Il est l’éminence grise de la mode vintage, et un modèle d’indépendance. Des débuts de Supreme à l’explosion du streetwear nineties, il a bâti une carrière dans l’ombre jusqu’à devenir l’une des personnes les plus influentes de la mode. Nous l’avons rencontré pour parler de New York, de la réussite à l’ère d’Internet… et des T-shirts préférés de  Rihanna, Cara Delevingne et Kanye West.

Dans le sud de Manhattan, l&agrave; o&ugrave; se termine le Lower East Side et o&ugrave; commence Chinatown, o&ugrave; se croisent les banquiers de Wall Street, les &eacute;tudiants de la School of Visual Arts, diverses communaut&eacute;s d&rsquo;immigr&eacute;s et des touristes du monde entier, se trouve l&rsquo;une des boutiques les plus &eacute;tonnantes de New&nbsp;York. Au 5, Delancey Street, &agrave; deux pas du mythique Bowery Ballroom et &agrave; quatre blocs de l&rsquo;ancien CBGB, vous trouverez chez Procell le meilleur du vintage new-yorkais, des premiers T-shirts de merchandising hip hop aux fameux sweat-shirts Gucci contrefaits des ann&eacute;es 1980.&nbsp;

&Agrave; sa t&ecirc;te, Brian Procell, 34 ans, est peut-&ecirc;tre l&rsquo;une des personnes les plus influentes de la mode aujourd&rsquo;hui. Drake ne quitte jamais la ville sans avoir fait un tour dans sa boutique, Frank Ocean et le A$ap Mob sont des clients r&eacute;guliers, tout comme Cara Delevingne, Sita Abellan et les &eacute;quipes shopping de Kanye West et de Rihanna. Ne vous fiez pas &agrave; sa petite surface et &agrave; sa s&eacute;lection ultra minimaliste, Procell est une mine d&rsquo;or pour les collectionneurs. Ses derniers gros coups en date&thinsp;? Un pop-up de &shy;T-shirts d&rsquo;art &agrave; la derni&egrave;re &eacute;dition d&rsquo;Art Basel ainsi qu&rsquo;un espace &eacute;ph&eacute;m&egrave;re chez Century&nbsp;21, la Mecque new-yorkaise du d&eacute;stockage et des sous-v&ecirc;tements Calvin Klein brad&eacute;s. R&eacute;cemment, il signait une collaboration avec Alexander Wang&nbsp;: soixante T-shirts hip hop vintage, d&eacute;terr&eacute;s de ses archives personnelles. On y trouvait des perles rares telles qu&rsquo;un authentique T-shirt Junior Mafia, le mod&egrave;le original de la premi&egrave;re tourn&eacute;e de Janet Jackson et le tout premier T-shirt &agrave; l&rsquo;effigie de Snoop Doggy Dogg. Ce dernier s&rsquo;est vendu pas moins de deux mille dollars. &ldquo;C&rsquo;est compl&egrave;tement dingue, s&rsquo;amuse Brian Procell, lors du long entretien qu&rsquo;il nous a accord&eacute;. Il y a dix ans, je vendais ce T-shirt quarante dollars. Aujourd&rsquo;hui, il est absolument introuvable. Par la force des choses, j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; en grande partie responsable de la cr&eacute;ation d&rsquo;un march&eacute; pour ce type d&rsquo;articles.&rdquo;

