Miu Miu Upcycled par Catherine Martin : le passé comme promesse d’avenir
La créatrice australienne signe une collection Miu Miu Upcycled et un film poétique, Grande Envie.
Dans une rencontre magistrale entre mode, cinéma et mémoire, Catherine Martin, quadruple lauréate aux Oscars et icône du design de costumes, de décors et de production, prête son regard affûté à Miu Miu pour une nouvelle collection Upcycled. Ce projet, à la fois vestimentaire et cinématographique, s’incarne dans une collaboration rare qui donne naissance à "Grande Envie", un court-métrage envoûtant signé Martin elle-même, marquant ainsi ses débuts en tant que réalisatrice.
Depuis son lancement en 2020, Miu Miu Upcycled s’attache à redonner vie à des vêtements anciens. Loin de la nostalgie figée, la maison italienne tisse un récit de transformation : des pièces chinées aux quatre coins du monde, revisitées selon les codes esthétiques de Miu Miu, dans une démarche de design circulaire. Une seconde vie offerte avec soin et exigence à des vêtements qui deviennent uniques, précieux, porteurs d’histoires.
Dans "Grande Envie", Martin puise dans l’imaginaire des années 1920 et 1930 sur la Côte d’Azur, période charnière entre deux guerres, où les tensions stylistiques reflétaient les bouleversements sociaux. L’action se déroule dans un château opulent, hanté par les souvenirs : un comte veuf (Willem Dafoe) croise le destin de trois jeunes femmes libres, tandis que le fantôme de son épouse défunte (Daisy Ridley) ressurgit à travers l’objectif d’un appareil photo. Une histoire d’amour, de désir, et de spectres — autant psychiques que vestimentaires.
Cette narration s’incarne dans les vêtements, eux-mêmes en tension constante. Catherine Martin mêle sans crainte l’élégance fragile de la lingerie à l’énergie brute d’un t-shirt rayé, le denim quotidien à la noblesse de la robe du soir, le blazer de rameur à la délicatesse d’un foulard vintage. Un patchwork harmonieux de matières et d’époques, où la robe de plage devient manifeste esthétique.
Inspirée par les photographies vibrantes de Jacques Henri Lartigue, Catherine Martin saisit l’essence fugace de l’époque : le charme d’une modernité naissante capturée dans un flou de mouvement, entre rigueur et insouciance. Sa collection en porte l’héritage : juxtapositions du précieux et du fonctionnel, du masculin et du féminin, du passé et du présent.
C’est dans cette alchimie que réside la magie du projet. "Miu Miu Upcycled transforme des vêtements aimés en objets de luxe ultime", explique-t-elle. "C’est l’attention, l’amour et l’histoire qui les rendent plus précieux qu’ils ne l’étaient auparavant." Elle voit en cette collection un acte de mémoire, une résurgence poétique du passé qui vient hanter — et sublimer — notre présent.
La photographe Michella Bredahl, quant à elle, sublime cette vision dans une campagne où la lumière dorée de l’après-midi caresse les murs du château. Les mannequins — apparitions flottantes entre ombre et soleil — déambulent dans un décor fané, comme pris entre deux époques. L’atmosphère est languide, rêveuse, imprégnée de cette "grande envie" d’autre chose, d’un ailleurs peut-être inaccessible.
La collection, tout comme le film, interroge le désir — de beauté, de renouveau, de sens. Catherine Martin, qui collabore avec Miuccia Prada depuis trois décennies, résume leur complicité créative par leur intérêt commun pour une mode intellectuelle, ancrée dans l’expérience humaine et les enjeux contemporains. Un romantisme assumé, jamais naïf, doublé d’une conscience éthique.
Un projet comme un palimpseste : chaque couture, chaque tissu, chaque plan de film racontent le passé pour mieux dessiner un avenir durable, et terriblement désirable.
Miu Miu Upcycled by Catherine Martin se dévoilera dans la boutique de New Bond Street à Londres le 7 juin, où la collection sera disponible en exclusivité pendant deux semaines, et à partir du 21 juin dans des boutiques sélectionnées dans le monde entier.