Qui veut sauver le cinéma italien ?
Tous sont italiens, certes, mais ce n’est pas la réponse. Ces trois génies du cinéma ont eu une de leurs œuvres majeures (Le Guépard, La Dolce Vita et Il était une fois en Amérique) restaurées par The Film Foundation dirigée par le passionné réalisateur Martin Scorsese, qui s’est allié à la maison Gucci dans son minutieux travail. Dix films ont ainsi retrouvé une nouvelle jeunesse et un second souffle (Une femme sous influence, de John Cassavetes, Wanda, de Barbara Loden...). “Gucci mérite notre plus profonde gratitude pour son engagement dans la restauration de ces œuvres”, saluait un Scorsese hautement satisfait en 2010. Restauré, Le Guépard fut ainsi présenté lors du 63e Festival de Cannes. À eux seuls, le Visconti et le Fellini demandèrent quelque 900 000 dollars de frais de restauration à l’éminente marque de luxe florentine. Un lifting de grande très classe.
À l’époque directrice artistique de Gucci, la remarquable Frida Giannini expliquaitque l’attachement de la maison pour le 7e art était “une longue histoire née dès la fin des années 40”. Avant d’ajouter: “C’est une fierté pour Gucci de garder ces films intemporels vivants.” Il est vrai que même si le cinéma italien connaît des renaissances à répétition – un grand merci à l’auteur de La Grande Belleza, Paolo Sorrentino, entre autres –, il fait l’objet d’un culte pour son époque miraculeuse qui va des années 50 aux années 70. Les cœurs cinéphiles du monde entier protègent son souvenir comme s’ils veillaient sur une princesse endormie. Paroxysme du style, de l’élégance, mais aussi objets politiques concrets (revoir L’Affaire Mattéï, de Francesco Rosi), ces trésors sur pellicule en péril étaient voués à rencontrer un des noms suprêmes du style à l’italienne. De son côté, la Fondation Prada, à Milan, propose de faire se rencontrer – dans sa propre salle de cinéma installée au centre de l’ancienne distillerie réinventée – le public le plus large possible avec les œuvres d’art moderne et contemporain les plus variées. Sur le grand écran, défilent donc du cinéma expérimental (la rétrospective The New American Cinema Torino 1967 sur les œuvres du New American Cinema Group) ou des films à gros budgets. Ce projet pour l’instant encore confidentiel – est né, selon la maison Prada, “d’une profonde réflexion sur le sens et la finalité d’un cinéma au sein d’une institution dédiée aux arts visuels comme la Fondation Prada”. Le Mexicain Alejandro Gonzalez Iñarritu, l’Allemand Alexander Kluge ou encore le Danois Nicolas Winding Refn ont déjà fait acte de présence dans la salle expérimentale pour partager leurs goûts et opinions cinéphiles.
Mais tout n’est pas seulement affaire de nostalgie. Les jeunes réalisateurs en devenir sont aussi choyés par les marques de luxe. “Je cherchais un projet pour renforcer l’aide que j’apporte aux nouveaux talents”, confessait Giorgio Armani en 2017. Avec Films of City Frames, le styliste milanais avait déjà, dès 2014, offert à un (pressenti) futur grand nom d’une école de cinéma internationale la possibilité de réaliser un court-métrage sur sa collection de lunettes “Frames of Life”. Aujourd’hui, avec le projet Armani/Laboratorio, le designer va plus plus encore : “J’aime l’idée, poursuit-il, d’un atelier qui enseigne des compétences pratiques aux jeunes étudiants en cinéma, avec l’aide sde mes amis qui auront la charge de les encadrer dans chaque discipline. Je fais de la transmission du savoir ma mission.” Lancé il y a deux ans, son “laboratorio” propose huit modules d’études – de la réalisation à la création de décor en passant par le maquillage et la coiffure – et a été installé à Milan, dans l’Armani/Silos, le bunker-musée de la marque au numéro 40 de la mythique via Bergognone.