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Brian a b&acirc;ti sa carri&egrave;re sur un principe hasardeux&nbsp;: &ecirc;tre au bon endroit au bon moment. &ldquo;Vous avez vu Slumdog Millionaire&thinsp;? ironise-t-il. Eh bien c&rsquo;est un peu moi, l&rsquo;histoire d&rsquo;un mec qui, par hasard, avait les bonnes r&eacute;ponses.&rdquo; Natif de Hoboken, ville moyenne du New Jersey o&ugrave; Frank Sinatra a vu le jour, il passe son enfance dans un quartier pauvre, o&ugrave; seuls le logo des v&ecirc;tements et la culture musicale sont facteurs d&rsquo;&eacute;l&eacute;vation sociale. &ldquo;La culture vintage n&rsquo;existait pas du tout et acheter de la seconde main &eacute;tait la pire des hontes. L&rsquo;ironie est que c&rsquo;est dans une boutique de l&rsquo;Arm&eacute;e du Salut, o&ugrave; je refusais de mettre les pieds &agrave; l&rsquo;&eacute;poque, que j&rsquo;ai trouv&eacute; les plus belles pi&egrave;ces de ma collection, des ann&eacute;es plus tard.&rdquo; &Agrave; partir de la pression sociale, de sa passion pour le hip hop et pour les cultures alternatives de la fin des ann&eacute;es 1990, Brian Procell a d&eacute;velopp&eacute; une culture mode ultra pointue, et un flair ind&eacute;niable. &ldquo;Il faut comprendre que j&rsquo;ai v&eacute;cu toute ma vie dans un p&eacute;rim&egrave;tre de 20 kilom&egrave;tres autour de New York. Toute mon enfance, j&rsquo;ai observ&eacute; la ville de pr&egrave;s sans pour autant y &ecirc;tre int&eacute;gr&eacute;, ce qui m&rsquo;a apport&eacute; un certain recul. J&rsquo;ai vu les populations d&eacute;filer, les quartiers pauvres s&rsquo;enrichir, et c&rsquo;est en voyant &eacute;voluer des modes qui m&rsquo;&eacute;taient presque inaccessibles, et donc me fascinaient, que j&rsquo;ai tout appris de la notion de tendance.&rdquo;&nbsp;

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“Il faut comprendre que j’ai vécu toute ma vie dans un périmètre de 20 kilomètres autour de New York. Toute mon enfance, j’ai observé la ville de près sans pour autant y être intégré, ce qui m’a apporté un certain recul. J’ai vu les populations défiler, les quartiers pauvres s’enrichir, et c’est en voyant évoluer des modes qui m’étaient presque inaccessibles, et donc me fascinaient, que j’ai tout appris de la notion de tendance.”

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Le potentiel de la seconde main

Apr&egrave;s avoir travaill&eacute; plusieurs ann&eacute;es pour les galeries et boutiques de la compagnie Toy Tokyo, Brian cofonde, en 2007, le magasin Coat of Arms, sp&eacute;cialis&eacute; en streetwear contemporain. Il prend le pari d&rsquo;y consacrer un corner au vintage. &ldquo;Nous sommes les premiers &agrave; avoir fait &ccedil;a &agrave; New York. Nous vendions du&nbsp;Calvin Klein, Polo Ralph Lauren, Tommy Hilfiger&hellip; tout ce que l&rsquo;on consid&egrave;re aujourd&rsquo;hui comme le streetwear authentique des ann&eacute;es 1990, qui avait d&eacute;j&agrave; disparu du march&eacute;.&rdquo; De fil en aiguille, il devient consultant pour qui a besoin d&rsquo;une expertise vintage. Son premier client&thinsp;? Une jeune marque nomm&eacute;e Supreme&hellip; &ldquo;C&rsquo;est gr&acirc;ce &agrave; eux que j&rsquo;ai r&eacute;ellement compris le potentiel de la seconde main. La marque commen&ccedil;ait &agrave; se faire conna&icirc;tre en dehors de New York et on trouvait de plus en plus de leurs pi&egrave;ces en vente sur eBay. C&rsquo;&eacute;tait un concept assez nouveau, il y avait un march&eacute; &eacute;norme &agrave; d&eacute;velopper.&rdquo; La suite n&rsquo;est que le fruit de bonnes rencontres et de coups du destin. Brian rassemble petit &agrave; petit une collection de v&ecirc;tements qui attire l&rsquo;&oelig;il expert des acheteurs d&rsquo;Opening Ceremony. Ils sont les premiers &agrave; lui consacrer un espace entier, lors d&rsquo;un pop-up store mont&eacute; pour leur premi&egrave;re collaboration avec Adidas, qui lui offre une visibilit&eacute; inou&iuml;e. &ldquo;De l&agrave;, j&rsquo;ai commenc&eacute; &agrave; sourcer des pi&egrave;ces pour toutes les friperies de New&nbsp;York. Je suis devenu la r&eacute;f&eacute;rence pour tout ce qui concerne la mode des ann&eacute;es 1980 et 1990, du streetwear au luxe en passant par le rock.&rdquo;

