Elle a remporté les 24 Heures du Mans en 1964. La Ferrari 275 P nous raconte ici ses débuts et son exploit.

Sous les auspices d&rsquo;Artcurial, elle devait &ecirc;tre la t&ecirc;te d&rsquo;affiche  des ench&egrave;res de R&eacute;tromobile, qui s&rsquo;est tenu du 7 au 11 f&eacute;vrier &agrave; Paris. Mais, coup de th&eacute;&acirc;tre, la vedette s&rsquo;est d&eacute;rob&eacute;e au dernier moment pour une sombre histoire de succession familiale.  Grosse d&eacute;ception, car cette <a href="https://auto.ferrari.com/fr_FR/" target="_blank">Ferrari</a> 275 P issue de la collection mondialement connue de Pierre Bardinon &eacute;tait bien partie pour battre le record de sa petite s&oelig;ur, la Ferrari 335 Sport Scaglietti de 1957 issue de la m&ecirc;me collection et qui a &eacute;t&eacute; vendue pour 32 075 200 euros, soit pas moins de 363 810 930 dirhams... Un record du monde pour une vente publique. En attendant que les affaires de famille se r&egrave;glent, cette voiture de course embl&eacute;matique qui compte &agrave; son palmar&egrave;s une victoire aux 24 heures du Mans en 1964 nous fait revivre son exploit et sa belle aventure. &laquo; Comme toutes mes s&oelig;urs et mes cousines, je suis italienne, n&eacute;e &agrave; Maranello, au d&eacute;but de l&rsquo;ann&eacute;e 1963. Quand j&rsquo;ai enfin pu faire mes premiers tours de roues, on m&rsquo;a attribu&eacute; l&rsquo;&eacute;trange matricule 0816. Mais d&egrave;s lors, on ne retiendrait que mon nom. J&rsquo;&eacute;tais la Ferrari 275 P. Le d&eacute;tail de cette lettre avait son importance car elle voulait dire que j&rsquo;&eacute;tais destin&eacute;e &agrave; devenir un prototype engag&eacute; dans les courses d&rsquo;endurance les plus prestigieuses. Mon v&eacute;ritable bapt&ecirc;me du feu eu lieu un jour de juin cette ann&eacute;e-l&agrave;. Je fus align&eacute;e au d&eacute;part du Troph&eacute;e international des prototypes sur le rapide circuit de Reims-Gueux. Je n&rsquo;y ai pas connu beaucoup de r&eacute;ussite, je l&rsquo;avoue, ce sont mes grandes s&oelig;urs qui l&rsquo;ont emport&eacute; en r&eacute;alisant le record du tour. Moi, &agrave; l&rsquo;&eacute;poque, j&rsquo;avais une sacr&eacute;e cage thoracique. Mon moteur &eacute;tait un impressionnant douze cylindres en V &ndash; ce V12, v&eacute;ritable bijou il faut le reconna&icirc;tre, &eacute;tait une fiert&eacute; pour mon g&eacute;niteur Enzo &ndash; mais il &eacute;tait un peu trop brutal pour mes fr&ecirc;les transmissions, qui cassaient souvent. Pourtant, je me sentais vive et assez forte pour relever tous les d&eacute;fis.

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Je n&rsquo;&eacute;tais s&ucirc;rement pas la seule &agrave; y penser car pour mon deuxi&egrave;me anniversaire, des hommes en blouse grise et en combinaison bleue plong&egrave;rent dans les entrailles de ma m&eacute;canique et mon moteur fut&nbsp;en grande partie chang&eacute; et ramen&eacute; &agrave; une cylindr&eacute;e plus modeste de 3,3 litres. Entre les bruits de cl&eacute;s &agrave; molette et de tournevis, j&rsquo;entendis qu&rsquo;il &eacute;tait question de favoriser la long&eacute;vit&eacute; plut&ocirc;t que la force brute. Moi, &ccedil;a m&rsquo;allait tr&egrave;s bien. Et c&rsquo;est dans cet attelage que je fus engag&eacute;e dans la plus grande des courses d&rsquo;endurance : les 24 Heures du Mans ! Cette &eacute;dition 1964 rev&ecirc;tait une importance toute particuli&egrave;re car le g&eacute;ant Ford voulait y laisser son empreinte. Moi, avec mon cockpit &agrave; l&rsquo;air libre et ma petite cylindr&eacute;e, je ne figurais pas sur la liste des pr&eacute;tendantes &agrave; la victoire. Je laissais avec soulagement cette lourde responsabilit&eacute; &agrave; mes a&icirc;n&eacute;es que je savais cravach&eacute;es par les meilleurs pilotes de la Scuderia, John Surtees et Lorenzo Bandini. Ils avaient toute la confiance du commendatore Enzo Ferrari, notre p&egrave;re &agrave; toutes... D&rsquo;ailleurs ma modeste qualification m&rsquo;&ocirc;tait d&rsquo;embl&eacute;e toute pression. Mon pilote s&rsquo;&eacute;lan&ccedil;ait aux alentours de la septi&egrave;me place et, d&egrave;s les premiers tours, je voyais les &ldquo;li&egrave;vres&rdquo; &ndash; comme on appelait &agrave; l&rsquo;&eacute;poque la voiture de chaque grande &eacute;quipe charg&eacute;e de dicter une cadence d&rsquo;enfer &ndash; s&rsquo;&eacute;loigner &agrave; l&rsquo;avant du peloton dans un m&eacute;lange de poussi&egrave;re et de fum&eacute;e d&rsquo;&eacute;chappement. C&rsquo;est ainsi que les pilotes d&rsquo;autres Ferrari, Pedro Rodriguez et David Piper, prenaient la t&ecirc;te, mais elles seraient bient&ocirc;t doubl&eacute;es par la pire menace pour nous les Ferrari : une <a href="http://www.ford-maroc.com/" target="_blank">Ford</a> !

