Anne Berest : "Mes parents sont des soixante-huitards pur jus"
Où auriez-vous aimé être durant la “nuit des barricades” du 10 au 11 mai 1968 ?
Sur les épaules de mes parents ! En mai 1968, mon père et ma mère ne se connaissaient pas encore, mais ils menaient leurs combats révolutionnaires, ma mère à Paris et mon père à Brest. Ce sont des soixante-huitards pur jus, qui n’ont pas lâché leurs idéaux.
Quel slogan révolutionnaire vous parle ?
“5050×2020”, c’est un slogan de 2018 ! Pas de 1968… parce qu’il s’agit d’un collectif auquel je participe. Nous travaillons autour des questions d’égalité et de diversité dans le cinéma français.
Êtes-vous plutôt réformiste ou révolutionnaire ?
Ni l’une ni l’autre, je me sens plutôt stoïcienne, car la position de l’écrivain est d’être hors du monde, afin de l’observer. Cependant, avec tout ce qui se passe aujourd’hui, je renoue de manière naturelle avec un engagement politique concret.
Que pensez-vous des combats que mènent les femmes en ce moment ?
J’y suis extrêmement sensible. J’ai été élevée par une mère MLF, le Mouvement de libération des femmes, qui nous a éduquées avec cette idée que, en tant que femmes, nous devrions construire notre indépendance financière et intellectuelle. Quand j’ai eu 20 ans, je pensais que le féminisme n’était plus un sujet dans ma vie, que le combat de nos mères avait enfin porté ses fruits. Vingt ans plus tard, je constate qu’il faut reprendre les armes, pour l’avenir de mes filles.
Quelles figures révolutionnaires vous inspirent ?
J’ai écrit un livre sur elle, avec ma sœur : il s’agit de notre arrière-grand-mère, Gabriële Buffet. Elle disait qu’elle était “née révolutionnaire”. En 1900, elle voulait vivre sans mari et sans enfant pour se consacrer à la musique… Elle fut à 17 ans la première jeune fille à entrer en classe de composition à la Schola Cantorum, à Paris. Dans sa vie, Gabriële a été une femme qui n’a aimé que des hommes révolutionnaires : Francis Picabia, Marcel Duchamp, Igor Stravinsky… et la légende lui prête même un flirt avec Lénine !
Remerciements à l’Hôtel Habituel, Paris 10e
Photographie par Vincent Dessailly
Coiffure et maquillage Céline Cheval, Blandine Desgraz, Louise Garnier, Christelle Minbourg