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Rosamund Pike : "à 4 ans, je voulais déjà être actrice"

De James Bond girl en “Gone Girl”, Rosamund Pike est devenue une star subtile et intuitive. Depuis le succès du film de David Fincher, elle choisit avec soin ses apparitions.
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Photographie par Masha Mel
Stylisme par Vanessa Cocchiaro

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Robe en laine, Dior. Boucles d’oreilles en métal doré, Jennifer Fisher. Manchette “Coco Crush” en or jaune, Chanel Joaillerie. Bottes en cuir et python, Louis Vuitton.
Robe sweat-shirt en jersey brossé avec empiècement de maille torsadée et blouse en coton et dentelle, Burberry. Boucles d’oreilles en métal doré, Jennifer Fisher.
Pull en laine vierge et jupe en tricotine de laine, Miu Miu.
Pull en laine vierge et jupe en tricotine de laine, Miu Miu.
Veste en tweed multicolore, Chanel.
Manteau en laine mélangée et veste sans manches en matière technique, Céline.
Manteau en laine mélangée et veste sans manches en matière technique, Céline.

Il fallait qu’elle porte le nom d’un quatuor de Schubert. Fille de parents chanteurs lyriques, Rosamund Pike grandit une guitare dans la main droite et un livre dans la gauche : son amour des belles-lettres la mène sur scène, où elle déclame du Shakespeare, avant de devenir James Bond girl, à seulement 23 ans. Quinze ans plus tard, elle affiche un parcours quasi sans faute, marqué par le triomphe de Gone Girl, en 2014. Hors plateaux, la Britannique est lunaire. Dans le décor industriel des Spring Studios de Londres, où nous la retrouvons pour partager un verre, elle a l’allure d’une ballerine qui déambule sans faire de bruit. Nul besoin de surjouer pour exister. Rosamund Pike en est la preuve.

Vous aimez le vin rouge ?

Rosamund Pike : Beaucoup. Aujourd’hui, avant le shooting, j’ai lu, j’ai lu et j’ai beaucoup réfléchi, donc je saisis cette chance d’enfin me relaxer.

 

 

Parlez-nous de votre dernier film, A United Kingdom, d’Amma Asante…

Voir A United Kingdom, c’est avoir l’occasion d’être optimiste, dans un monde où tout n’est que division, suspicion. Le film raconte une histoire d’amour qui grandit dans l’hostilité : celle de Seretse Khama, un homme noir, roi du Botswana, et de Ruth Williams, une femme blanche venue de Londres. En s’efforçant d’être ensemble, ils finissent par changer le visage d’une nation, par résister à toute cette malveillance. Leur force paye, et ils mènent leur pays à l’indépendance. Je suis tombée passionnément amoureuse de Ruth, mon personnage. Tout le monde remet ses choix en question… mais elle dit simplement oui à la vie.

 

Comment parler d’amour, aujourd’hui, au cinéma ?

Le cinéma offre trop souvent une vision dépassée de l’amour. On raconte des histoires de sexe, de gens qui veulent juste coucher ensemble… On manque de vraies histoires. Quand on aime, on peut être amené à faire de grandes choses. Le salut vient de l’amour.

 

Le salut peut aussi venir du cinéma et de l’art…

Quand je vois un film, quand je lis un livre ou quand je regarde un tableau, je veux juste qu’on me raconte des histoires, des histoires d’hommes que je n’ai jamais entendues auparavant. C’est vrai que le star-system et les paillettes peuvent faire oublier que nous, acteurs, sommes avant tout des observateurs de l’être humain. Le cinéma aussi peut lutter pour ou contre quelque chose, sans être didactique. Un tableau laisse les gens penser, je trouve ça beau.

Et la musique ?

J’en ai fait beaucoup étant enfant, malheureusement moins aujourd’hui. Je reprends timidement la guitare avec mon fils… Et puis j’ai joué dans le clip de Voodoo in My Blood, un titre de Massive Attack et Young Fathers. Mes goûts musicaux ont évolué : j’ai baigné dans la musique classique toute ma jeunesse, mais aujourd’hui je me tourne vers d’autres genres.

 

Si je vous dis “chef-d’œuvre”, vous pensez à…

Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle. Les Suites pour violoncelle seul de Bach. Certains airs d’opéra, aussi. Mes parents étaient chanteurs lyriques, alors quand je vois un chanteur, je reçois ça comme un don émotionnel. Ma mère me raconte que, quand elle enseigne et qu’elle apprend à respirer, les gens pleurent parfois. Leur corps reçoit de l’oxygène dans des zones inexplorées jusqu’alors. On ne respire jamais assez profondément dans la vie. Je suis souvent émue aux larmes quand je me laisse pénétrer par la musique : c’est pour cela que j’en écoute ponctuellement, sinon je ne vivrais plus ! (Rires.)

