Rencontre avec Ni Ni, fleur du cinéma chinois
Il y a un peu plus de vingt-et-un ans, à quelques jours du retour de la colonie anglaise à la mère patrie chinoise, le gotha du cinéma de Hong Kong n'était plus à la fête. Stars et producteurs avaient envoyé leur petite — et riche — famille voir, au Canada la plupart du temps, si l’air y était plus respirable. Les photos de la place Tian’anmen étaient restées en travers de la mémoire... Mais rien ne se sera passé comme prévu. Les seuls tirs entendus seront les salves d’une armée britannique sur le départ. L’industrie cinématographique locale, longtemps une des plus prolifiques au monde, allait bientôt mordre la poussière. La faute à la puissance financière du pouvoir de Pékin.
La fleur du cinéma chinois
Les stars de Hollywood sont drôles, toujours vent debout face à l’intolérance, l’injustice, les dictateurs de tout poil. Et puis, il suffit que la Chine, loin de la démocratie occidentale, y aille de son chéquier pour les voir débarquer en masse, tels Kevin Spacey, Matt Damon ou Christian Bale. En 2011, l’illustre Zhang Yimou, cinéaste révéré chez lui et dans les festivals du monde entier – Épouses et Concubines, Le Secret des poignards volants... – fait appel à l’interprète de Batman pour tenir le seul rôle non asiatique de The Flowers of War, énième production chinoise à se pencher sur le massacre de Nankin. L’acteur y incarne un thanatopracteur qui s’entête à protéger une poignée de filles chinoises d’une armée nippone à la barbarie sans nom. Et voilà : parmi elles, il y a une débutante, Ni Ni, 23 ans à l’époque de la sortie du film. Voluptueuse, charnelle, boudeuse, elle irradie dans le rôle de Yu Mo, une prostituée en fuite avec ses sœurs “fleurs” de bordel.
“J’étais un peu angoissée lorsque j’ai appris que Christian était dans le film, une si grande star hollywoodienne, à première vue si sérieuse”, confessait la jeune femme lors du Festival de Berlin. “Mais il a tout de suite été aimable, sincère, très agréable. Tout s’est passé à merveille sur le plateau.” Le pourtant hermétique acteur britannique ne résistera pas à tant d’éloges: “Ni Ni a fait un travail extraordinaire. J’ai trouvé formidable sa capacité à maîtriser aussi rapidement ses répliques en anglais. Et c’est un honneur pour moi d’avoir collaboré avec elle pour mon premier lm chinois.” Même s’il a laissé la critique étrangère de glace, jugé d’une lecture historique trop “gouvernementale”, The Flowers of War connaît un succès domestique phénoménal. La carrière de la fascinante Ni Ni démarre en trombe.
Arme de séduction massive
Ni Ni, voilà une des armes secrètes des metteurs en scène et producteurs de Pékin. Elle fait partie, avec la sculpturale Angelababy (Détective Dee 2: La Légende du Dragon des mers de Tsui Hark) ou encore Yang Mi (Wudang Masters de Patrick Leung), de la nouvelle génération des “actrices Dan”, en référence aux rôles féminins dans l’Opéra chinois, l’élite de leur profession. Si entre l'émergence de ces comédiennes et celle de leurs aînées du star-system chinois moins d’une vingtaine d’années s’est écoulée, entre-temps, une véritable révolution culturelle a bouleversé l’Empire du milieu – et rien à voir avec celle, traumatisante, du temps du maoïsme. Avec son milliard de spectateurs, ses 45000 salles à travers le pays, ses 13 % d’augmentation de recette en 2017, la Chine est devenue une surpuissance cinématographique qui, même si elle ne menace pas la domination américaine sur le monde, la gêne quelque peu aux entournures. Il faut compter plusieurs comédies grand public et autres films d’action viscéralement pro-Pékin avant de trouver une production US sur la liste des plus gros succès au box-office chinois. C’est dire le boulevard qui s’offre à une actrice aussi talentueuse que Ni Ni.
Ni Ni is wearing Tiffany & Co. jewelry
Photography by Chen Man
Casting @jenjalouse
Styled by Shen Zhang
Retrouvez la suite de l'interview dans le numéro de septembre de L'Officiel de la Mode, disponible en kiosques.