La lutte fut si intense pour occuper le devant de la sc&egrave;ne que, tour &agrave; tour, les Ford et les Ferrari les plus rapides enregistr&egrave;rent des ennuis m&eacute;caniques, sans oublier les al&eacute;as de la course avec son lot d&rsquo;erreurs humaines. Ainsi, ma cadette, l&rsquo;une des deux autres Ferrari 275 P engag&eacute;es dans cette grande ronde, alors pilot&eacute;e par Giancarlo Baghetti, dut zigzaguer pour &eacute;viter un autre bolide en perdition et sortir de la piste. Si aucun des pilotes concern&eacute;s ne fut gravement bless&eacute;, on apprit que trois spectateurs imprudents avaient &eacute;t&eacute; tu&eacute;s. Nous &eacute;tions au mois de juin, et pourtant c&rsquo;est au c&oelig;ur d&rsquo;une&nbsp;nuit glaciale &ndash; certains carburateurs givr&egrave;rent &ndash; que je me suis retrouv&eacute;e &agrave; la premi&egrave;re place de la plus grande course d&rsquo;endurance du monde, moi la petite et fr&ecirc;le Ferrari 275 P portant le n&deg; 20. Avant que le soleil n&rsquo;apparaisse enfin au sommet des immenses pins du circuit, je pensais &agrave; mes deux vaillants pilotes, Jean Guichet et Nino Vaccarella, qui avaient d&ucirc; souffrir dans la nuit froide, la t&ecirc;te au vent. Au petit matin, c&rsquo;est la classique angoisse de &ldquo;casser&rdquo; qui allait les &eacute;treindre jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;arriv&eacute;e. Mon moteur allait-il faire honneur &agrave; sa r&eacute;putation de robustesse ? Allait-t-il tenir la cadence pendant deux tours d&rsquo;horloge ? Malgr&eacute; la remont&eacute;e au classement de deux autres Ferrari 330 P, intrins&egrave;quement plus v&eacute;loces, la r&eacute;gularit&eacute; de mon duo de pilotes franco-italien fut r&eacute;compens&eacute;e par la plus prestigieuse des victoires pour un prototype d&rsquo;endurance apr&egrave;s 4 695 kilom&egrave;tres de course, avec un tripl&eacute; historique.

Les innombrables livres consacr&eacute;s &agrave; l&rsquo;aventure de Ferrari en comp&eacute;tition pr&eacute;cisent que je suis la derni&egrave;re Ferrari &ldquo;officielle&rdquo; de la Scuderia &agrave; s&rsquo;enorgueillir d&rsquo;avoir remport&eacute; les 24 Heures du Mans en 1964, mais l&rsquo;honn&ecirc;tet&eacute; m&rsquo;oblige &agrave; pr&eacute;ciser que l&rsquo;ann&eacute;e suivante, c&rsquo;est ma cousine germaine, qui avait re&ccedil;u la d&eacute;nomination de Ferrari 250 LM (pour Le Mans), toujours avec un moteur V12 de 3,3 litres, qui s&rsquo;imposa. Elle avait &eacute;t&eacute; engag&eacute;e par une &eacute;quipe am&eacute;ricaine pour Jochen Rindt et Masten Gregory. L&rsquo;Am&eacute;rique ! Un riche Am&eacute;ricain s&eacute;duit par mon triomphe dans la Sarthe, ayant d&eacute;cid&eacute; de m&rsquo;acqu&eacute;rir, c&rsquo;est l&agrave;-bas que je devais poursuivre ma carri&egrave;re sportive pendant cinq ans. M&ecirc;me si l&rsquo;air sec de la Californie avait pr&eacute;serv&eacute; mon teint rutilant, je fus heureuse d&rsquo;apprendre que j&rsquo;allais passer une retraite m&eacute;rit&eacute;e dans la vieille Europe. L&agrave;-bas, un collectionneur passionn&eacute; du nom de Pierre Bardinon s&rsquo;&eacute;tait mis en t&ecirc;te de s&rsquo;offrir toutes les Ferrari ayant remport&eacute; les 24 Heures du Mans. C&rsquo;est ainsi que je me suis retrouv&eacute;e en &ndash; bonne &ndash; compagnie de quatre de mes s&oelig;urs et cousines au c&oelig;ur de la Creuse. Je m&rsquo;attendais &agrave; m&rsquo;empoussi&eacute;rer dans un genre de mus&eacute;e automobile, mais la bonne surprise fut de d&eacute;couvrir, jouxtant mon nouveau lieu de r&eacute;sidence, un magnifique circuit automobile. Ses courbes, je les connais, car mon nouveau propri&eacute;taire eut la bonne id&eacute;e d&rsquo;y a&eacute;rer mes cylindres et mes trompettes d&rsquo;admission avec une r&eacute;gularit&eacute; de m&eacute;tronome. Pour le plus grand plaisir des oreilles des li&egrave;vres de la r&eacute;gion. Ce n&rsquo;est pas sans quelques bleus &agrave; l&rsquo;&acirc;me &ndash; mon moteur douze cylindres &ndash; que je vais quitter un jour ce havre de paix o&ugrave; j&rsquo;ai c&ocirc;toy&eacute; tant d&rsquo;autres beaut&eacute;s m&eacute;caniques. Mais il s&rsquo;agit l&agrave; sans doute du destin des bijoux sur quatre roues. &raquo;

Éloge de la Ferrari 275 P

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