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Travis Scott, de Houston à Astroworld

À 26 ans, le rappeur que tout le monde s'arrache affiche un planning plus que chargé. À commencer par sa tournée, Astroworld: Wish You Were Here, dont il reste une dizaine de dates américaines à embraser d'ici la fin de l'année. Icône du rap et de la mode, visage de la nouvelle campagne Saint Laurent, il prouve être le plus cool des daddy's pour sa fille Stormi. Rencontre.
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Photographie par : Amanda Charchian
Stylisme par : Andrew Mukamal

Il est là, grand, souriant, confiant devant des millions de téléspectateurs, à l'aise face aux humoristes du Saturday Night Live, l'émission culte synonyme de réussite et d'hyper-popularité aux États-Unis. Il succéde à l'invité phare de la semaine précédente, un certain Kanye West

Le sempiternel rêve américain compte un nouveau protagoniste : suivi par 13 millions de followers sur Instagram, Travis Scott squattait il y a quelques années encore le canapé d'un ami, faute de pouvoir s'offrir un loyer. Il est désormais considéré comme l'un des rappeurs les plus importants de sa génération, collectionnant les disques de platine et filant le parfait amour avec Kylie Jenner.

Et pourtant, avant d'en arriver là, l'artiste aurait facilement pu baisser les bras : "Je restais ferme sur mon idée ; peu importe à combien de reprises celle-ci fut mise en doute. Je suis resté determiné jusqu'à ce que mon heure arrive," confie-t-il. Élevé à Houston par des parents mélomanes issus de la classe moyenne, c'est eux qui lui transmettent le goût de la musique dès le plus jeune âge : "Mon père écoutait beaucoup Parliament et Curtis Mayfield, ce qui m'a forcément sensibilisé à la soul et à la funk." Malgré leur amour pour la musique, ses parents n'étaient pas particulièrement heureux de constater que Travis avait quitté l'université pour s'y consacrer pleinement, d'où leur décision de ne plus soutenir leur fils financièrement. C'était sans compter l'intervention du rappeur TI, qui, après avoir écouté la base de "Lights (Love Sick)" a décidé de contacter l'individu qui l'avait produite : c'est ainsi que Travis Scott est devenu membre de son label, au début en tant que producteur, plus tard en tant que rappeur.

En plus d'écrire ses propres paroles, Travis participe à la réalisation de chaque aspect de ses chansons. Il s'inspire de sa ville, Houston, et témoigne d'un respect presque religieux pour les rappeurs et les producteurs qui l'ont précédé, à commencer par DJ Screw, expliquant que "les sons qu'ils ont créés à cette époque perdurent et sont encore identifiables dans la musique d'aujourd'hui. C'est ça qui est dingue." Récemment, il a collaboré avec Juicy J, une autre légende locale, réalisant le pari de diffuser le son de leur ville à travers les États-Unis. Une collaboration réussie puisqu'elle leur a valu un Oscar pour la bande originale de Hustle & Flow ; "Juicy, c'est le patron, une personne fantastique. Il m’a toujours poussé à faire mes trucs, c'est une véritable légende." confie Travis.

Le respect des anciens, à ceux qui ont contribué à la culture, est une valeur fondamentale du hip-hop. Il est naturel de se demander si la jeune génération a gardé cette même énergie créative à Houston ; "En ce moment, il y a ce gamin, Don Toliver, qui crée quelque chose de complètement nouveau, c'est incroyable", répond Travis, confirmant ainsi que la tradition du micro continue de passer de rappeur en rappeur, au sein d'une ville à l'influence indéniable sur le rap d'aujourd'hui. Ce qui nous amène à parler du troisième album de l'artiste, Astroworld. Le titre s'inspire du nom d'un parc d'attractions de Houston qui a cessé ses activités en 2005, "Astroworld représentait beaucoup pour moi, c'était un lieu de divertissement unique. Quand ils l'ont démoli, ce fut comme s'ils avaient pris l'une de mes plus grandes inspirations". Astroworld est ce que My Beautiful Dark Twisted Memories de Kanye West fut à l'époque de sa sortie, en 2010 — un chef-d'œuvre créatif, non conventionnel, porté par une attention aux détails sans précédent et la vision singulière de ses producteurs.

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Débardeur en coton Alexander Wang, jean en denim Chan Chit Lo, sous-vêtement Supreme, ceinture Chrome Hearts et plaque d'identité en cuir Prada.

Je demande à l'intéressé si la comparaison avec My Beautiful Dark Twisted Memories est juste. "Wow c'est vraiment intéressant comme parallèle, j'ai toujours pensé que cet album avait poussé le rap là où jamais il n'était arrivé. Depuis le début de ma carrière j'ai eu l'ambition de faire de même", répond-il. Le visuel de l'album, signé David LaChapelle, est lui aussi une petite œuvre d'art : "Ses photos m'ont toujours inspiré, [David LaChapelle] m'a toujours donné le sentiment qu'il pouvait fusionner différents mondes: je l'ai donc contacté, on s'est assis pendant un moment pour discuter et donner vie au concept".

La mode inspire évidemment Travis, et il le lui rend bien. Parmi les personnes qui influencent sa façon de s’habiller, il répond par des noms pour le moins étonnants : "Shia LaBeouf, Kid Cudi, Robbie Williams et Ryan Gosling".

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Cette passion pour la mode se reflète également dans les produits dérivés officiels de la tournée, co-créés avec son partenaire Corey : "Pour moi, tout ça n'est qu'une extension de ma musique". Le génie réside non seulement dans le design, mais aussi dans la manière de vendre : les articles sont commercialisés sous la forme de drops, rendus disponibles à des heures précises et pour un temps limité, un modèle qui rappelle le concept ultra-médiatisé des collections capsules. En octobre, alors que la tournée "Astroworld: Wish You Were Here" débutait tout juste, Travis annonçait la couleur à ses fans : "Attendez-vous à vivre les nuits les plus folles de votre vie. Vous allez faire partie d'une expérience unique".

C'est donc une année 2018 riche en évènements qui s'achève pour le rappeur, une année rythmée par une tournée à guichets fermés et marquée par la naissance de sa fille Stormi, fruit de sa relation avec Kylie Jenner. Impossible pour nous de ne pas lui demander si l’arrivée de Stormi a eu une quelconque influence sur son dernier album : "Absolument. C'est elle qui m'a donné autant de charge de travail."

Grooming : Tsuki - Streeters
Décors : Bryn Bowen - Streeters
Assistants photographes : Dylan Tatem Gordon, Cory Osborne
Assistantes stylistes : Jennifer De La Cruz, Nadia Beeman, Fiona Park
Assistants décorateurs : Ashton Leech, Thomas Anderson
Production : Ilona Klaver - Fox & Leopard

Traduit par : Caroline Mas

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