Dommage qu’un tel phénomène soit si difficile à traduire ! Car en matière “d’espaces de travail flexibles”, la France est à la pointe. Et certains entrepreneurs parisiens comptent bien “disrupter” le marché.

Exp&eacute;riment&eacute;s &agrave; Berlin, &agrave; la fin des ann&eacute;es 90, les premiers &ldquo;espaces de travail collaboratifs&rdquo; ont vite essaim&eacute; aux &Eacute;tats-Unis. On y rel&egrave;ve une premi&egrave;re adresse officielle cr&eacute;&eacute;e par Brad Neuberg &agrave; San Francisco, en 2005. Depuis, ces lieux de coworking (38 millions d&rsquo;occurrences sur Google) sont devenus&nbsp;un business florissant. &ldquo;Tiers lieu&rdquo;, &ldquo;Hot desking&rdquo;, &ldquo;Remote working&rdquo;... appelez-les comme vous voulez, mais ces agr&eacute;gateurs&nbsp;de communaut&eacute;s travailleuses connaissent 100% de croissance par an&nbsp;totalisant plus d&rsquo;un million d&rsquo;adh&eacute;rents dans le monde et 15 000 adresses r&eacute;f&eacute;renc&eacute;es.

D&eacute;sormais, on n&rsquo;a plus affaire au petit caf&eacute;-wifi de quartier, mais &agrave; des immeubles entiers qui poussent au c&oelig;ur strat&eacute;gique des grandes m&eacute;tropoles. &Agrave; Paris, class&eacute;e troisi&egrave;me ville mondiale&nbsp;en mati&egrave;re de coworking, ces espaces trust&eacute;s par de gros investisseurs sont devenus le placement immobilier le plus hyst&eacute;rique du moment, avec une croissance multipli&eacute;e par&nbsp;dix en cinq ans... et qui peine aujourd&rsquo;hui &agrave; trouver son rythme de croisi&egrave;re (60%&nbsp;de ces emplacements d&eacute;di&eacute;s ne seraient pas rentables).

&Agrave; 300 &euro;/mois en moyenne le poste en open space, et jusqu&rsquo;&agrave; 700&euro; en bureau ferm&eacute;, il faut d&eacute;j&agrave; avoir un projet rentable pour pouvoir se le payer. Face &agrave; l&rsquo;invasion am&eacute;ricaine, avec en t&ecirc;te de file le g&eacute;ant WeWork, deux Fran&ccedil;ais ont d&eacute;cid&eacute; de prendre le probl&egrave;me &agrave; bras le corps. Rasmus Michaud et Laurent Geneslay, cofondateurs de&nbsp;The Bureau, ont pr&eacute;f&eacute;r&eacute; tout miser sur l&rsquo;image et la qualit&eacute; en proposant un lieu de travail particulier qui se rapproche plus des codes&nbsp;de l&rsquo;h&ocirc;tellerie que de ceux du fast food. Leur entreprise &ndash; ironique jusque dans l&rsquo;anglicisme de leur marque &ndash; fait un s&eacute;rieux pied de nez&nbsp;&agrave; la supr&eacute;matie yankee. Fort du succ&egrave;s de leur premier espace de travail, et alors qu&rsquo;il peaufine la naissance du second pr&eacute;vue pour fin 2019, Ramus Michaud nous raconte les r&egrave;gles du coworking &agrave; la fran&ccedil;aise.

Vous d&eacute;finissez The Bureau comme &ldquo;un lieu de travail particulier&rdquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire?

Rasmus Michaud: nous sommes partis du principe qu&rsquo;il n&rsquo;y avait aucune raison valable au fait d&rsquo;aller au travail tous les matins comme au goulag! Ce doit &ecirc;tre un moment de plaisir, et donc d&rsquo;exp&eacute;rience. Notre entreprise rel&egrave;ve de ce que l&rsquo;on appelle &ldquo;l&rsquo;hospitality business&rdquo;. Dans le mot coworking, que nous n&rsquo;aimons pas trop, il y a une notion d&rsquo;optimisation immobili&egrave;re qui n&rsquo;est pas dans nos valeurs. Ce serait mentir de dire que nous ne pensons pas &agrave; la rentabilit&eacute;, mais nous sommes persuad&eacute;s qu&rsquo;elle d&eacute;coule d&rsquo;abord de l&rsquo;hospitalit&eacute;.

Quelle a &eacute;t&eacute; la gen&egrave;se du projet The Bureau?