 

De quoi avez-vous envie pour vos enfants ?

La musique, ce sera seulement si ça les intéresse. Mon aîné, Solo, s’en moque un peu, mais mon plus jeune fils, Atom, est obsédé par la musique. Il ne quitte pas son harmonica depuis ses 9 mois.

 

Vous croyez à l’idée de vocation

Dans la vie, les choses vous trouvent. On sait très vite qui l’on est. À 4 ans, par exemple, je savais que je voulais être actrice. Même si je pratiquais la musique, seuls les mots m’intéressaient vraiment.

 

Cette vocation se transforme en “big job” quand, en 2002, vous décrochez un rôle dans Die Another Day, de la saga James Bond.

La première fois que j’ai osé prendre un taxi plutôt que le métro, après avoir décroché le rôle, je me suis dit : “Mon Dieu, je peux me payer le taxi.” J’avais l’impression d’être sur un tapis volant mais, au fond de moi, j’étais effrayée. C’est difficile d’avoir soudainement tant de notoriété et si peu de légitimité en tant que comédienne. J’avais 23 ans à l’époque, soit trente ans de moins que Pierce Brosnan. Comment être bon ? On peut être très jeune et excellent, mais il faut pouvoir s’identifier au personnage. Ce n’était pas le cas. Ma méthode, depuis, est d’être libre avec la caméra et avec moi-même.

"C'est important pour tout le monde d'apprendre à dire non. Dans la vie intime également. Le plus difficile, dans le fond, c'est de décevoir quelqu'un en lui refusant quelque chose."

Dans la foulée, vous enchaînez avec Rochester, le dernier des libertins, Orgueil et Préjugés, mais aussi Doom, adapté d’un jeu vidéo…

Je n’étais pas habile dans la manière de mener ma carrière. J’ai observé mes parents, j’ai constaté combien il est difficile de construire une carrière dans l’art, et combien ils étaient chanceux d’avoir un travail. Quand je leur posais la question, à mes débuts, ils me répondaient : “Tu dis oui, tu ne tergiverses pas, tu dis oui !” Mais, heureusement, on m’a pardonné mes erreurs de jeunesse ! (Rires.)

 

Aujourd’hui, vous avez le luxe de dire oui ou non.

J’arrive à dire non, mais l’apprentissage a été long. C’est important pour tout le monde d’apprendre à dire non. Dans la vie intime également. Le plus difficile, dans le fond, c’est de décevoir quelqu’un en lui refusant quelque chose.

 

L’année écoulée a été particulièrement riche pour vous.

Oui ! J’ai tourné dans quatre films, soit plusieurs mois passés sur les plateaux. D’abord, il y a eu Hostiles, un western avec Christian Bale. Ce n’est pas un bête film de cow-boys : c’est plutôt une réflexion poétique sur l’Amérique de l’Ouest. Le ­deuxième film, Entebbe, raconte une prise d’otage en 1976. Je joue l’une des terroristes allemands, aux côtés de Daniel Brühl. C’était un sacré défi car j’ai dû perfectionner mon allemand pour parler le plus naturellement possible. J’ai aussi joué dans un film de Cédric Jimenez, HHhH. J’ai adoré travailler en France : petite, mes parents m’emmenaient en vacances dans le Lot ou en ­Dordogne… Jusqu’à mes 18 ans, mon français était d’ailleurs assez bon, mais j’ai beaucoup perdu quand j’ai commencé mes études de littérature anglaise.


Racontez-nous votre vie à Londres.

Je vis dans le nord de Londres, à Islington, pas très loin de King’s Cross. Aujourd’hui, les environs de la gare sont comme une ville nouvelle où tout grandit : c’est fascinant. Mon quartier est juste à côté, très représentatif de Londres avec son mélange de vieux immeubles et de bâtiments modernes. Ma maison date des années 1830. J’y suis plutôt libre, même si la presse rôde… L’important est que je puisse donner une éducation normale à mes enfants.

 

Pourriez-vous vivre ailleurs qu’à Londres ?

Ces derniers mois, j’ai fait le tour du monde avec ma famille : en plus du Maroc, de la France et du Nouveau-Mexique, nous sommes allés à Beyrouth, où j’ai tourné dans un thriller politique aux côtés de Jon Hamm, High Wire Act. Mais maintenant que mon fils va à l’école, le voyage doit s’arrêter. “A United Kingdom”, d’Amma Asante, en salles le 29 mars.

Maquillage: Florrie While
Coiffure: Davide Barbieri
Assistant photo: Sam Henry
Assistante stylisme: Charly Suggett

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