Constance Debré : "On ne devient pas libre sans dommages"

Faut-il encore croire au terme de “révolution” ?

Je n’en reviens pas de tout ce que les gens acceptent, sans broncher, sans moufter, sans rien déranger. La seule chose qui me surprenne chaque matin, c’est de voir le calme. Je ne sais pas si ce calme est un miracle ou un cauchemar.

Que pensez-vous des combats qui animent les femmes en ce moment ?

Les femmes, c’est quelque chose qui n’existe pas. Pas plus que les hommes. Surtout s’il s’agit de camper les femmes dans la position de victimes et les hommes dans celle de coupables. L’enjeu, c’est toujours de se définir comme sujet. Avocate, j’ai défendu des hommes accusés de viol, de violence contre des femmes. Parfois ils sont coupables, parfois pas. Les situations ne sont jamais les mêmes, et les qualifications juridiques recouvrent des faits d’une infinité de nuances. Puis, une fois qu’on a jugé, que reste-t-il ? Il reste tout à faire, à la victime d’être autre chose qu’une victime, au coupable qu’un coupable. La justice ne répare rien. Elle scinde le monde en deux.

Quelles figures révolutionnaires vous inspirent ?

Ma vie sans la littérature n’aurait aucun sens. Je suis vivante parce que chaque jour, des écrivains de mon temps considèrent que la chose la plus importante de leur vie est de dire ce que, dans la vie normale, on n’arrive jamais à dire. De Guillaume Dustan à Virginie Despentes ou Christine Angot.