L&rsquo;id&eacute;e premi&egrave;re &eacute;tait de cr&eacute;er un lieu communautaire &agrave; l&rsquo;image de la Neue House &agrave; New York, que nous aimons beaucoup. Un cadre de vie adapt&eacute; au travail dans un&nbsp;environnement qui parlerait aux autres comme il nous parle. Il s&rsquo;est pass&eacute; moins 
de deux ans entre nos premiers &eacute;changes sur le sujet &agrave; l&rsquo;&eacute;t&eacute; 2015 et l&rsquo;ouverture du 28, cours Albert 1er en janvier 2017. Apr&egrave;s avoir visit&eacute; une bonne centaine d&rsquo;adresses, et alors que&nbsp;le VIII&egrave;me arrondissement de Paris n&rsquo;&eacute;tait pas&nbsp;au d&eacute;part notre quartier de pr&eacute;dilection,&nbsp;nous sommes tomb&eacute;s sous le charme de&nbsp;cet immeuble Arts d&eacute;co, et avons obtenu&nbsp;de son propri&eacute;taire Generali (compagnie d&rsquo;assurances, ndlr) qu&rsquo;il nous donne trois mois pour trouver des investisseurs. Le 15 mai 2016 au matin, on scellait le pacte d&rsquo;actionnaires,&nbsp;et le 15 apr&egrave;s-midi le bail &eacute;tait sign&eacute;!

The Bureau ne serait donc pas qu&rsquo;un lieu de travail?

Si sa finalit&eacute; intrins&egrave;que est d&rsquo;&ecirc;tre un lieu de travail, ce dernier ne peut se r&eacute;sumer au fait d&rsquo;&ecirc;tre assis derri&egrave;re un bureau. L&rsquo;art de bien le vivre compte aussi pour beaucoup. Avoir un restaurant et y mettre un chef aux fourneaux (Thomas Cayeux, ndlr), &eacute;tait par exemple l&rsquo;une de nos priorit&eacute;s. La culture 
du d&eacute;jeuner est tr&egrave;s importante en affaires, et si on veut bien accueillir nos membres, il faut savoir les nourrir! C&rsquo;est un degr&eacute; d&rsquo;exigence qui nous diff&eacute;rencie de la concurrence, et&nbsp;que l&rsquo;on retrouve partout &agrave; The Bureau. Li- cence IV, br&ucirc;lerie de caf&eacute;, conciergerie, assistance administrative, acc&egrave;s 24/7, pressing, &eacute;v&eacute;nements, vernissages, fitness, mobilier design... Rien ici n&rsquo;est laiss&eacute; au hasard.

Vous venez d&rsquo;augmenter la superficie de The Bureau &agrave; 5000 m2, n&rsquo;est-ce pas le risque d&rsquo;y perdre en &acirc;me?

Nous avions atteint 100% de taux de remplissage. Quand le succ&egrave;s est patent et&nbsp;que la demande est l&agrave;, difficile de r&eacute;sister&nbsp;et de d&eacute;cevoir nos membres. Notre adresse annexe, &agrave; six num&eacute;ros de la premi&egrave;re (16, cours Albert 1er), offre d&rsquo;autres services tout aussi performants: coffee shop, saladerie, 
day spa (avec massages, coiffure, manucure&nbsp;et barbier). Notre KPI (Key Performance Indicator) de rapidit&eacute; de remplissage &eacute;tait&nbsp;de onze mois pour le premier b&acirc;timent, contre cinq seulement pour le second.

Avez-vous d&ucirc; r&eacute;ajuster certains services au fil du temps et de la demande?

Oui bien s&ucirc;r. Au d&eacute;part, par exemple, nous avions pr&eacute;vu beaucoup plus d&rsquo;open space, mais &ccedil;a ne prend pas. Aujourd&rsquo;hui, cela repr&eacute;sente &agrave; peine 10% de notre offre globale. Le Fran&ccedil;ais adore sortir de chez lui,&nbsp;mais quand il travaille, il veut &ecirc;tre seul.&nbsp;Chez nous, pas de parois transparentes! Nous&nbsp;avons d&ucirc; aussi revoir &agrave; la baisse notre activit&eacute; nocturne: la restauration et les &eacute;v&eacute;nements ne fonctionnent pas tous les soirs. La vie&nbsp;en autarcie, &ccedil;a marche aux &Eacute;tats-Unis, pas en France. Ici, c&rsquo;est un lieu o&ugrave; &ldquo;&ccedil;a se passe&rdquo;, mais pas un club.

