Voiture griffée : chic ou plouc ?
Jouets hors de prix pour amateurs à gros pouvoir d’achat ou collectionneurs, les bolides cobrandés racontent la réalité d’un mercato automobile en pleine mutation. Le concept ne date pas d’hier : la première collaboration remonte à… 1956, lorsque Renault demande à Van Cleef & Arpels de dessiner le tableau de bord de la Dauphine Ondine. Le cobranding passe la surmultipliée dès 2011, avec une succession de sorties ultramédiatisées et marketées avec soin. Ce genre d’opération permet aux marques d’accroître leur notoriété respective, et de glamouriser un blason qui en a parfois bien besoin.
Hyundai, numéro 4 mondial de la construction auto, l’a bien compris et a entamé, dès 2010, deux collaborations pour tenter de faire oublier son image « lowcost ». Le géant coréen se paye ainsi les services de la papesse du style italien Miuccia Prada en 2011, via une édition très limitée de la Genesis (1 200 exemplaires). Réaction presque immédiate pour les ventes du groupe, qui enregistre une hausse de 35 % cette année-là, et plafonnent à 4 millions de véhicules vendus. Même recette pour sa collaboration tout aussi remarquée avec Hermès (baptisée Equus), qui finit d’asseoir le label coréen au rang des fabricants premium.
Mais la volonté de redorer leur image n’est pas la seule motivation des poids lourds du quatre roues. Crise mondiale oblige, le marché auto en a pris pour son grade, et doit faire face à des clients de plus en plus rares et de plus en plus exigeants. Lorsque Fiat laisse carte blanche à Frida Giannini, alors directrice artistique de Gucci, pour relooker sa 500, l’engouement est total. Au point que les 3 000 exemplaires produits sont vendus dans la foulée au prix de 17 000 € pièce contre 12 500 € pour le modèle de base. Même success story pour la Mini Cooper, lorsqu’elle revêt le bayadère Paul Smith, et devient l’emblème du savoir-faire british.
Dans les hautes sphères de la voiture, où les prix de vente avoisinent souvent celui d’un F2 dans le centre de la capitale, le concept recouvre un point de vue différent : on parlera de conceptcar. Le but n’étant pas de vendre en quantité, mais de chanter les louanges d’une fabrication exceptionnelle, le tout doublé d’une identité luxe déjà bien assise, rien que pour le plaisir des yeux. Bentley, la référence ultime des milliardaires russes et autres CEO, tape en plein dans le mille en invitant son alter ego horloger, Breitling, pour une réinterprétation très vendomesque de sa Continental Flying Spur Speed. Anobli d’un cadran siglé Breitling en plus de ses 12 cylindres et 600 chevaux sous le capot, le modèle , qui frôle les 300 000 dollars, se mue en une pièce unique qui consolide les valeurs de la maison. Le plus ? Un chrono directement dérivé pour les budgets plus modestes. Dans le même registre, c’est Maserati qui remporte la palme de la collaboration dite « bespoke », engageant la maison italienne Ermenegildo Zegna pour habiller son dernier Quattroporte, en plus d’une suitetest conçue en tandem à l’Hôtel de Paris, sur le rocher monégasque. À la manière de son concurrent british, le constructeur made in Italy et son allié style imaginent une ligne de maroquinerie de la même trempe, réservée aux heureux propriétaires du véhicule. La sauce prend, ouvrant la marque à davantage de consommateurs qui, via la bagagerie, investissent dans une part de rêve. Une stratégie efficace, qui relève autant du marketing élémentaire que du branding de génie.