle. Ses peintures plongent dans un monde étrange peuplé d’animaux déconcertants, de corps de femmes nues et de natures mortes façon vanités contemporaines. On peut y lire une certaine ironie, ou une profonde mélancolie qui rappelle parfois les humeurs changeantes de l’adolescence. Et un penchant certain pour les chiens hypnotiques.

Quelle Movida ?

Lorena Prain pourrait s’inscrire dans cette jeune mouvance culturelle espagnole que l’on appelle néo-Movida, en référence au grand mouvement culturel de l’Espagne des années 1980, celui de la transition démocratique après la dictature de Franco, dont Pedro Almodovar était l’une des têtes de file. Elle dit d’ailleurs aimer le amenco et le cinéma surréaliste, des disciplines ancrées dans la culture de son pays. Mais ne lui parlez pas de Movida, elle n’y croit tout simplement pas. “Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un phénomène nouveau, analyse-t-elle. Le fait de souffrir d’une crise économique et politique donne plus de mouvement et de force à la création, mais en vérité l’Espagne a toujours été un berceau de talents. De temps en temps, la presse donne des noms à des mouvements pour idéaliser les jeunes, comme elle l’a fait avec la Movida. En réalité, on commence tout juste à trouver notre place. J’aimerais croire que c’est un mouvement culturel dans lequel on se soutient tous, mais ce n’est pas le cas.” Un avis bien tranché. On détecte chez Lorena Infantes

Prada une volonté sincère de s’éloigner des discours formatés, qu’ils soient portés par la presse ou par le marché de l’art. Elle semble d’ailleurs plus déterminée à explorer la dimension libératrice de la peinture qu’à draguer les nouvelles têtes influentes de ce milieu. “J’ai la chance de rencontrer des curateurs qui sont plus enthousiasmés par l’art que par le business. Mais je me concentre surtout sur le fait d’expérimenter et de grandir dans mon travail, je me préoccupe peu du marché.”

La peinture comme libération

À l’huile ou à l’acrylique, sur toile, sur bois ou sur papier... peu lui importe, tant qu’elle peint. La jeune artiste pratique depuis son plus jeune âge, et elle affirme que c’est la seule chose qu’elle aime sincèrement faire, tout simplement car elle la fait se sentir libre. “En 2009, j’ai commencé à travailler comme illustratrice pour des magazines et des marques de vêtements. En parallèle, j’enseignais l’illustration dans une école de design. Mais la peinture m’a toujours davantage intéressée, je préfère la liberté de style et de thématique qu’elle autorise.” Elle s’y consacre désormais à temps plein, laissant son style évoluer au fil des expériences, sans processus créatif cadré. Être une artiste émergente à l’ère d’Internet et des réseaux sociaux a également du bon. Les réseaux ont permis à Lorena Infantes Prada de se faire connaître. “Internet casse les barrières académiques et facilite les interactions, assure-t-elle. Sans lui, il serait très difficile pour quelqu’un comme moi de vivre de son art. Tout évolue vers une culture plus diversifiée, plus ouverte d’esprit et un peu moins régie par le système de classes.”En mêlant les techniques de peinture traditionnelle à des références à l’imagerie digitale, Lorena Prain produit des œuvres puissantes qui, volontairement ou non, reflètent une génération d’artistes soucieux de s’affranchir des étiquettes.

 

Ci-dessus, Inner, de Lorena Prain, 2017.

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