L&rsquo;id&eacute;e, tr&egrave;s am&eacute;ricaine, d&rsquo;un &ldquo;coworking department store of the future&rdquo; vous parle- t-elle ?

Nous sommes &eacute;videmment &agrave; l&rsquo;&eacute;coute des besoins de nos membres, et les propositions ext&eacute;rieures de services ne manquent pas, du coaching personnalis&eacute; au leasing de plantes vertes, mais la philosophie de The Bureau n&rsquo;est pas de devenir un grand magasin!

Existe-t-il un profil type de membres chez The Bureau?

Pas vraiment. On peut dire que nos membres sont plut&ocirc;t entrepreneurs que start-uppers, c&rsquo;est probablement le quartier qui veut &ccedil;a. Mais le lieu est ouvert &agrave; tous et il n&rsquo;y aucune s&eacute;lection &agrave; l&rsquo;entr&eacute;e, ce n&rsquo;est pas un club priv&eacute;. Alors, oui bien s&ucirc;r, The Bureau a forc&eacute;ment un c&ocirc;t&eacute; &eacute;litiste, parce qu&rsquo;h&eacute;doniste, mais certainement pas financier, et nous restons moins chers que WeWork par exemple.

Comment entre-t-on &agrave; The Bureau?

Avec un syst&egrave;me d&rsquo;abonnement mensuel, de trois mois minimum, car The Bureau n&rsquo;est pas un hall de gare. Il est tr&egrave;s important pour nous que les gens se connaissent. Le r&eacute;seautage&nbsp;et l&rsquo;entraide sont une de nos grandes valeurs ajout&eacute;es. D&rsquo;ailleurs, ici, il n&rsquo;y a quasiment pas de turn over.&nbsp;

Alors que The Bureau f&ecirc;te ses trois ans d&rsquo;existence, vous annoncez une toute nouvelle adresse, o&ugrave; se trouve-t-elle ?

3 400 m2 sont actuellement en travaux dans le iie arrondissement, au 17, rue Monsigny. Un b&acirc;timent haussmannien, d&rsquo;apparence tr&egrave;s diff&eacute;rente du premier mais dans lequel on retrouvera les m&ecirc;mes codes n&eacute;o-r&eacute;tro avec des r&eacute;f&eacute;rences scandinave, japonaise et italienne de notre architecte Franklin Azzi. Une patte semblable, mais avec un twist,&nbsp;car nous ne souhaitons pas reproduire &agrave; l&rsquo;identique. Il y aura aussi un restaurant, une salle de sport et une cave &agrave; vins o&ugrave;&nbsp;les membres pourront venir stocker leurs bouteilles ! Ouverture pr&eacute;vue le 1er janvier 2020, alors que nous avons d&eacute;j&agrave; d&rsquo;autres b&acirc;timents en cours de n&eacute;gociation, dans d&rsquo;autres quartiers parisiens, mais toujours centraux et agr&eacute;ables. Si, comme les chiffres le pr&eacute;disent, 30% des bureaux d&rsquo;ici 2030&nbsp;sont appel&eacute;s &agrave; devenir flexibles et &agrave; g&eacute;n&eacute;rer 123 milliards d&rsquo;euros d&rsquo;activit&eacute; &eacute;conomique, alors il reste de la marge!

Et un d&eacute;veloppement &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger?

Ce n&rsquo;est pas &agrave; l&rsquo;ordre du jour, mais j&rsquo;ai lanc&eacute; avec un ami qui travaille chez Canopy&nbsp;&agrave; San Francisco un service baptis&eacute; Global Collective, qui f&eacute;d&egrave;re les meilleurs coworking des grandes m&eacute;tropoles du monde: Blender&nbsp;&agrave; New York, Fora &agrave; Londres, The Nest &agrave; Varsovie, Publico &agrave; Mexico City, Fosbury and Sons &agrave; Anvers et &agrave; Bruxelles... Une dizaine aujourd&rsquo;hui, et tous les deux-trois mois on&nbsp;en rentre un nouveau. Chaque membre de The Bureau (et les autres &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger) a droit &agrave; deux jours par mois d&rsquo;acc&egrave;s gratuit &agrave; ces adresses. Une sorte de &ldquo;flying blue&rdquo;&nbsp;des coworking premium dans le monde!

The Bureau pourrait-il un jour devenir aussi un h&ocirc;tel?

Vraiment pas. Avec le risque du 5 &agrave; 7, et 650 membres &agrave; g&eacute;rer, le sujet est beaucoup trop touchy!

the-bureau-salle2.jpg

Qu'en est-il du coworking en France ?

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