We Own This City, la mini-série à ne surtout pas rater

David Simon fait partie de ceux qui ont révolutionné la télévision, avec des séries aussi extraordinaires que The Wire, Treme ou The Deuce, il a toujours témoigné d’un talent unique pour mener des récits touffus, dessiner des personnages complexes, et porter sur le monde contemporain un regard qui ferait passer Cioran pour Gad Elmaleh. Disons qu’il est le Pierre Soulages de l’écriture télévisuelle : au-delà de la noirceur, une fois percé ce voile, l’outrenoir apparaît. Sa nouvelle mini-série, conçue avec George Pelecanos, son partenaire d’écriture sur The Wire et Treme, revient sur l’histoire (véridique) de la Gun Trace Task Force de Baltimore, unité censément d’élite, chargée de maîtriser la circulation des armes à feu, pour endiguer la violence urbaine quotidienne. Dirigée par Waynes Jenkins (exceptionnel Jon Bernthal, nerveux, inquiétant), cette escouade semble cependant plus soucieuse de s’enrichir que de guérir la ville de ses maux. Saisies illégales, extorsions, productions de preuves fallacieuses, et ainsi de suite, sont érigées en mode opératoire protégé par leurs statistiques flatteuses. Survient alors en 2015 la mort de Freddie Gray, des suites d’une interpellation policière brutale : de cette tragédie découlera leur perte. Nicole Steele (Wunmi Mosaku), une avocate des droits civils pugnace veut mettre un terme à la généralisation de la corruption, active, ou passivement spectatrice, indifférente. Deux ans plus tard, la troupe menée par Jenkins sera démasquée et condamnée à de lourdes peines. Filmé sèchement, au plus près des corps, des regards, le récit de leur chute est un modèle de dramaturgie, de mise en scène et d’intelligence psychologique - captée avec une telle force, implacable, qu’aucun jugement n’a besoin d’être asséné. La finesse avec laquelle il dessine des personnages que plus rien n’arrime à la morale sidère autant que sa capacité à nous retenir dans les filets d’une narration complexe, au maillage serré, étouffant.  A l’image de ses précédentes créations, David Simon croit au pouvoir du cinéma, c’est-à-dire à l’adoption d’un point de vue qui se suffit à lui-même, et qui nous regarde autant que nous regardons ce qui se joue à l’écran. Sa démarche fait plus que nous interpeller : elle engage notre responsabilité. Il confirme aussi son génie (là encore revendiquant davantage l’influence du cinéma que le tout-venant télévisuel) pour imaginer des plans ultimes. Celui-ci sera aussi inoubliable que ceux clôturant The Wire et The Deuce. 

Une mini-série en six épisodes. Créée par David Simon et George Pelecanos. Avec Jon Bernthal, Jamie Hector, Josh Charles et Wunmi Mosaku. A partir du 26 avril en US+24 sur OCS