Pop Culture

Karen O : "Je  suis très timide, mais sur scène je me transforme"

Pour la nouvelle vidéo de Kenzo, Yo ! My Saint, la reine du punk-rock Karen O a imaginé une composition langoureuse aux tonalités psychédéliques. Rencontre à l’hôtel Standard, à New York.
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Vous êtes amie avec Humberto Leon et Carol Lim depuis longtemps. Comment est née cette collaboration ?

Lorsque j’ai porté un costume Kenzo à la performance Every Mother Counts au Bowery Hotel en 2016, Humberto et Carol m’ont demandé de faire la musique de leur prochain film. À l’époque, je cherchais des projets mariant musique et cinéma. Humberto et Carol se sont inspirés de deux icônes : Sayoko Yamaguchi, la muse de Kenzo Takada, et le compositeur Ryuichi Sakamoto ; ils voulaient imaginer une histoire d’amour. J’ai médité ce scénario et la chanson est née dans ma tête. Je suis à moitié coréenne, Humberto et Carol ont aussi des origines asiatiques. J’aimais l’idée de faire un morceau aux influences extrême-orientales. J’ai été très inspirée par la légende du rock coréen Shin Joong-hyun et son album Beautiful Rivers and Mountains. C’est de la musique psychédélique, pleine d’émotions. Humberto et Carol vont toujours au karaoké et je voulais avoir cet élément dans le film car, dans notre culture c’est une manière de s’exprimer. C’est une chanson sur un amour impossible. 

 

De l’album Crush Songs à la BO de Her, vous avez toujours adoré les chansons d’amour.

Oui, depuis que je suis toute jeune. Je suis très romantique, peut-être de manière excessive. J’aime le romantisme mélodramatique, par exemple la chanson de Ray Peterson, Tell Laura I love Her (elle chante), qui parle d’un amour impossible qui ne mourra jamais. C’est l’essence de la chanson, ça me fend le cœur. 

Mais vous aimez aussi le punk, le nihilisme, la rébellion.

Il faut toujours avoir une tension, un contraste. Nous avons tous tant de personnalités en nous, j’ai toujours eu, aussi, cet autre côté, et le désir d’exprimer des émotions fortes durant des performances. Je suis de nature très timide, réservée, mais sur scène je me transforme, je suis une boule d’émotion pure et sauvage. 

Pour ce film, vous avez travaillé avec une femme, ce qui est rare. Être une femme dans un monde d’hommes et de rock’n’roll, c’est comment ?

J’ai toujours été un peu seule dans ce monde. J’ai toujours eu l’impression que mes émotions étaient singulières parce que les autres ne partageaient pas mes sensations et mes opinions. En tournée, par exemple, les mecs aiment y aller à fond, je trouvais ça épuisant. Je me disais que ce serait bien de faire une pause, de sortir un premier album, et de repartir sur la route. J’ai été obligée de hurler et de tout casser pour que les autres m’écoutent. Ils avaient l’habitude de toujours faire les choses de la même façon. Je me suis sentie seule jusqu’à ce que je travaille avec Kim Deal des Pixies, j’ai réalisé qu’on pensait de la même manière, sans ego. J’ai été épatée, j’ai réalisé que je ne n’étais pas folle. C’est dur d’être la seule fille parmi des garçons, dur de rester fidèle à soi-même. 

 

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Aujourd’hui vous êtes mère de Django, votre perspective a changé ?

Je me sens mieux que jamais. Je me suis établie en tant que leader dans un groupe de rock et j’ai donné la vie, en 2015. Je sors de mon état de retraite dans le monde, et dans l’administration Trump c’est un environnement difficile. J’aime raconter des histoires qui inspirent et qui aident les gens à être libres, à être eux-mêmes. L’Amérique, c’est la culture du “like” et cela me fait beaucoup souffrir. Ce qui m’a libérée dans ma vingtaine, c’est que je n’ai pas fait attention à ces institutions et à ces valeurs sociales, au glamour, j’étais rebelle. Être soi-même est pour moi la religion absolue.  

Humberto et Carol travaillent beaucoup avec des artistes émergents et soutiennent la diversité culturelle et l’activisme. Pourquoi leur approche vous touche-t-elle ?

Ce qui m’impressionne, c’est qu’ils soutiennent l’expression artistique, et tout ce qu’ils font est dans une optique de créativité et de liberté d’expression. Ils utilisent leur marque pour exprimer des messages positifs et beaux. Ils ont une vision claire, ils sont passionnés. Je crois beaucoup en cette manière de travailler, à l’intégrité. 

Le style, c’est une façon d’être libre ?

J’adore le style. Parfois j’aimerais en avoir davantage, je suis plutôt paresseuse, surtout depuis que je vis à Los Angeles. Le style, c’est une des formes d’art les plus puissantes. Il ne faut pas être riche pour avoir du style. Nous sommes tous uniques et le style est une expression de cette authenticité, surtout quand les gens y vont à fond, j’aime les looks spectaculaires.  

Vous avez déménagé à Los Angeles avec votre mari, le réalisateur Barnaby Clay. Votre vie a-t-elle changé ?

Je vis à Echo Park. C’est une vie de banlieue, domestique, je connais mes voisins, c’est beaucoup de familles. Los Angeles est étrange, la migration d’artistes fait qu’il y a pleins de choses à faire mais on peut aussi rester tranquilles. À New York, la pression du travail et de la réussite est beaucoup plus grande. Los Angeles est plus relax. 

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