Luc Reversade, fondateur de la Folie Douce : « la folie a toujours été dans mon ADN»
Lui est en Savoie. Nous, à Paris. C’est donc au téléphone que nous discutons avec Luc Reversade, fondateur de la Folie Douce. Homme d’affaires visionnaire, c’est lui qui, dans les années 1970, a développé le concept de piste de danse sur les pistes de ski ou de « cuisine musicale » comme il préfère qu’on caractérise les lieux qu’il possède. Nous avons fait le bilan, à mi-parcours, de la saison d’hiver, et évoqué ses projets, en Amérique notamment.
Comment vous êtes-vous installé en Savoie ?
En 1964, je suis arrivé à Autrans dans le Vercors, où j’ai géré deux petits hôtels. Après les Jeux Olympiques de 1968, la neige s’est faite plus rare dans la région, en raison du réchauffement de la planète. J’étais déjà dans les milieux hôteliers et j’y avais passé mon diplôme de moniteur de ski.
Un ami avec qui je faisais de la plongée en Israël m’a alors un trouvé un hôtel à Val d’Isère, l’hôtel des Crètes Blanches, que j’ai eu en gérance. L’hôtel a rencontré un grand succès. Trop, peut-être, en ce que le propriétaire des murs de l’hôtel a voulu tripler le loyer. J’ai alors monté ma propre affaire, en achetant le refuge des Tommeuses. Il n’y avait ni eau, ni toilettes, et une petite cuisine avec les tables à côté de la cuisine, et le refuge était particulièrement exigu.
Ma mère venait alors de prendre sa retraite et elle s’est mise à la cuisine. J’ai toujours été ambitieux et il a été important pour moi, le seul de ma fratrie à n’avoir pas fait de bonnes études, de monter ma propre affaire. Ça m’a réussi.
À quel moment l’idée a émergé chez vous l’idée de boîte de nuit sur les pistes ?
Je n’aime pas ce mot. Je déteste les boîtes de nuit. Je suis un oiseau de jour, pas un oiseau de nuit. J’ai travaillé dans les boîtes de nuit à Royan. Qu’est-ce que j’étais content de ne me plus me coucher à huit heures du matin avec la Folie Douce. On a vraiment une direction créative, et on diversifie nos activités. La Folie Douce, c’est un cabaret dansant, dans l’esprit du cirque du soleil, avec des drag-queens. On a aussi un projet, à Val d’Isère : l’organisation d’activités ludiques pour les enfants.
Quel mot utiliser alors ?
Pourquoi pas la cuisine musicale ?
Comment avez-vous choisi le nom de la Folie Douce ?
En parallèle de mes activités de gestionnaire de l’hôtel des Crètes Blanches, à la fin des années 1960, j’ai ouvert un restaurant étoilé au Michelin, la Petite Folie. Le maire m’avait demandé de le raser. Je suis alors monté là-haut, au refuge des Tommeuses. Je ne pouvais pas appeler mon restaurant La petite folie, car c’était un restaurant gastronomique. Il n’y avait même pas l’eau courante dans le refuge. J’ai donc choisi la Folie Douce. La folie a toujours été dans mon ADN. Tous mes copains m’ont toujours appelé « le fou furieux ». Et à 76 ans, je ne me suis jamais vraiment assagi.
Quel bilan tirez-vous de la saison d’hiver 2024-2025 ?
Toutes les stations dont l’altitude est supérieure à 1800 mètres ont un succès de plus en plus important car l’enneigement, en-dessous, dure seulement un à deux mois. On a donc fait une très bonne saison à Val d’Isère, Val-Thorens… à cause de la neige.
Avez-vous cherché à exporter le modèle de la Folie Douce à l’étranger ?
Notre modèle est familial et on n’a jamais vraiment cherché à se développer à tout va. Cependant, aujourd’hui, on est vraiment mûrs pour se développer. On veut réussir tout ce qu’on entreprend. Pour cette raison, on avance plus doucement que les autres. On a été très sollicité par le Moyen-Orient, Dubaï notamment. Avec mes enfants, on est quand même très montagne. Cela fait quelques années que les Américains sont venus nous voir. On a un projet très avancé dans le Montana, et on pense ouvrir d’ici deux ans dans la station de Big Sky. Aux États-Unis, tout va très vite. Une fois qu’on a commencé à développer, tout s’accélère.
Comment imaginez-vous le futur des stations de ski avec le réchauffement climatique ?
Aujourd’hui, au-dessus de 1800 mètres, on a toujours de la neige, et on ne connaît pas le phénomène de problèmes d’enneigement comme dans d’autres stations de basse altitude. Pour les stations qui n’ont pas de massifs, là, le réchauffement climatique est un problème. Nos restaurants se trouvent dans des stations où les massifs sont très élevés. Par ailleurs, j’ai bon espoir en la science. Des chercheurs chinois ont réussi à enneiger des massifs. Et on a des retenues collinaires pour fabriquer de la neige de culture. Le réchauffement climatique ne sera pas, dans nos montagnes, aussi rapide qu’on veut bien le dire.