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En 2012, Procell ouvre ses portes sur Delancey Street. Sa client&egrave;le suit, malgr&eacute; la profusion de magasins vintage. &ldquo;Pour faire durer un concept, il faut en &ecirc;tre LA r&eacute;f&eacute;rence, ce qui a &eacute;t&eacute; mon cas. Et quand ce concept commence &agrave; se diffuser, il faut rester un niveau au-dessus de tout le monde.&rdquo; Brian n&rsquo;a jamais h&eacute;sit&eacute; &agrave; harceler un inconnu dans la rue pour lui acheter une pi&egrave;ce rare, comme une veste Louis Vuitton par Dapper Dan, acquise il y a sept ans. &ldquo;Cela m&rsquo;arrive de moins en moins, vous pensez bien que si un mec se baladait en Dapper Dan aujourd&rsquo;hui, il ne passerait pas le coin de la rue&rdquo;, s&rsquo;amuse Brian, qui a vu Internet et les r&eacute;seaux sociaux transformer un march&eacute; dont il fut le pionnier. &ldquo;Lorsque j&rsquo;ai compris &agrave; quel point Instagram allait transformer les choses, j&rsquo;&eacute;tais furieux, admet-t-il. J&rsquo;avais b&acirc;ti ma carri&egrave;re sur une culture tr&egrave;s pointue, qui tout &agrave; coup &eacute;tait diffus&eacute;e dans le monde entier. Il a fallu r&eacute;agir tr&egrave;s vite : j&rsquo;ai pris le parti d&rsquo;&ecirc;tre sur Instagram, mais de montrer le moins de choses possibles&thinsp;; car cela reviendrait &agrave; me tirer une balle dans le pied, la concurrence est partout. Si les gens veulent en savoir plus, ils viennent en boutique.&rdquo;

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Aujourd&rsquo;hui, Procell propose une s&eacute;lection r&eacute;duite, qui m&ecirc;le le streetwear aux lignes sport casual des ann&eacute;es 1990 de marques comme Prada, Chanel ou Miu Miu. Dans son entrep&ocirc;t de Brooklyn, il conserve les tr&eacute;sors qu&rsquo;il met &agrave; disposition de ceux qui s&rsquo;offrent ses talents de consultant, tout en pr&eacute;parant l&rsquo;avenir, &agrave; son rythme. Il travaille actuellement sur une collaboration avec Sony, puis avec la marque de streetwear Richardson, pour laquelle il dessine ses toutes premi&egrave;res pi&egrave;ces. Il a &eacute;galement pour projet de transformer son entrep&ocirc;t en une deuxi&egrave;me boutique, qui s&rsquo;&eacute;tendrait au design et &agrave; la d&eacute;coration. &ldquo;Ces derni&egrave;res ann&eacute;es ont prouv&eacute; que si votre client&egrave;le a confiance en vous, les fronti&egrave;res entre cr&eacute;ation et curation peuvent s&rsquo;effacer peu &agrave; peu. Je veux proposer une vision globale de la culture et de l&rsquo;esth&eacute;tique. Vous avez vu ce magnifique documentaire sur Dries Van Noten, o&ugrave; on le voit s&eacute;lectionner des fleurs dans son jardin&thinsp;? Si ces compositions &eacute;taient vendues en boutiques, je les ach&egrave;terais, car cet homme a un go&ucirc;t ind&eacute;niable&thinsp;!&rdquo; Une vision loin d&rsquo;&ecirc;tre incompatible avec son principe fondamental&nbsp;: garder une taille humaine. &ldquo;Je ne vendrai jamais sur Internet, et je refuse toute proposition d&rsquo;investissement. Ce qui a fait le succ&egrave;s de Procell, c&rsquo;est la culture authentique sur laquelle nous nous sommes construits, l&rsquo;atmosph&egrave;re pointue de la boutique et mes propres pronostics. J&rsquo;ai r&eacute;ussi &agrave; d&eacute;velopper un business p&eacute;renne &agrave; New&nbsp;York, la ville la plus s&eacute;v&egrave;re au monde. Si vous r&eacute;ussissez l&agrave;, vous n&rsquo;aurez jamais besoin d&rsquo;en sortir.&rdquo;

Qui es-tu, Brian Procell ?

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