Eloge de la transparence
De l’Antiquité au bannissement
Elle vient de loin, la transparence. De la nuit des temps. On imagine comme les premières dames de l’humanité, Ève, Lucy ou les autres, en ressentirent les vertiges extrêmes. Car, évidemment, véritable colonne vertébrale de cette notion : le corps. Ce qui le recouvre. Pourquoi et comment. Ce qu’on en cache, ce qu’on en montre… Sujet aussi infini que les croyances et les civilisations. Pour l’anecdote, il faut rappeler que nos lointains ancêtres vécurent des générations durant vêtus légèrement. “Les peuples les plus anciens – Assyriens, Égyptiens, Grecs et Romains – se contentent de se draper ou de s’enrouler dans un pan de tissu, fixé par une fibule” rappelle l’encyclopédie Tout sur la mode (Flammarion), préfacée par Valerie Steele, conservatrice du musée de la Mode du Fashion Institute of Technology, à New York.
Le vingtième, siècle de la lumièreMais il faut attendre le xxe siècle pour qu’il s’affranchisse de ses barrières, grâce à des créateurs qui, par des chemins divers, lui taillent toute sa place dans le dressing contemporain. Les robes de Paul Poiret, à la Belle Époque, dont les drapés laissaient transparaître un corps féminin libéré de son corset, ouvrent la voie. “Avec la technique fondamentale de la mode qu’est le drapé, plus ancienne que les techniques de coupe contemporaines, les jeux de transparence (re)deviennent très importants”, rappelle Frédéric Godart, sociologue de la mode. L’Art nouveau, et son esthétique se déclinant en vitraux, ainsi que la vogue de l’orientalisme, en visitent de nouveaux pans. Puis les années 1920, Années folles, lui laissent libre cours, dans les music-halls, à coups de robes déshabillées avec extravagance, mais aussi, de façon plus portable, chez une Jeanne Lanvin, qui aime à jouer sur les contrastes opacité/transparence.